Les deux arrêts de la CEDH nous contraignent à faire évoluer notre droit, certes, mais, comme nous y invite d'ailleurs le communiqué du ministère de la Défense, gardons-nous de nous emballer !
Pour que les restrictions légitimes au droit d'association puissent être retenues, la Cour indique que trois éléments doivent être retenus. Pour la France, c'est la troisième condition, à savoir le caractère nécessaire des restrictions dans une société démocratique, qui est jugée non remplie. Il faut donc retravailler ce point, ce qui n'implique pas forcément d'aller vers le droit d'association ou, a fortiori, vers le droit syndical. Gardons les pieds sur terre !
Vous l'avez tous dit, le métier des armes a des spécificités. La première d'entre elles est la rencontre avec la mort – sa propre mort, mais aussi la possibilité de donner la mort sans être en état de légitime défense. La seconde est le mode de fonctionnement : au combat, on obéit à des ordres.
Vous estimez, Monsieur Jakubowski, que la fin de la conscription entraîne la professionnalisation, laquelle a pour conséquence à son tour une forme de banalisation qui amène vers un droit d'association et de syndicalisation. Ce n'est pas tout à fait mon point de vue. En effet, la professionnalisation existe de tout temps. Ce n'est pas parce qu'il y avait la conscription que nous n'avions pas aussi une armée professionnelle.
En revanche, je ne nie pas qu'il puisse y avoir des associations dans des cadres bien particuliers, par exemple dans les bases de défense, où l'on doit parler de logement et de conditions de vie – ce que fait actuellement le Conseil supérieur de la fonction militaire, dont le ministre nous avait indiqué ici même, il y a un an, qu'il avait l'intention de le faire évoluer vers plus de concertation. Est-ce, selon vous, une piste suffisante pour amener la CEDH à accepter la restriction au droit d'association ?