Le Gouvernement est donc favorable à la mise en place d'un registre de ce type. Cela ne donnera pas une garantie intangible, une certitude absolue, mais cela sera un moyen concret pour lutter contre le surendettement, même si, comme nous le savons, les causes en sont multiples. La création d'un tel répertoire serait incontestablement un pas dans le sens d'une plus grande responsabilisation des prêteurs.
Il s'agit, pour autant, d'une affaire sérieuse qui mérite que l'on entende l'ensemble des parties. Les positions sont très contrastées, que ce soit au sein du mouvement consumériste ou chez les établissements de crédit. Cette question est d'ailleurs transversale et partage tous les groupes parlementaires ; les positions sont parfois très différentes d'un groupe à un autre. Pourquoi cela ? Parce qu'un certain nombre d'écueils sérieux doivent absolument être évités si l'on veut créer un registre national du crédit.
Le premier écueil a trait à la protection des libertés publiques. Le Gouvernement ne souhaite pas s'engager dans une telle entreprise sans prendre toutes les précautions nécessaires en la matière. C'est pourquoi j'ai saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme, afin qu'elle remette en janvier 2013 ses préconisations en vue de la création d'un fichier positif qui ne soit pas attentatoire aux libertés publiques. Janvier 2013, ce n'est pas dans trop longtemps.
Le deuxième écueil est le coût de ce dispositif. Certes, comme vous l'avez dit, ce coût ne doit pas servir de prétexte à l'inaction. Il y a une grande différence entre les estimations réalisées par le mouvement consumériste, ou en tout cas par l'association CRESUS, selon laquelle la mise en place d'un fichier positif reviendrait à 40 millions d'euros, et d'autres estimations qui vont jusqu'à 700 millions d'euros. Je rappelle cependant que la Banque de France est un opérateur public qui doit respecter des objectifs et qui participe à la réduction des dépenses publiques. Elle a notamment pour objectif de réduire le coût de traitement de chaque dossier de surendettement, qui s'élève aujourd'hui à 900 euros par dossier. Elle est donc déjà engagée dans une démarche de réduction de ses coûts. Si nous lui confions la gestion du registre national du crédit, elle nous répondra assez naturellement que cela augmente ses coûts alors que l'État lui demande de les réduire. Cet aspect ne peut être écarté d'un revers de la main.
Le choix de l'identifiant ne sera pas non plus neutre : vaut-il mieux utiliser le numéro d'inscription au répertoire nationale d'identification des personnes physiques, le NIR, connu sous le nom de « numéro de sécu », ou le FICOBA, le fichier des comptes bancaires ? La CNIL aura un avis différent sur le dispositif selon l'identifiant choisi. C'est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons prolonger la concertation.
Pourquoi prolonger la concertation, et jusqu'à quand ? Une conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale aura lieu, dont l'atelier consacré au surendettement aura notamment pour objet la question du registre national du crédit. Présidée par le président du Secours catholique, M. François Soulage, qui est lui-même partisan de la création d'un fichier national du crédit, la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté nous permettra d'embrasser la totalité des problématiques liées au surendettement et à la création d'un registre national du crédit.
Au regard de l'avis de la CNCDH, de la consultation du mouvement consumériste et des travaux de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, nous disposerons des éléments nécessaires afin de répondre de manière efficace et non prématurée à cette question. Je reconnais cependant que votre proposition répond à une réalité, et à l'urgence du surendettement.
Vous l'aurez compris, monsieur le député, le Gouvernement ne soutient pas votre proposition à ce stade. Nous la considérons prématurée : elle ne présente pas toutes les garanties de réussite et d'efficacité. Même si nous devions accepter aujourd'hui le principe de la mise en place d'un registre national des crédits aux particuliers, notre religion n'est pas faite sur son opportunité en raison des éléments que j'ai évoqués. Elle ne serait donc, au mieux, qu'un élément de réponse au défi auquel nous faisons face : juguler le surendettement et apaiser les détresses économiques et humaines.
Nous voulons traiter la question du surendettement dans sa globalité. Deux textes de loi seront pour cela soumis à votre sagacité. Votre avis et votre vote seront sollicités dans les semaines à venir. Il s'agit du projet de loi bancaire et du projet de loi sur la consommation, que j'aurai l'honneur de défendre devant vous. Ces deux textes proposeront de consolider la protection des consommateurs, dans un ordre économique qui laisse aujourd'hui la part belle aux professionnels et ne défend pas assez les consommateurs. Nous traiterons dans ce cadre à la fois d'un meilleur encadrement du crédit renouvelable et, le cas échéant, de la création d'un registre national du crédit. Si la mise en place d'un registre national du crédit devait figurer dans le projet de loi de consommation, je veux qu'elle soit entourée de toutes les garanties en matière de respect des libertés publiques et de financement, tant en termes de coût de création que de coûts de gestion. Tel est l'engagement du Gouvernement.
C'est pour cela qu'à ce stade, je ne soutiens pas votre texte. Je souhaite cependant continuer à travailler avec vous pour réussir à mettre en place, à l'occasion de l'examen du projet de loi sur la consommation, une véritable politique publique de lutte contre le surendettement. Cela passera, peut-être, par la création d'un registre national du crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)