Intervention de Jean-Marie Tetart

Réunion du 26 novembre 2014 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart, rapporteur :

Cette seconde partie est donc consacrée au renforcement des obligations de construction de logement social. Comme chacun le sait, ce sujet a éclos en 2000 avec l'adoption de la loi SRU, qui fixait un taux de 20 % de logement social. La loi SRU a été complétée par la loi du 5 mars 2007 instaurant le droit au logement opposable, dite DALO, qui étendait cette obligation à l'échelle des EPCI au lieu des seules aires urbaines. La loi « Duflot » augmente le taux de logement social de 20 % à 25 % et ouvre la possibilité d'un quintuplement des pénalités lorsque les obligations ne sont pas respectées. Les deux décrets prévus par la loi ont été publiés le 24 juillet 2013, soit sept mois après la promulgation de la loi, ce dont nous pouvons nous satisfaire. Ils ont été complétés par une instruction du Gouvernement à destination des préfets de département en date du 27 mars 2014. Ce qu'il importe de souligner est que, dès l'été 2013, la cartographie des communes se voyant appliquer un objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux a été définie, ce qui permettait aux préfets d'agir. Cette cartographie fixait également la liste des communes dans lesquelles le taux de 20 % était maintenu car la tension était moins forte. Par ailleurs, la loi avait également élargi le champ d'application de ce taux de 20 % aux communes « isolées » de plus de 15 000 habitants, ne faisant pas partie d'une agglomération ou d'un EPCI de plus de 50 000 habitants, mais connaissant une forte croissance démographique. Ces communes « isolées » sont au nombre de cinq. Mécaniquement, cette cartographie a conduit à l'augmentation de 10 % du nombre de communes soumises à ces obligations, soit 1 129 communes en 2014 contre 1 022 en 2012. Sur ce total, 759 communes sont soumises à un objectif à 25 %, plutôt en zone A et A bis, et 370 communes ont un objectif à 20 %, dont 5 communes isolées. Par ailleurs, la loi a eu pour effet d'appliquer les obligations de la loi SRU à des communes au seul motif qu'elles faisaient partie d'un EPCI, ce qui n'a pas été sans causer quelques difficultés. Ainsi certaines communes très rurales se trouvent brutalement soumises à des obligations fortes en termes de logement social, le taux de 20 % ou de 25 % s'appliquant selon leur situation géographique. À ce titre, la combinaison de la date de 2025 pour le rattrapage et du relèvement du taux légal à 25 % a pour conséquence de fixer des niveaux de production de logements sociaux beaucoup plus élevés que précédemment, et complexes à atteindre pour ces petites communes. Dans la vallée de la Seine, par exemple, un certain nombre de communes maraîchères avec un foncier en lamelles, chacun voit de quoi il s'agit, sont confrontées à de sérieuses difficultés pour mener à bien les opérations de remembrement. À mon sens, le Gouvernement devra veiller à accompagner ces communes ou adapter notre droit. De même, des inégalités de traitement au sein d'un même EPCI ont pu être constatées du fait d'un problème d'articulation entre les notions d'aire urbaine et d'EPCI. Des communes peuvent, en effet, faire à la fois partie d'une unité urbaine au sens de l'INSEE et d'un EPCI, qui n'ont pas les mêmes caractéristiques et donc pas les mêmes objectifs de production de logements sociaux. C'est le cas notamment dans l'agglomération de Saint-Nazaire, où La Baule et Saint-Nazaire n'ont pas les mêmes obligations car l'une de ces communes fait partie de l'aire urbaine et pas l'autre. Nous proposons donc de clarifier ce point, afin notamment de permettre aux maires de s'y retrouver et aux préfets d'être en mesure d'expliquer la loi. De manière générale, on constate néanmoins que les services de l'État ont été fortement mobilisés sur la question et ont, la plupart du temps, adopté une approche pragmatique qu'il faut saluer.

