Intervention de Annick Le Loch

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Prévention du surendettement — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch :

Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement part d'une louable intention, que nous partageons tous, à savoir assurer une prévention efficiente des situations de surendettement.

Mais le cadre législatif proposé et les moyens d'action suggérés demeurent bien en deçà des mesures nécessaires pour atteindre l'objectif, car c'est bien une réorientation globale qu'il s'agit d'opérer, notamment en traduisant dans les textes l'ambition – que M. le ministre a rappelée tout à l'heure – de mieux réguler ce qui dysfonctionne au sein de l'ordre public économique, lequel, il est vrai, n'avait plus guère cours sous le précédent gouvernement !

Le déséquilibre dans les relations entre les opérateurs économiques et les consommateurs demeure important et même, dans certains cas, dangereux. Aussi l'examen du futur projet de loi sur la consommation – qui aura lieu, nous l'espérons, au printemps prochain – sera-t-il un moment important pour agir.

En effet, c'est bien au moyen d'un véhicule législatif à la mesure de nos ambitions que nous devrons bâtir un projet cohérent en matière de consommation. Ce projet devra viser à soutenir le pouvoir d'achat et assurer une meilleure défense du consommateur, notamment face aux risques de surendettement.

Nous avons abordé ici à plusieurs reprises la question du surendettement des ménages, par exemple – on l'a rappelé – lors de l'examen de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Ce texte visait à supprimer les abus et excès du crédit à la consommation pour en faire un crédit plus responsable, avec l'édiction de mesures d'application progressive. Si l'étalement dans le temps ne permet pas de dresser un bilan exhaustif, certains éléments d'appréciation émergent.

Ainsi, le récent rapport produit à la demande du Comité consultatif du secteur financier, l'enquête de l'UFC-Que choisir, ou encore le baromètre du surendettement établi par la Banque de France nous invitent à poser de nouveaux garde-fous en matière de crédit à la consommation pour le moraliser davantage et pour résorber le surendettement comme le « mal-endettement ».

Il n'est pas question – vous l'avez rappelé, monsieur le ministre – de faire table rase du crédit à la consommation, qui permet principalement aux ménages de financer l'acquisition de biens durables, contribuant ainsi à l'activité économique et au soutien de l'emploi. Ce que nous devons faire, c'est assurer au consommateur l'accès à un crédit qui corresponde à la réalité de son besoin, à sa situation et à sa capacité à le rembourser, et le protéger des dérives éventuelles.

Je ne m'étendrai pas ici sur le prêt personnel ou sur le crédit affecté. En revanche, je souhaiterais mettre l'accent, comme d'autres collègues l'ont fait avant moi, sur le crédit renouvelable, que la loi du 1er juillet 2010 avait vocation à mieux encadrer, notamment en empêchant les porteurs de cartes de fidélité de souscrire un crédit malgré eux, ou encore en obligeant le vendeur à proposer un choix réel entre un crédit classique et un crédit renouvelable pour toute offre de crédit supérieure à 1 000 euros.

Aujourd'hui, malgré une baisse de 16,5 % du nombre de comptes actifs de crédits renouvelables en dix-huit mois, nous en sommes encore à 43,2 millions de comptes ouverts. Seuls 10 % des ménages en seraient détenteurs, ce qui ferait en moyenne huit crédits de ce type par ménage concerné. Ces ménages présentent d'ailleurs des revenus compris entre 11 000 euros et 20 000 euros par an. En cinq ans, plus d'un million de dossiers est parvenu aux commissions de surendettement. Le niveau d'endettement moyen est de 37 500 euros, avec plus de neuf dettes par dossier ; les crédits renouvelables sont présents dans plus de 76 % des dossiers.

Le tableau du crédit renouvelable est donc loin d'être idyllique. Des mesures ont bien été prises pour mieux encadrer ce type de crédits, ce qui a d'ailleurs sûrement contribué à la baisse de leur nombre.

Néanmoins, pour celles et ceux qui ont déjà répondu aux sirènes des vendeurs de crédits alimentant le « rêve » de la consommation, sous forme de slogans divers – « Bénéficiez d'une réserve permanente », « Besoin d'argent rapidement et facilement ? », « Augmentez votre pouvoir d'achat », « C'est le moment de financer toutes vos envies » – et qui se trouvent en situation de surendettement ou risquent de l'être, le cadre juridique protecteur devra évoluer, quitte à passer par des mesures plus contraignantes, notamment la création d'un fichier national des crédits.

Ce n'est pas le niveau de l'endettement des ménages français qui nous interpelle, ce niveau étant plutôt en deçà de la moyenne des pays développés, mais bien le mal du surendettement qui plonge nombre de nos concitoyens dans le plus grand désarroi et l'isolement. Les surendettés sont le plus souvent des personnes seules, majoritairement des femmes, de 35 à 54 ans ; et l'on observe même une récente augmentation dans la classe d'âge supérieure.

Je pense ici à Michelle, une retraitée que j'ai rencontrée récemment et qui, dans le cadre d'une simple livraison de fuel domestique, a accepté en 2007 une carte de fidélité à laquelle était lié un crédit renouvelable. Elle a ensuite souscrit plusieurs crédits successifs de ce type avant de voir, il y a quelques mois, son compte bancaire bloqué. Malgré ses démarches de résiliation, les relances des organismes furent incessantes et Michelle, acculée, vient de déposer un dossier de surendettement à la Banque de France.

Pour Michelle, pour toutes les Michelle qui sont venues vous rencontrer, et pour tous les autres, bien plus nombreux, qui n'oseront pas venir vous décrire dans vos permanences le fléau quotidien qu'est le surendettement lié au crédit renouvelable, je vous invite à vous emparer des travaux qui viendront rapidement nourrir le futur projet de loi sur la consommation, un chantier multidimensionnel et autrement plus ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

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