Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur :

Mesdames et messieurs les députés, je vais essayer de répondre à toutes vos questions, au moins de façon succincte.

Madame Mazetier, vous m'avez interrogé sur les moyens d'associer les élus nationaux à l'élaboration des schémas d'hébergement d'urgence. Je peux vous préciser que le schéma sera transmis au Parlement pour examen, avant d'être adopté par ailleurs au plan local. Le préfet devra veiller à associer les élus locaux ; il recevra de ma part des directives très fortes en ce sens.

Vous m'avez également interrogé sur l'homogénéisation des conditions d'assistance en CADA et en hébergement d'urgence. Le Gouvernement a déposé un amendement, pour confirmer que les demandeurs pourraient faire l'objet d'un accompagnement social et juridique, quel que soit le statut de leur lieu d'hébergement dans le système d'asile, que ce soit en CADA ou en HUDA. Cet amendement devrait parfaitement répondre à la préoccupation que vous avez exprimée.

Madame Crozon, vous avez soulevé la question de l'hébergement directif. C'est une question sensible, à propos de laquelle M. Robiliard m'a aussi interpellé. Je voudrais apporter quelques éléments de réponse qui seront bien évidemment développés dans le cadre du débat que nous allons mener dans les semaines à venir.

Le principe est extrêmement simple. C'est à l'autorité administrative de procéder à l'hébergement directif. En l'occurrence, dans le cadre du système de guichet unique que nous mettons en place, c'est l'OFII qui dirigera le demandeur d'asile vers un centre d'hébergement « adapté à ses besoins ». J'insiste sur cette précision. En effet, il va de soi que l'office ne saurait fournir un hébergement qui ne correspondrait pas à la composition de la famille du demandeur d'asile ou à son état de vulnérabilité.

Le projet de loi offre des garanties nouvelles : un diagnostic des vulnérabilités sera effectué par l'OFII, qui devra en tenir en compte dans l'attribution de l'hébergement. Ainsi, un demandeur d'asile en situation de handicap, par exemple, devra être orienté vers un CADA à même de le recevoir. C'est normal, compte tenu de notre préoccupation d'assurer aux demandeurs d'asile un accueil de qualité. Je précise que cette orientation devra être rapide. Il s'agit d'éviter que le demandeur d'asile ne demeure de longs mois en hébergement d'urgence en attente d'une orientation.

Ces garanties pourront être explicitées pendant le débat en séance publique. Je voudrais toutefois insister sur un point : il ne faudrait pas que de trop nombreuses dérogations alourdissent le travail de l'OFII, ou que des systèmes complexes de notification finissent par allonger la procédure. Cela risquerait de nuire à l'efficacité de notre dispositif, et de vider le texte de son objet.

Vous avez ensuite abordé un autre sujet tout aussi sensible, le droit au travail des demandeurs d'asile. Ma réponse sera claire et sans ambiguïté.

La réforme que je présente vise à réduire les délais d'instruction de la demande d'asile. C'est la condition d'un traitement plus humain pour ceux qui, dans notre pays, demandent l'asile, et tous ceux qui font cette démarche ont le droit d'obtenir une réponse rapide de la République. Nous nous engageons à fournir cette réponse dans un délai de neuf mois – contre 24 aujourd'hui.

Nous nous engageons ensuite à fournir au demandeur d'asile une allocation et un hébergement, dans le cadre prévu par l'article 15 du projet de loi. Les directives applicables prévoient par ailleurs que si nous tardons trop à répondre à la demande d'asile, c'est-à-dire au bout d'un délai de neuf mois, le demandeur pourra se voir reconnaître un droit au travail. Bien évidemment, nous transposerons cette disposition. Pour autant, je ne suis pas du tout favorable à ce que l'on étende davantage ce droit au travail pour les demandeurs d'asile. En effet, cela entraînerait une confusion entre la situation des demandeurs d'asile et celle des réfugiés politiques. En outre, cela pourrait entraîner un afflux de demandeurs d'asile motivés autant par l'accès au travail que par l'accès à une protection. Notre système est déjà saturé et ne pourrait supporter une telle hausse de demandes. Si nous voulons accélérer les délais de traitement et optimiser l'accueil des demandeurs d'asile, nous devons faire en sorte de ne pas créer les conditions d'une « embolisation » supplémentaire, qui rendrait le projet de loi inopérant.

