La proposition de la Commission européenne dont je souhaite vous parler fixe, pour 2015 et 2016, les possibilités de pêche ouvertes aux navires de l'Union européenne pour certains stocks de poissons d'eau profonde.
Elle s'inscrit dans le cadre des traditionnelles négociations de fin d'année des totaux admissibles de captures et de leur répartition entre États membres pour l'ensemble des pêcheries européennes, dites négociations « TAC et quotas ». Les possibilités de pêche pour les espèces profondes sont établies tous les deux ans. Je présenterai d'ailleurs une autre communication en décembre sur les possibilités de pêche pour 2015 dans l'Atlantique et la mer du Nord, qui seront discutées au Conseil Agriculture et pêche des 15 et 16 décembre.
En préambule, je tiens à souligner que cette proposition doit bien être distinguée de la proposition de règlement présentée par la Commission européenne le 19 juillet 2012 visant à renforcer le régime actuel d'encadrement des pêcheries d'eaux profondes, sur lequel je sais que nous avons d'importantes divergences.
La définition de la pêche profonde fait encore débat. Le Conseil International pour l'Exploration de la Mer (CIEM) définit comme profondes les eaux dont les profondeurs sont supérieures à 400 mètres. Dans les eaux européennes, les pêches profondes sont définies par une liste d'espèces fixée par voie de règlement.
Pour la plupart de ces espèces profondes, leur croissance lente et leur reproduction tardive ne leur permet de supporter qu'un taux d'exploitation très modéré. Afin de protéger cette ressource fragile, des quotas et d'autres mesures de gestion (permis de pêche spécial à partir d'un certain seuil, règles de contrôle strictes) ont été mises en oeuvre à partir de 2003.
Je considère que cette vulnérabilité des espèces profondes doit évidemment être prise en compte dans la fixation des possibilités de pêche.
Dans la proposition de règlement, la Commission européenne s'appuie, afin de déterminer ces possibilités de pêche, sur les avis du Conseil international pour l'exploration de la mer, qui procède tous les deux ans à un examen approfondi de l'état des stocks d'eau profonde, qui donnent ensuite lieu à un examen complémentaire du comité scientifique, technique et économique de la pêche. Selon les avis scientifiques pour 2014-2015, les espèces pour lesquelles la situation est la plus préoccupante sont l'hoplostète rouge (le « poisson empereur »), les requins d'eau profonde, la dorade rose et certains stocks de grenadier de roche.
Toutefois, en ce qui concerne les stocks visés par la proposition, à l'exception d'un stock de grenadiers de roche sur une zone, les informations disponibles n'ont pas permis aux scientifiques d'évaluer l'état des stocks de manière exhaustive (population, mortalité). En effet, comme ces espèces ont souvent une durée de vie et une croissance lente, il est difficile de structurer le stock en différentes catégories d'âge et d'évaluer les incidences de la pêche sur le stock en se fondant sur la structure d'âge des captures. Par ailleurs, ce sont des stocks largement répartis à des profondeurs auxquelles, pour des raisons pratiques, il est difficile de se livrer à des investigations. Cette connaissance scientifique s'améliore cependant, par exemple grâce au projet européen « Deepfishman » qui a conduit à l'amélioration des diagnostics sur les stocks profonds et à des propositions en matière de modalités de gestion.
Pour les stocks pour lesquels le niveau du rendement maximum durable n'est pas connu, la Commission européenne a donc proposé d'appliquer les réductions de captures recommandées par le CIEM sur deux ans, en plafonnant la baisse annuelle à 20 %, sauf pour deux stocks de dorade rose pour lesquels les avis scientifiques sont particulièrement négatifs. Pour les stocks pour lesquels les avis scientifiques sont très limités et ne comportent aucune appréciation quantitative, la Commission européenne a choisi de suivre un principe de précaution.
Dans ce cadre, sur les vingt-deux stocks couverts par la proposition de règlement, la Commission européenne propose une augmentation des TAC pour les quatre stocks de mostelle, une réduction des TAC pour dix stocks et un maintien des TAC actuels pour huit stocks, dont les six stocks de poissons empereur et de requins des grands fonds. Pour ces deux espèces, particulièrement fragiles, l'interdiction de pêche instaurée en 2010 a en effet été reconduite.
Pour plusieurs de ces espèces, les TAC fixés sont très faibles car aucune pêcherie ciblée n'est autorisée : les TAC ne concernent donc que les prises accessoires (c'est par exemple le cas pour la dorade rose dans la zone Atlantique).
Une nouvelle espèce, le grenadier berglax, a été intégrée dans le champ du règlement.
Ces possibilités de pêche ont été discutées au Conseil Agriculture et pêche le 10 novembre dernier. Les principales modifications par rapport à la proposition de la Commission européenne ont porté sur les quotas de sabre noir et de dorade rose.
Trois espèces sont principalement exploitées par les pêcheries françaises : le sabre noir, le grenadier de roche et la lingue bleue. La lingue bleue n'est pas concernée par cette proposition de règlement. En ce qui concerne le grenadier de roche et le sabre noir, je considère que le compromis obtenu à l'issue du Conseil est pleinement satisfaisant pour les pêcheries françaises, tout en tenant compte de la vulnérabilité des espèces d'eaux profondes.
Je tiens à souligner que l'approche retenue par la Commission européenne et soutenue par la France est à la fois durable et raisonnable. Il est nécessaire de mieux protéger les espèces profondes : dans ce sens, la réflexion sur la sélectivité des pêcheries pourrait utilement être poursuivie pour limiter au maximum les captures accessoires de ces espèces. La connaissance scientifique de ces espèces doit également être améliorée. Toutefois, les pêcheurs en eau profonde ont déjà consenti des efforts très importants pour améliorer cette même connaissance scientifique et surtout pour développer des pratiques de pêche responsables du point de vue environnemental : il convient donc de ne pas bouleverser l'équilibre socio-économique de ces activités, notamment en lissant les variations des possibilités de pêche dans le temps.