Intervention de Marie-Françoise Bechtel

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Françoise Bechtel :

Monsieur le ministre, je vous remercie des mots que vous avez su trouver pour saluer la tradition républicaine française en matière d'asile. C'est une tradition très vivace, y compris dans notre monde juridique et judiciaire, en raison des aléas que nous avons connus dans l'histoire, et peut-être aussi en raison de notre géographie. Je souligne par ailleurs que notre pays a été en première ligne dans la création du HCR après la Deuxième Guerre mondiale.

On trouve un écho de cette tradition très vivace dans le débat de 1993, lorsque l'on a voulu entièrement « schengenniser » l'octroi de l'asile et que le Président Mitterrand a dû rappeler fermement que la Constitution française permettait toujours de donner l'asile. La Constitution est supérieure aux traités et donc à la Convention de Genève que nous révérons tous. C'est la raison pour laquelle je crois que la notion de « combattant de la liberté » qui apparaît rapidement dans le texte ne doit pas être dénaturée.

Cela étant, la masse des demandes d'asile qui nous sont faites est traitée par l'OFPRA et la CNDA. C'est bien de cela qu'il s'agit aujourd'hui. Alors que nous avons l'obligation de transposer dans notre droit trois directives, nous devons nous adapter à un contexte difficile. Il nous faut aiguiller les demandeurs d'asile au bon endroit, au bon moment et pour la bonne cause.

Au bon endroit : tout le système de l'hébergement est revu de manière très positive, ainsi que l'ont souligné nombre de nos collègues.

Au bon moment : je crois que nous avons bien progressé en affirmant plus clairement la différence entre les droits attachés à la demande d'asile à la frontière, et la demande d'asile de droit commun.

Pour la bonne cause – c'est le plus difficile : nous séparons la demande d'asile qui devrait avoir des chances normales de prospérer, eu égard à un certain nombre d'éléments, de la demande d'asile qui n'a pas une telle vocation – quand elle ne constitue pas un détournement de procédure. À ce propos, je tiens à signaler à notre collègue Larrivé que tous les gouvernements se sont trouvés devant des problèmes liés à l'engorgement des demandes d'asile, soit qu'ils n'aient pas traité la question de l'accueil, soit que les aléas internationaux aient provoqué une augmentation des arrivées. La vérité est que nous sommes aujourd'hui au fond de l'entonnoir, et que nous payons le prix de politiques qui n'ont peut-être pas toujours été menées aussi énergiquement qu'elles auraient pu l'être, notamment en matière d'accueil.

Par ailleurs, les directives nous invitent à poser un regard neuf sur notre droit et nos procédures. J'observe néanmoins que notre système a une valeur réelle dans un pays démocratique : l'OFPRA a prouvé qu'il savait se réformer utilement ; la CNDA est la seule juridiction française à intégrer un membre désigné par une organisation internationale (le membre du HCR) ; le Conseil d'État a depuis de longues années une jurisprudence très protectrice en matière de droits des étrangers, au point de se trouver en phase avec les directives – qu' il a d'ailleurs parfois précédées, si ce n'est inspirées.

Pourquoi ces remarques ? Pour dire que la crise de l'asile est à la fois réelle et relative : réelle, dans la mesure où il existe bien un engorgement, quelles qu'en soient d'ailleurs les causes, multiples, diverses et variables dans le temps ; relative, dans la mesure où la France n'est pas le premier pays d'Europe à recevoir des demandeurs d'asile. De la même façon, l'Europe n'est pas le premier continent ni la première union régionale à le faire. Il faut donc relativiser les choses et garder notre sang-froid en votant un texte qui comporte toutes les dispositions législatives utiles, mais rien que les dispositions législatives utiles, en se gardant de celles qui seraient inutiles ou « proclamatoires ». Mais naturellement, nous devrons nous assurer que le dispositif matériel qui accompagnera la loi sera sécurisé et restera stable dans le temps.

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