Monsieur le député Ciotti, votre intervention abordait plusieurs points qui appellent des réponses précises.

D'abord, comme l'a dit M. Larrivé il n'y a pas, d'un côté, des personnes généreuses et, de l'autre, des méchants. Mais on peut retourner le raisonnement : il n'y a pas non plus d'un côté des personnes irresponsables, et de l'autre des gens raisonnables. Pour que nul ne descende à l'arrêt « Naïveté » et afin que tout le monde descende à l'arrêt « République », il faut que nous arrivions à engager un dialogue dépassant les clivages et à faire en sorte que les vraies réponses soient apportées aux vrais problèmes.

Vous avez d'ailleurs soulevé quelques vrais problèmes, auxquels vous n'avez pas toujours été en situation d'apporter de vraies réponses lorsque vous étiez aux responsabilités. Prenons l'exemple très concret de l'immigration irrégulière, dont le développement risque de ruiner les efforts légitimes que nous souhaitons entreprendre en faveur de l'asile.

L'immigration irrégulière, et notamment celle qui se cache derrière le droit d'asile, a beaucoup augmenté entre 2007 et 2012. Mais depuis 2012, la lutte contre cette immigration irrégulière a porté ses fruits. Entre 2012 et 2013, le nombre de filières d'immigration clandestine qui ont été démantelées a augmenté de 30 %. La progression a été la même entre 2013 et 2014. Depuis le début de l'année 2014, 198 filières d'immigration irrégulière ont été démantelées en France. Je pense que vous connaissez les chiffres de la période précédente. Je suis prêt à faire avec vous la comparaison dans la plus grande transparence. Je pense que cette comparaison sera de nature à vous rassurer sur notre volonté de faire en sorte qu'il y ait plus d'asile et moins d'immigration irrégulière.

Vous soulevez par ailleurs un argument, qui mérite d'être pris en considération : l'asile n'est pas soutenable si, après que les personnes ont été déboutées, elles restent sur notre territoire. J'ajouterai qu'il est d'autant plus difficile de procéder à la reconduite à la frontière des déboutés que le temps d'examen de leur demande a été long.

Je répondrai en deux points.

Premièrement, si l'on veut qu'une politique de l'asile soit soutenable, et donc que l'asile ait un sens, il faut que le temps d'examen des dossiers soit suffisamment court pour que l'éventuelle reconduite à la frontière des personnes déboutées se passe de la façon la moins inhumaine possible. Voilà pourquoi nous avons fixé à neuf mois le délai d'instruction des dossiers, alors qu'il est aujourd'hui de 24 mois.

Deuxièmement, il y a deux textes : celui relatif à l'asile, que nous examinons aujourd'hui, et celui relatif au droit au séjour, dont nous discuterons dans la foulée. C'est dans ce second projet que les dispositions dont vous parlez seront présentées. Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut faire preuve d'une parfaite rigueur intellectuelle. Mais quand vous déplorez que ces mesures ne figurent pas dans ce premier texte, alors même que vous savez qu'elles figurent dans le second, je m'interroge.

En tout état de cause, vous pouvez être totalement rassuré : ces deux projets réalisent un équilibre parfait susceptible de répondre à vos préoccupations.

Enfin, je me propose de vous fournir des chiffres extrêmement précis, au moment du débat en séance publique, sur les reconduites à la frontière au cours des années. Cela nous évitera de commettre des erreurs de parallaxe, qui seraient fonction de l'endroit de l'hémicycle où l'on se trouve.