Nous pouvons indiquer aujourd'hui que les objectifs de rattrapage avant 2025 vont être très élevés, nécessités par des situations de tension de logements. Pour l'Île de France par exemple, l'augmentation des objectifs de rattrapage se mesure à 180 % et en Gironde à 85 %. Ceci est l'effet mécanique de la combinaison d'une date à 2025 et d'une augmentation du pourcentage. De plus, la loi a requis que 30 % des logements sociaux soient en PLAI, ce qui est une contrainte supplémentaire.

D'une manière générale, les communes se sont mises en mouvement, y compris avant la promulgation de la loi. Il y avait déjà environ 60 % des communes qui étaient en situation de satisfaire leurs objectifs ou de ne plus être en situation de carence. La menace du quintuplement a un effet sur de nombreuses communes, mais ne fait pas d'effet sur les communes très résistantes notamment en région PACA, où certaines communes ont toujours peu de logements sociaux et annoncent qu'elles préfèrent payer le quintuplement malgré la baisse de la dotation de fonctionnement. Ce dispositif aura toutefois un effet dissuasif in fine.

La majoration du prélèvement est applicable dès 2015. Cela a été un choc et a été compris comme une menace. Pour l'instant, les préfets ont appliqué avec pragmatisme et sagesse leur possibilité d'appliquer ce coefficient 5. Il faut aussi noter que les préfets de région ont tenu à harmoniser les prises de position des préfets de département par la tenue de conférences de coordination.

Ce relèvement conduit à une augmentation mécanique des recettes constatées puisque nous sommes passés de 31 millions d'euros en 2013 à 50 millions d'euros de prélèvements en 2014. Dans ces 50 millions, il y a 11 millions d'euros de majoration des communes carencées. Si nous prenons l'exemple de la région PACA, il y a 88 communes carencées dont les prélèvements peuvent être majorés. 15 d'entre elles ont vu leur prélèvement majoré être multipliés 5. En Ile-de-France nous sommes à 40 communes carencées en 2014 dont 2 ont vu leur prélèvement majoré être multiplié par 4.

Ces procédures de carence ont été rapidement mises en oeuvre, avec fermeté et pragmatisme, au cours de l'été et de l'automne 2014. La majoration n'a été utilisée dans la plupart des cas que pour les communes qui n'ont montré aucun effort dans le dernier triennal. C'est une position qui est recevable et qui a valeur de menace pour l'avenir.

Qu'avons-nous fait de ces recettes ? Nous posons un vrai problème. Le Fonds national pour le développement d'une offre de logements locatifs très sociaux (FNDOLLTS) est le collecteur du prélèvement majoré et non du prélèvement de base, qui relève des EPCI délégataires des aides à la pierre et des établissements publics fonciers (EPF). L'affectation de cette recette aux EPCI et aux EPF pour permettre un équilibre des opérations produit un effet très positif. Par contre, nous pouvons être beaucoup plus partagés sur l'utilisation du Fonds national. Il y a eu un appel à projets pour lequel le fonds n'a pas pu attribuer toutes les subventions. Sur les 6 millions d'euros de crédits disponibles à l'époque, il en a dépensé seulement 4 millions. Nous proposons dans ce rapport que ce fonds soit complètement affecté, non plus à des appels à projets qui se révèlent inefficaces, mais à des enveloppes régionales d'aides à la pierre consacrées aux logements les plus sociaux, c'est-à-dire aux PLAI.

Enfin, la loi a ouvert aux préfets la possibilité d'utiliser le droit de préemption au bénéfice de l'État et de pouvoir instruire les permis de construire à la place des maires là où il y aurait une carence. Pour l'instant, le droit de préemption est utilisé, encore une fois, avec beaucoup de bon sens. Par contre, la substitution de l'octroi des permis de construire n'a pas encore été utilisée.

Pour résumer, les principales conclusions du rapport sur l'application de la loi sont : une application rapide qui a permis d'avancer rapidement avec une cartographie réalisée dès l'été 2013 ; des préfets qui se sont mobilisés ; des effets mécaniques de la loi qui posent des problèmes dans les petites communes et des incohérences entre les intercommunalités et les aires urbaines ; des prélèvements au taux quintuplé que dans un nombre de cas restreints ; et ce défaut principal que nous observons sur l'affectation du prélèvement majoré au fonds national qu'il faudrait réorienter sur l'aide à la pierre local.

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