Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Prévention du surendettement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un sujet déjà bien connu, celui du surendettement, et plus précisément la création d'un fichier positif des crédits. Il s'agit de la septième proposition de loi sur le sujet depuis 2002. Nous en avons déjà débattu le 26 janvier dernier, après de longs débats sur la loi Lagarde de 2010 et un rapport sur le sujet.

Je constate que, depuis le mois de janvier, aucun élément majeur n'a bougé, si ce n'est l'aggravation des impayés – et donc du surendettement – dus à la crise économique. Débattre tous les ans d'un même texte n'entraîne pas son adoption à l'usure. (Sourires.) On se contente de répéter les mêmes arguments, avec, pour ce qui me concerne, une certaine lassitude.

L'énergie mise à débattre serait peut-être mieux employée à faire une évaluation parlementaire de la loi Lagarde et des mécanismes mis en place, d'autant plus qu'il semble qu'un projet de loi sur le sujet arrivera en 2013. Une mission d'information pourrait aussi se révéler utile pour faire le point : ainsi, nous serions prêts quand le projet de loi arrivera.

Je reste très réservé, si ce n'est hostile, à la création d'un fichier positif en France. Dans l'absolu, un tel fichier est sans doute une bonne idée, puisque c'est un outil supplémentaire pour prévenir le surendettement. Mais quand on analyse ce sujet sous l'angle du rapport coûts-avantages, la balance penche clairement contre le fichier positif.

C'est un outil séduisant en apparence ; encore faut-il que les prêteurs l'utilisent et le fassent correctement. Quand on voit la légèreté avec laquelle, parfois, ils accordent des crédits, on peut se demander à quoi servirait cet outil dès lors qu'il ne serait pas utilisé.

Ce fichier ne donne qu'une information partielle, en l'occurrence le niveau d'endettement, qui, en soi, ne veut rien dire si on ne le relie pas au niveau de revenu de l'emprunteur. Or cette indication ne figurera pas dans le fichier positif. Reste donc le problème des fausses informations fournies par l'emprunteur. C'est souvent le cas quand il commence à s'enfoncer dans la spirale. Les justificatifs qu'il donne ne sont pas faux à proprement parler, mais il oublie, par exemple, de dire qu'il est sur le point d'être licencié.

Plusieurs interrogations et inquiétudes sur la question de la protection des données personnelles n'ont pas été levées. Quelles sont les garanties qu'une telle base de données, qui va intéresser beaucoup d'opérateurs économiques, reste exclusivement consacrée à son objet initial et qu'elle ne serve pas de base pour la prospection ?

La question se pose aussi de ce qui doit figurer dans le fichier. Je pense notamment au cas des réserves d'argent, liées par exemple aux cartes de fidélité, dont les titulaires ignorent parfois l'existence. Ainsi, une personne ayant plusieurs cartes de fidélité dotées d'une réserve d'argent dont elle ne fait pas usage se retrouverait dans le fichier, considérée comme endettée à hauteur du maximum de ce qu'elle peut utiliser avec ses cartes de fidélité. Ce n'est pas gérable.

Enfin, cet outil ne répond pas au problème réel. Le surendettement est souvent le résultat d'un accident de la vie, quand, pour une raison ou pour une autre, les revenus baissent et que l'on ne peut plus faire face aux charges. Le fichier positif n'est d'aucune utilité pour prévenir cela car, lorsque la personne contracte des crédits, elle est parfaitement solvable et rien ne laisse entrevoir que sa situation va se dégrader.

Au final, si toutes les conditions sont réunies, si le fichier fonctionne correctement et est à jour, s'il est systématiquement consulté et si l'organisme de crédit tient compte de cet élément pour accorder ou pas le crédit, combien de situations de surendettement seront évitées ?

La question est à mettre en relation avec le coût financier de ce fichier, qui est important. En effet, il faut le mettre en place, puis l'entretenir et le mettre à jour ; il faut aussi connecter tous les points de distribution de crédits à la consommation. Tout cela représente plusieurs dizaines de millions d'euros, sans oublier qu'il faudra plusieurs mois, si ce n'est plusieurs années, pour le mettre en place.

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? En ce qui me concerne, je réponds par la négative. Je voterai donc contre ce texte, en invitant nos collègues de l'UDI à se concentrer sur le problème du surendettement plus que sur l'outil en lui-même, afin d'éviter les débats inutiles comme celui que nous avons cet après-midi.

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