Monsieur Goujon, vous m'avez posé également des questions très importantes. Je vous répondrai d'abord que c'est l'État, via l'OFII, qui financera le transport des demandeurs d'asile, de leur lieu d'hébergement jusqu'à d'autres points du territoire.

Ensuite, vous savez que le droit à la réunification familiale est issu de la Convention de Genève. Lorsqu'une personne est reconnue comme réfugié, cela signifie que son conjoint, s'il est resté dans le pays d'origine, peut être menacé. Sur ce point, le droit doit être conforté.

Enfin, je viens d'indiquer dans quel texte serait examinée la situation des personnes déboutées, que vous avez soulevée vous aussi. Mais nous pourrons bien évidemment en discuter lors du débat sur la réforme de l'asile.

Par ailleurs, pour rendre plus efficace le transfert sous procédure Dublin, le projet de loi prévoit que dès le début de la procédure, le demandeur d'asile concerné sera assigné à résidence. Mme Mazetier souhaite que ce délai soit étendu à 6 mois renouvelables, ce qui renforcerait l'efficacité de ce dispositif. Une telle proposition a les faveurs du Gouvernement.

Monsieur Richard, vous vous êtes exprimé à propos des vulnérabilités, sujet sur lequel vous vous êtes penchés, Mme Dubié et vous-même, à l'occasion de votre rapport d'évaluation de la politique d'accueil des demandeurs d'asile. J'en profite pour saluer votre travail, ainsi que celui de M. Touraine et de Mme Létard. Ce projet de loi s'en inspire grandement.

Le texte soumis à votre examen fait obligation de procéder à une détection des demandeurs d'asile vulnérables. On entend par là les femmes enceintes, les mineurs étrangers isolés, les personnes handicapées, les femmes victimes de violences ou de traite des êtres humains, etc. Pour autant, il ne précise pas quelles sont les catégories de personnes vulnérables. Celles-ci figurent dans la directive, à laquelle ce texte renvoie. On pourrait considérer que c'est une lacune qui nuit à la compréhension. Je laisse votre commission apprécier s'il est opportun d'améliorer le texte sur ce point.

Sur le fond, c'est l'OFII qui sera chargé de la détection des vulnérabilités, qui ne relève pas du contenu de la demande d'asile, mais d'un simple constat objectif : femmes enceintes, personnes à mobilité réduite, troubles physiques ou psychologiques, etc. Ainsi, l'OFII pourra proposer des hébergements adaptés aux personnes vulnérables – par exemple, un hébergement permettant aux demandeurs d'asile souffrant de certaines pathologies de bénéficier d'un suivi médical.

L'OFPRA prendra bien entendu en compte toutes ces indications. Il devra également, au moment de l'examen de la demande d'asile, jouer un rôle dans la détection des vulnérabilités : celles qui sont liées au fond de la demande et qui apparaîtront dans le récit écrit ou lors de l'entretien à l'OFPRA. Cela pourra notamment concerner les victimes de torture, de différentes traites humaines, de persécutions pour des raisons d'orientation sexuelle ou liées aux violences faites aux femmes.

Enfin, monsieur Richard, nous travaillons à la mise en place de guichets uniques associant les services de la préfecture à ceux de l'OFII, de façon à rendre plus simples et plus rapides l'enregistrement de la demande et l'ouverture des droits. Ce volet administratif de la réforme est conduit en parallèle des travaux législatifs, de façon à la mettre en oeuvre de façon concertée avec les acteurs que sont les associations. Les discussions ont d'ailleurs déjà bien commencé avec les personnels concernés.

Monsieur Larrivé, vous avez abordé toute une série de questions.

