Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vous avez tous rappelé les chiffres : il y a, dans notre pays, 1,2 million de familles surendettées ; chaque année, 200 000 personnes supplémentaires se retrouvent dans cette situation.
Le surendettement est un fléau – le mot a été utilisé à plusieurs reprises et avec raison. En effet, il est souvent synonyme de rupture du lien social, de désagrégation du noyau familial et de difficultés à se soigner, à se nourrir et à se loger.
Pourtant, mes chers collègues, si nous nous accordons à dire que le surendettement est un fléau pour notre société, force est de constater que nous ne posons pas forcément les mêmes diagnostics, que nous ne sommes pas toujours d'accord sur l'identification des causes de ce mal et que – c'est peut-être là l'essentiel – nous ne partageons pas tout à fait les mêmes idées sur les moyens à mettre en oeuvre pour y remédier.
On a rappelé cet après-midi la proposition de Jean-Marc Ayrault de septembre 2009. Mais ce texte était beaucoup plus global : il tendait à la suppression du crédit revolving, à l'encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l'action de groupe. Or, mes chers collègues de l'actuelle opposition, rappelez-vous que vous avez rejeté cette proposition ! M. Borloo, qui figure parmi les premiers signataires du présent texte, était alors, sauf erreur, ministre du Gouvernement qui s'y est opposé. Voilà qui contraste avec la démarche que, dans la nouvelle majorité, nous avons souhaité adopter : en séance, nous débattons des propositions de loi de l'opposition et, ce matin même, l'un de vos textes a été adopté avec notre accord.
Certes, la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui pose une bonne question. Toutefois, elle ne semble pas assez aboutie. En effet, elle nécessite un présupposé : celui des moyens, notamment des moyens humains, dédiés à la Banque de France, pour absorber une nouvelle activité – je veux bien sûr parler de la gestion du fichier positif.
J'en profiterai pour évoquer un problème d'actualité. Le gouverneur de la Banque de France, M. Noyer, a décidé un vaste plan de réorganisation labellisé « projet de modernisation du réseau : construisons la banque de 2020 ». C'est le genre de titre qui annonce souvent de néfastes conséquences.
Ce plan doit conduire à la suppression de 2 500 postes et à une réorganisation des implantations territoriales, synonyme de fermetures de bureaux d'accueil et d'information, de caisses et de centres de traitement du surendettement. Pour les syndicats, opposés à ce plan, ce service public est en danger. Depuis vingt ans, les agents de la Banque de France traitent les dossiers de surendettement au plus près des territoires. Cette proximité évite souvent, par exemple, des centaines d'expulsions.
Si ce plan allait à son terme, l'accueil des personnes concernées par le fléau du surendettement s'en trouverait dégradé. La réorganisation prévoirait en effet de les orienter en priorité, pour remplir leur dossier, vers Internet ou encore vers les travailleurs sociaux, pourtant déjà surchargés. Le traitement des dossiers de surendettement deviendrait alors minimaliste. Pourtant, on le sait tous, une large majorité du public concerné se trouve dans une situation sociale fragile qui nécessite un accueil personnalisé. Derrière le label affiché par la direction de la Banque de France pour cette restructuration, se cache en fait un seul objectif : réduire les coûts en supprimant un certain nombre d'emplois.
La proposition de loi présentée aujourd'hui ne peut être étudiée sans tenir compte de la situation que je viens de présenter brièvement, car il s'agit bien là des moyens humains dédiés à sa bonne mise en oeuvre.
Mes chers collègues, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, il est possible que le nombre de ménages surendettés croisse plus vite que nous ne l'avons constaté ces dernières années. Pour cette raison, le crédit renouvelable doit être mieux encadré, afin qu'il ne risque pas de conduire au surendettement. Le Gouvernement – et vous en particulier, monsieur le ministre délégué à l'économie sociale et solidaire – y travaille, dans le cadre du futur projet de loi sur la consommation. Sachez que nous aurons à coeur de porter collectivement cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)