Si l'on considère l'évolution sur les vingt dernières années, le temps de travail en France est strictement et banalement dans la moyenne des autres pays européens. Notre pays avait pris en la matière un certain retard, par rapport aux Pays-Bas ou à l'Allemagne où avaient été conclus dans les années 1980 des accords, comme celui de Wassenaar. La France se distingue par le fait que les négociations ont été portées davantage par l'État que par les partenaires sociaux, et la politique française a été mise en oeuvre principalement dans les entreprises de grande taille, où nombre de salariés dans des emplois de cadres échappaient à une réduction annuelle de leur temps de travail et où des redéfinitions de la durée du travail (exclusion de pauses) ont été réalisées, de sorte que la réduction réelle du temps de travail a été bien moindre que celle qui a été affichée. La baisse historique de la durée du temps de travail s'est poursuivie dans les années 2000 en Europe, à l'exception de la Suède et de la France à partir de 2003. Au terme du mouvement de balancier intervenu entre les lois Aubry et les mesures prises par les gouvernements Raffarin, la situation française est donc parvenue, je le répète, à la moyenne. L'événement des 35 heures est plutôt la généralisation des baisses de cotisations sociales employeurs « Aubry » par François Fillon, qui est entrée en vigueur en 2005.
Globalement, la politique française s'est donc plutôt caractérisée par une baisse modérée du temps de travail et par une deuxième tranche, massive, d'allègements des cotisations sociales employeur – les réductions « Aubry » et « Fillon » représentant le double de celles auxquelles avait procédé le gouvernement Juppé. On observe donc, quelle que soit la couleur politique des gouvernements successifs, une grande continuité des choix politiques français en la matière et leur approfondissement par les gouvernements Jospin et Raffarin. Les décisions prises aujourd'hui par le gouvernement Ayrault et par le Président de la République s'inscrivent dans cette continuité issue du consensus qui s'est dégagé au début des années 1990, sous l'égide de l'ancien Commissariat au Plan.