Selon vous, la généralisation du recours suspensif est de nature à détourner la loi de son objet, en rallongeant les délais que nous voulons par ailleurs raccourcir. Je ne crois pas que ce soit le cas, pour plusieurs raisons. D'abord, dans le calcul des différentes étapes à passer que j'ai détaillées dans ma présentation générale, l'effet du recours suspensif sur les délais a été pris en compte. Ensuite, le recours ne sera suspensif en matière de réexamen que pour le premier examen, uniquement s'il est recevable et si le demandeur évoque des moyens nouveaux.

Selon vous, les régularisations attireront davantage de demandeurs d'asile. Cette idée ne me paraît pas résister à l'épreuve des chiffres : en 2014, la demande d'asile, alors même que la circulaire avait déjà près de deux ans, a diminué en France d'environ 4 %, tandis qu'elle augmentait partout en Europe. Le nombre de demandeurs d'asile en France est de l'ordre de 60 000 par an, dont 40 000 environ seront rejetées. Je vous précise qu'en Allemagne, la demande d'asile atteint le double.

Par ailleurs, nous ne constatons pas l'existence d'un lien mécanique, même inverse, entre la circulaire et le nombre de demandeurs d'asile. Je comprends bien que ce soit ennuyeux, parce que cela trouble un discours très rôdé, que j'ai encore entendu dimanche sur Europe 1 par le truchement de celui qui fut, dans une autre vie, votre ministre. Mais cela ne correspond pas à la réalité, comme je le lui ai d'ailleurs fait remarquer à plusieurs reprises. Reste qu'il est très déterminé à dire ce qu'il veut – ce qui est d'ailleurs bien légitime dans le cadre d'un débat.

En dernier lieu, monsieur Larrivé, il ne paraît pas possible, en l'état du droit, d'envisager un dispositif selon lequel une décision de rejet de l'OFPRA ou de la CNDA vaudrait mécaniquement OQTF (obligation de quitter le territoire français). Il y a à cela trois raisons.

D'abord, ce serait un mélange des genres entre l'appréciation du bien-fondé d'une demande d'asile, qui relève exclusivement de l'OFPRA et – le cas échéant – de la CNDA, et l'appréciation du droit au séjour, qui relève de l'autorité préfectorale. Le dispositif envisagé ferait reposer sur l'institution et la juridiction concernées, à savoir l'OFPRA et la CNDA, une sorte de pression qui serait peu compatible avec leurs missions et les conditions de sérénité dans lesquelles elles doivent les remplir.

Le rejet d'une demande d'asile vaudrait mesure d'éloignement. L'éloignement, phase ultérieure éventuelle, ne relève pas des missions de l'OFPRA, ni de la CNDA, ni de la problématique spécifique quant à un besoin de protection. Il faut donc laisser l'OFPRA et la CNDA travailler en toute sérénité, laisser entre les mains du préfet la seconde phase du dispositif après que l'OFPRA et la CNDA se sont prononcées. Sinon, nous créerons une confusion très préjudiciable au bon fonctionnement de l'OFPRA et de la CNDA.

Ensuite, même si la demande d'asile a été finalement rejetée, la situation du demandeur a pu connaître des changements tels qu'il peut prétendre à un titre de séjour pour un autre motif. Ce n'est pas parce que le séjour a été refusé au titre de l'asile qu'il ne peut pas y avoir un droit au séjour à un autre titre : professionnel, familial, de santé, etc. Quel serait alors le fondement de cette OQTF, à peine prononcée et déjà illégale ? Accepter votre proposition, monsieur Larrivé, poserait des questions de droit incommensurables, propres à passionner les plus fins juristes de la République, mais aussi à embarrasser ceux qui sont chargés de résoudre le problème de l'asile en France. J'ai moi-même beaucoup d'intérêt et de passion pour le droit, mais j'ai aussi le souci de l'efficacité de l'action que j'essaie de conduire – deux préoccupations qui ne sont pas forcément compatibles. Je vous mets donc en garde.

