Intervention de Éric Ciotti

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Ciotti :

Monsieur le ministre, vous avez rappelé l'attachement de tous les républicains au principe majeur qu'est, pour notre pays et notre démocratie, le droit d'asile.

Vous avez aussi rappelé le long parcours juridique dont il est issu, permettant l'accueil des opprimés et des réfugiés dans notre pays tout au long de notre histoire. Je partage cette approche et suis également attaché à ce principe.

Mais vous avez également rappelé les failles du système actuel, ses difficultés et la crise à laquelle il est confronté – les multiples rapports émanant de parlementaires de sensibilité différente l'attestent. Vous avez d'ailleurs cité mon rapport qui, bien que caricaturé par certains, dresse le constat d'une situation qui s'impose à tous et évoque des faits objectifs : l'augmentation constante du nombre de demandeurs d'asile – 66 000 en 2013 –, l'accroissement considérable du coût budgétaire de l'asile – 666 millions d'euros en 2013 –, la saturation des hébergements d'urgence, ainsi que divers indicateurs montrant que ce système est au bord de l'implosion et qu'il ne remplit plus sa vocation initiale, qui est d'accueillir les réfugiés et les opprimés. Aujourd'hui, ce système est devenu une procédure légale pour des filières d'immigration illégales. Il y a un dévoiement du principe fondamental de l'asile.

Actuellement, près de 80 % des demandeurs d'asile sont déboutés de leur demande et à peine 5 % des déboutés sont éloignés de notre territoire, selon l'Inspection générale des finances (IGF), l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale de l'administration (IGA). Il y a donc une perversion du système, puisqu'il n'y a quasiment plus de distinction entre les réfugiés et les déboutés du droit d'asile. De même, lorsqu'on place sur le même plan les réfugiés que l'on doit accueillir parce que leur situation le nécessite – comme les chrétiens de Syrie ou d'Irak ou d'autres minorités – et les personnes venant par la voie légale mais pervertie des filières d'immigration – dont j'ai pu constater l'ampleur lors de ma visite à l'OFPRA –, il y a un problème.

Si ce texte propose des avancées – la transcription des directives européennes, le guichet unique ou l'élargissement des critères de placement en procédure accélérée –, les réponses qu'il propose ne sont pas à la hauteur de l'enjeu. Vous nous invitiez à descendre à l'arrêt « République » : j'estime que vous êtes resté un peu bloqué à l'arrêt « Naïveté » et que Mme Mazetier est en chemin pour l'arrêt « Idéologie » ! En tout cas, si les amendements soutenus par la rapporteure sont adoptés par notre assemblée, les maux que vous soulignez seront gravement alourdis, s'agissant notamment des délais d'examen et des procédures, et vous allez aboutir à l'effet inverse de celui que vous prétendez obtenir.

Nous avons donc déposé, au groupe UMP, des amendements pour permettre de faire une distinction claire entre les réfugiés et ceux qui ne méritent pas ce statut noble.

J'observe en outre que pas une fois ce texte ne traite de façon concrète la question de l'éloignement des déboutés. Si vous avez rappelé l'impérieuse nécessité de raccourcir les délais d'examen – objectif auquel je souscris –, vous n'avez en aucun cas souligné la nécessité de procéder à des mesures claires de simplification pour obtenir enfin des éloignements, qui ne sont quasiment plus réalisés aujourd'hui. Tant qu'il n'y aura pas d'éloignements, le système implosera : le nombre de demandes croîtra de façon incessante, car toutes les personnes qui veulent venir en France et en Europe – la situation au Proche et au Moyen-Orient s'y prête – vont utiliser et dévoyer la procédure et nous serons toujours en retard sur les moyens pour les places en CADA ou en hébergement d'urgence. Surtout quand on sait que la plupart des centres d'hébergement d'urgence réservés aux sans-abri sont occupés par des déboutés de demande d'asile. Je rappelle par ailleurs que la Cour des comptes a relevé 18 % d'indus sur le versement de l'ATA.

Je vous invite donc à la lucidité : il faut tourner la page d'une approche trop naïve ou idéologique. Nous sommes confrontés à une carence majeure. Vous ne résoudrez rien et ce texte n'atteindra certainement pas ses objectifs : je prends le pari devant vous que nous serons contraints de revenir sur ce dispositif et de rompre avec ces pratiques. Si on ne règle pas la question de l'éloignement, on ne réglera pas les problématiques liées à l'asile et on mettra toujours en péril le système existant, que l'on doit pourtant tous ensemble défendre et maintenir, car c'est un des piliers de notre République.

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