Intervention de Agnès Saal

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Agnès Saal, présidente-directrice générale de l'Institut national de l'audiovisuel :

Je vous remercie de m'offrir l'occasion de vous parler de l'Institut national de l'audiovisuel, cette très belle entreprise qui, en 2014, fête ses quarante ans, et dont j'ai pris la responsabilité il y a six mois. De l'INA, la loi de 1974 décrit toutes les missions : conserver, valoriser, chercher, former. La lecture roborative de ce texte commande de tenir compte des évolutions en cours et de positionner résolument l'INA comme un acteur majeur de l'audiovisuel, des médias et du numérique au XXIe siècle.

À mon arrivée, j'ai trouvé l'Institut en fin de cycle, quelque peu à bout de souffle. C'est que venait à son terme le grand mouvement lancé au début des années 2000 par les présidents Francis Beck puis Emmanuel Hoog pour sauvegarder et numériser les archives audiovisuelles qui forment la mémoire de la Nation et donner accès à une partie de ces fonds au public et aux professionnels par le biais de sites électroniques.

Il nous faut maintenant réinventer les missions de l'INA et pour cela mettre en oeuvre une stratégie qui insufflera un nouveau dynamisme à l'entreprise et lui donnera une vision d'avenir ; elle suppose des chantiers multiples et j'en ai ouvert beaucoup, qui ont une cohérence interne. Les objectifs qui structurent notre démarche sont l'ouverture, l'innovation et la modernisation.

L'ouverture, pour commencer. La palette des compétences et des savoir-faire de l'INA est infiniment vaste, mais insuffisamment connue. Il convient donc de l'ouvrir au monde extérieur de plusieurs manières. La première est d'accueillir des fonds qui ne font pas partie de ceux que l'Institut est historiquement chargé de conserver, en allant à la recherche de nouvelles ressources qui enrichiront nos collections, et ainsi d'élargir – autre signe d'ouverture – les publics. À cette fin, nous diversifions nos sites électroniques, et nous allons créer une plate-forme de vidéo à la demande par abonnement (SVOD).

La volonté d'ouverture nous conduira aussi à diversifier nos partenariats. Je juge indispensable d'en établir avec les entreprises, et pas uniquement celles de l'audiovisuel, public ou privé. Des entreprises « hors média » peuvent parfaitement bénéficier de l'excellence des savoir-faire de l'INA, qu'il s'agisse de valorisation d'un patrimoine audiovisuel propre ou de formation. Je souhaite aussi conclure des partenariats avec les collectivités territoriales, pour mener une action rayonnante sur l'ensemble du territoire ; j'ai déjà noué des contacts en ce sens avec certaines régions et certaines villes.

L'INA doit aussi s'ouvrir davantage à un partenaire évident, le monde de l'éducation. Étant donné la richesse de ses collections, sa capacité à les valoriser et à les ordonner en thématiques et sa capacité de formateur, l'INA peut très nettement intensifier ses relations et avec l'Éducation nationale et avec les animateurs d'ateliers périscolaires. J'ai évoqué la question avec la Ligue de l'enseignement.

L'ouverture à l'international s'impose également, pour faire rayonner les savoir-faire de l'INA hors de nos frontières ; cette reconnaissance sera bonne pour la marque « INA » et pour la marque « France ». Il conviendra donc de valoriser sa science de la conservation des archives audiovisuelles et de la formation de jeunes élites dans le champ du numérique. Ainsi contribuerons-nous à trouver des ressources propres, qui s'érodent effectivement de manière préoccupante depuis trois ou quatre ans. Il m'appartient dans un premier temps de stopper cette chute puis, autant que possible, de développer ces ressources.

Dans cette perspective d'ouverture, notre projet phare, c'est la plateforme des contenus culturels numériques. Je souhaite que l'INA se voie attribuer le rôle de pilote, d'agrégateur de contenus culturels – audiovisuels aujourd'hui, numériques demain –, de manière que tous les fonds des institutions de l'État, des collectivités territoriales, des institutions culturelles privées et éventuellement des entreprises ayant un patrimoine audiovisuel peu, mal ou jamais valorisé à ce jour, soient numérisés pour être dûment conservés et rendus accessibles au public sur une plate-forme unifiée. La prodigieuse richesse de l'ensemble, couplée à la capacité singulière d'indexation des fonds documentaires de l'INA, donnera aux consultations une profondeur de champ exceptionnelle. Sur ce point, j'aurai besoin de l'aide du législateur.

Le deuxième axe de ma démarche a trait à l'innovation. Je veux faire de l'INA un laboratoire, mettre en valeur la capacité de ses équipes à expérimenter de nouveaux outils de fouille des contenus audiovisuels pour donner aux consultations de notre fonds un supplément de sens. J'entends à cette fin conclure des partenariats avec des PME innovantes. Je souhaite que, dès 2015, l'INA devienne une sorte d'incubateur, en mettant au service d'une pléiade d'entreprises inventives ses contenus, ses équipements et ses collaborateurs afin que nous inventions, ensemble, de nouvelles formes de décryptage des données que nous conservons.

L'innovation consiste aussi à ériger l'INA en nouvel observatoire des usages et des métiers des médias et de l'audiovisuel, en l'ouvrant à l'université, aux professionnels de l'audiovisuel et du numérique, à la presse, pour en faire le lieu de l'échange, de la libre parole et de l'invention.

La volonté d'innovation doit également se traduire par la création de nouveaux formats. L'INA produit déjà des programmes documentaires ; il lui faut expérimenter et tenter de donner la parole à des réalisateurs et à des producteurs travaillant sur le transmédia et le webmédia.

En matière d'innovation, mon projet-phare est d'ouvrir, en collaboration avec le Parlement, une réflexion d'ordre juridique tendant à réviser la loi qui a donné à l'INA un rôle éminent en matière de dépôt légal pour l'audiovisuel et le webmédia. Le texte dispose en effet que les collections du dépôt légal ne peuvent être consultées qu'en des lieux déterminés : à la Bibliothèque nationale de France (BnF) à Paris et dans moins d'une dizaine de délégations régionales. Il me paraît que contraindre un chercheur tokyoïte ou australien à venir consulter ces collections en France ne correspond plus aux usages du temps. Il faudra définir les modalités de leur mise à disposition des étudiants et des chercheurs, en ligne, dans les conditions de sécurité qui s'imposent.

Le troisième chantier, celui de la modernisation de l'organisation interne de l'entreprise, n'est pas le moins urgent. Aujourd'hui, l'INA est dépourvu des outils élémentaires qui devraient pourtant constituer l'ossature lui permettant de mener à bien l'évolution que j'ai esquissée. Je compte agir en matière de gestion budgétaire et de politique de l'achat public mais aussi dans le champ des ressources humaines, avec la volonté de renouer le dialogue social et de donner à l'INA la capacité de se projeter dans l'avenir en abordant la question des carrières et des métiers. Il faut, enfin, définir un nouveau schéma directeur informatique : alors que l'informatique est la colonne vertébrale de l'INA, le système dont il est doté pour l'instant manque à la fois de rationalité et de robustesse. Le schéma directeur informatique que nous mettrons en oeuvre dans le cadre du quatrième COM dotera l'INA d'un outil indispensable.

Je traiterai de l'immobilier en répondant à vos questions.

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