Enfin, la législation sur l'éloignement votée en 2011 pour transposer la directive « retour » de 2008, et les principes de notre droit, imposent, en matière d'éloignement, à la fois une appréciation de chaque cas individuel et la prise d'un certain nombre de décisions.

Vous comprendrez donc que je sois très réservé sur la proposition que vous avancez, même si je considère tout à fait légitime que vous la versiez au débat.

Madame Chapdelaine, votre question sur la transformation de l'OFPRA et de l'OFII était simple et brève. Elle mérite une réponse précise.

Depuis 2013, et sous l'impulsion de son directeur général, Pascal Brice, l'OFPRA a engagé une réforme de grande ampleur dont certains parlementaires ont pu se rendre compte en allant sur place. Cette réforme a produit des résultats très significatifs. D'une part, grâce aux modifications apportées à la gestion de l'office, le nombre de dossiers traités a augmenté de 15 % en 2014, par rapport à la même période de 2013. D'autre part, le stock du nombre de dossiers en instance, qui n'avait cessé de croître entre 2007 et 2013, a commencé à baisser en 2014. Ce mouvement, qui ne s'était pas produit au cours de la période précédente, s'accélère. Il faut bien entendu aller au-delà. C'est la raison pour laquelle l'OFPRA sera doté de moyens supplémentaires – 55 emplois équivalents temps plein supplémentaires, dont 50 d'officiers de protection. Cela contribuera à réduire les délais.

De son côté, l'OFII a vu ses missions redéfinies, ses moyens redéployés, et un plan de formation très ambitieux mis en place pour ses personnels. Ceux-ci vont bénéficier de la réforme, avec un droit d'option à l'intégration dans les cadres d'emploi du ministère de l'Intérieur. Un management ambitieux, avec un plan d'accompagnement du changement dans la transparence, devrait permettre à l'OFII d'améliorer ses conditions d'exercice. Le passage de plusieurs interlocuteurs à un seul accélérera considérablement les procédures : aujourd'hui, il y a la préfecture, l'OFII, l'OFPRA, Pôle Emploi; demain, il y aura le guichet unique, source de simplification et de gains d'efficacité. Enfin, l'OFII sera le garant de l'intégrité du parcours du demandeur d'asile pendant son séjour – offre de prise en charge, accompagnement, information et gestion de l'ADA.

Madame Appéré, nous sommes disposés à associer les élus à l'élaboration des schémas d'hébergement, comme je l'ai dit tout à l'heure. Nous le ferons par deux biais : la transmission au Parlement et la mobilisation des élus locaux, qui seront sollicités par les préfets.

Par ailleurs, ce n'est pas en multipliant les bornes EURODAC qu'on limitera les concentrations sur certaines parties du territoire. C'est plutôt en mettant en place l'hébergement directif que l'on atteindra cet objectif. J'appelle à cet égard votre attention, comme celle de M. Valax, sur le fait qu'il ne faut pas multiplier les dérogations à la directivité de l'hébergement. On risquerait en effet de rendre totalement inefficace la loi que je soumets à votre débat et à votre approbation.

Monsieur Robiliard, je pense avoir déjà répondu sur la vulnérabilité et sur l'hébergement directif. Mais je vous répondrai sur la domiciliation.

Le système de domiciliation de droit commun ne serait pas adapté aux sujets que nous traitons ici, et cela pour deux raisons. Premièrement, cela ferait reposer une lourde charge sur les CCAS des grandes villes, celles où seront implantés les guichets uniques. Or c'est précisément contre les effets de la concentration que nous essayons de lutter. Deuxièmement, la situation du demandeur d'asile nécessite un suivi spécialisé. Cette domiciliation devra être effectuée immédiatement par le guichet unique dès lors que le demandeur d'asile n'est pas dirigé vers un CADA. La domiciliation de droit commun pourrait entraîner une complexité nouvelle dans la procédure en introduisant un acteur supplémentaire. Or tout l'enjeu de la réforme est de simplifier les procédures et de raccourcir les délais. Voilà pourquoi j'exprime une certaine réserve. Mais nous aurons l'occasion d'en discuter ensemble tout au long du débat.

