Intervention de Delphine Batho

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel — Article unique, amendement 1

Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie :

Le problème est le passage de la théorie à la pratique.

Dans la pratique, le changement unilatéral des conditions contractuelles perturbe la relation commerciale entre client et fournisseur, entraînant mécaniquement une indemnisation que nous ne sommes pas prêts à supporter.

Il s'ensuit également des conséquences pour la sécurité de l'approvisionnement, que la France cherche précisément, par ses contrats de long terme, à diversifier. La modification des règles provoquerait par exemple une rupture du contrat avec l'Algérie.

Cela étant, vous avez raison en ce qui concerne l'optimisation des coûts d'approvisionnement. C'est sur ce sujet que le Gouvernement travaille actuellement, comme je l'avais indiqué en réponse à l'amendement présenté sur la proposition de loi de François Brottes. Les outils que nous avons à notre disposition pour porter remède à cette situation ne sont pas de nature législative : ils figurent dans le contrat de service public qui sera renégocié au cours de l'année 2013.

Le Gouvernement agit aussi sur la facture énergétique des ménages. C'est notamment l'objet de l'extension des tarifs sociaux, contenue dans la proposition de loi de François Brottes et du groupe SRC.

Madame Bonneton, vous avez eu raison de rappeler l'importance des économies d'énergie, qui est précisément l'un des objets de ladite proposition de loi.

Madame Dubié, vous avez eu raison de dire que la loi ne peut imposer de rupture unilatérale des contrats sans indemnisation.

Quant à André Chassaigne, je voulais le remercier d'avoir rappelé les circonstances de la privatisation de GDF, car c'était utile. En réponse à son interpellation sur la rénovation thermique et les économies d'énergie, je lui indique les moyens qui seront mobilisés en 2013 : l'Agence nationale de l'habitat disposera d'un budget de 590 millions d'euros grâce au produit des enchères carbone ETS - emission trading scheme – ; les programmes d'investissements d'avenir seront aussi mobilisés pour 500 millions sur plusieurs années ; le crédit d'impôt développement durable représentera 780 millions ; l'éco-prêt à taux zéro atteindra 250 millions.

Au total, c'est un budget de plus de 1,7 milliard d'euros qui sera mobilisé en 2013 en faveur des économies d'énergie et des travaux de rénovation thermique. Nous oeuvrons pour que la mobilisation de ces moyens financiers substantiels permette de toucher les 4 millions de personnes vivant dans des logements qualifiés de « passoires thermiques ».

Je tiens à remercier David Habib d'avoir souligné qu'il n'est pas nécessaire d'en passer par la loi pour renégocier les contrats, et que cela mettrait les opérateurs en difficulté. Avec le ministre du redressement productif, je suis de très près la situation de Total Infrastructures Gaz France.

Monsieur Cinieri, vous avez utilement rappelé l'aggravation des problèmes de précarité énergétique et l'histoire de la politique du gaz. Cependant, j'ai relevé une contradiction entre vos propos sur la sécurité d'approvisionnement et votre position finale sur le texte.

Je remercie Frédéric Roig d'avoir rappelé certaines vérités concernant les gaz de schiste et Yves Blein d'avoir insisté sur la volatilité du marché spot. À cet égard, la proposition de loi recèle une contradiction.

S'agissant de l'optimisation des coûts d'approvisionnement, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il s'agit d'un vrai sujet, et le Gouvernement accueille très favorablement l'idée de créer une mission parlementaire. Nous y reviendrons lors du débat sur la transition énergétique et dans le cadre de la renégociation du contrat de service public.

Mais je pense que la formule telle qu'elle est proposée par Jean-Louis Borloo aboutirait paradoxalement à une nouvelle forme de dérégulation des tarifs : la fluctuation des marchés présente un intérêt quand les prix baissent, mais on se retrouve pieds et poings liés quand ils augmentent !

Le Gouvernement propose donc un amendement de suppression de l'article unique de ce texte. Le précédent gouvernement, sur toutes les propositions de loi de l'opposition, avait procédé à des votes bloqués. Ce n'est pas notre méthode. Nous assumons le débat de fond – et la discussion d'aujourd'hui se révèle d'ailleurs utile : on voit bien qu'elle fait progresser un certain nombre d'idées convergentes sur le problème des coûts d'approvisionnement. Pour autant, le Gouvernement assume ses positions et n'est pas favorable à ce texte.

Je rappelle enfin que la proposition de loi de François Brottes, dont j'aimerais qu'elle suscite le même rassemblement, permettra, par l'extension des tarifs sociaux, d'améliorer la situation de 8 millions de Français.

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