Le fichier pose en effet de sérieux problèmes en termes de libertés publiques. S'il était introduit, ce sont plus de vingt-cinq millions de Français qui seraient fichés. On nous assure que les données personnelles seraient protégées. Nous voulons bien le croire, mais la réalité montre qu'aujourd'hui la réglementation relative à la protection des données personnelles n'est que trop peu respectée. Dès lors, comment serait-il possible de s'assurer que le fichier n'est pas consulté à mauvais escient ?
Saisi d'une proposition de loi sur l'identité numérique, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré plusieurs dispositions analogues. Non seulement le fichier en question recueillait des données relatives à la quasi-totalité de la population française, mais ses caractéristiques techniques ne permettaient pas de garantir que les données ne seraient pas consultées à d'autres fins que celles initialement prévues.
La mise en oeuvre d'un fichier positif pourrait ainsi contrevenir aux critères de nécessité et de proportionnalité du système de collecte envisagé tels qu'établis par la loi « Informatique et Libertés » de 1978 et par la directive européenne de 1995sur la protection des données. Les réserves formulées par la CNIL le prouvent : rien ne permet, aujourd'hui, de s'assurer que les libertés publiques seraient préservées. Il faut donc, avant de créer un tel registre, être certain que tout sera mis en oeuvre pour assurer la protection des données personnelles des Français.
Face à l'augmentation des cas de surendettement, les députés du groupe RRDP partagent l'impatience de M. Lagarde pour agir, mais les inconvénients du dispositif, en l'état, dépassent ses avantages, d'autant qu'il n'est pas accompagné des mesures indispensables pour prévenir efficacement le surendettement. L'examen de la situation financière des emprunteurs potentiels n'est souvent que trop superficiel, les outils disponibles n'étant pas pleinement utilisés, je puis vous le certifier, par les établissements de crédit. Avant même de créer un nouvel outil, comportant en outre tous les inconvénients que je viens d'indiquer, il faudrait faire en sorte que les dispositifs existants soient pleinement sollicités.
Comme je viens de le préciser, l'article 1er de la proposition de loi qui responsabilise les prêteurs va dans le bon sens. Si un établissement de crédit n'a pas suffisamment étudié la situation financière d'un consommateur, il ne peut prétendre au recouvrement intégral du crédit. Mais encore faudrait-il préciser les critères définissant un tel manquement.
Par ailleurs, les établissements de crédit ne devraient pas seulement mettre en garde les emprunteurs potentiels, mais aussi les conseiller réellement. On ne soulignera jamais assez l'effort pédagogique que les établissements de crédit doivent réaliser. J'ai noté, monsieur le ministre, votre volonté d'améliorer la feuille de dialogue ; cela va dans le bon sens. Quand le groupe RRDP parle d'établissements de crédit, il pense aussi aux vendeurs de ces crédits, qui peuvent être aussi bien des employés de banque que, par exemple, des vendeurs de produits électroniques. Or, si les premiers peuvent être dûment formés – et c'est bien le moins que l'on puisse espérer ! –, c'est rarement le cas des vendeurs en magasin, qui sont bien souvent dans l'incapacité de comprendre le danger que les crédits proposés peuvent représenter.
La responsabilisation des prêteurs pourrait également passer par des actions collectives en justice contre les comportements répréhensibles.
On le voit, le surendettement est un problème aux facteurs multiples, qui mérite d'être traité dans sa globalité. M. le ministre vient de nous indiquer qu'il présentera un dispositif en ce sens dans le cadre de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, dont un atelier sera spécifiquement consacré au surendettement. Les députés du groupe RRDP y sont tout à fait favorables.
C'est pourquoi, considérant les limites de cette proposition de loi et dans l'attente de mesures globales que, nous l'espérons, le Gouvernement ne tardera pas à prendre, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.