Ensuite, la présence des conseils – avocat ou représentant d'une association – dans les entretiens organisés par l'OFPRA constitue une avancée fondamentale. C'est aussi un gage de transparence. Cette garantie nouvelle doit être mise en oeuvre dans des conditions permettant la bonne tenue de l'entretien, notamment pour les officiers de protection, et dans l'intérêt même des demandeurs. Cela dit, nous devons avoir à l'esprit que la présence de conseils – un droit important que j'ai souhaité que l'on inscrive dans la loi – ne doit pas nous éloigner de notre objectif qui est de raccourcir les délais. S'il s'avérait qu'elle ne fait qu'alourdir et ralentir les procédures, nous n'aurions pas atteint notre but.

Madame Dubié, le dispositif des pays d'origine sûrs a donné lieu à de nombreux amendements, notamment de votre part, ce qui signifie qu'il suscite encore beaucoup d'inquiétudes et d'interrogations au sein de la représentation nationale. Je tiens néanmoins à vous rassurer. Le projet de loi propose certes de maintenir la liste des pays d'origine sûrs, qui déclenchera le traitement de la demande d'asile en procédure accélérée. Mais les personnes concernées auront désormais les mêmes droits que dans la procédure normale. En outre, l'OFPRA pourra décider à tout moment, en fonction d'éléments personnels, s'il y a lieu d'examiner le dossier selon la procédure normale.

Par ailleurs, les conditions et modalités d'inscription sur la liste des pays d'origine sûrs sont mieux précisées dans le projet de loi. Les critères énoncés dans la directive sont repris, la procédure de révision est simplifiée pour permettre au conseil d'administration de l'OFPRA d'adapter rapidement la liste aux évolutions géopolitiques. Je souhaite que ce dispositif soit maintenu, car il concourt à la réduction et à la maîtrise des délais de procédure. Le projet prévoit des garanties nouvelles. Nous pourrons toujours discuter d'éventuels ajustements. Mais nous devrons absolument veiller à ne pas allonger ces délais.

En dernier lieu, Mme Olivier m'a interrogé sur l'asile et les droits des femmes. Le projet de loi transpose les directives et, notamment, la directive « qualification » qui vise explicitement les persécutions liées au genre comme pouvant ouvrir droit à la protection. Il en est d'ailleurs de même pour les persécutions qui sont liées à l'orientation sexuelle.

La transposition de cette directive, qui est intégralement assurée par l'article 1er de ce projet de loi, permet de répondre à la plupart des questions qui ont été évoquées par Mme Olivier. En outre, dans la mesure où le projet de loi permet de mieux identifier les personnes vulnérables, les personnes les plus fragiles seront mieux protégées dans notre pays. J'attends de l'OFII et de l'OFPRA qu'ils jouent un rôle déterminant en la matière, afin que la France puisse se hisser au meilleur niveau européen.

D'ores et déjà, l'OFPRA accorde une grande importance aux persécutions que risquent de subir les enfants exposés à des mutilations sexuelles. Protéger les femmes victimes de la violence, de l'obscurantisme qui sévit sur bien des points du globe, tel est l'objet de ce projet de loi. La France doit être exemplaire en ce domaine, et vous pouvez compter sur ma totale détermination et mon plein et entier engagement. Ce projet de loi, qui a vocation à entrer dans le droit français, est là pour confirmer qu'un tel engagement n'est pas que verbal.

Voilà, monsieur le président, madame la rapporteure, mes réponses aux questions qui viennent d'être posées. Je n'ai pas pu répondre de façon exhaustive, mais nous n'en sommes qu'au début de la discussion et ces sujets pourront être abondamment traités dans les semaines qui viennent, à la faveur de nos débats.

La Commission en vient à l'examen des articles.

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