Intervention de Marisol Touraine

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire — Présentation

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais à mon tour insister sur la gravité du défi auquel nous sommes confrontés.

Personne, aujourd'hui, ne peut remettre en question le diagnostic tel que nous le dressons collectivement. À l'évidence, nous avons à apporter des réponses fortes à la situation dans laquelle se trouvent certains de nos territoires et donc un nombre important de nos concitoyens qui ne peuvent accéder à des soins à proximité de chez eux dans des délais raisonnables, qui ne peuvent se faire soigner en urgence de façon satisfaisante.

Le diagnostic est absolument sans appel : 200 000 médecins, c'est-à-dire plus que dans le passé, mais une concentration dans les grands centres urbains. En réalité, la ruralité commence assez vite contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, y compris dans des territoires particulièrement attractifs, comme la Côte d'Azur. Il suffit de sortir des grandes villes balnéaires pour se trouver confronté à des difficultés d'accès aux soins.

Nous devons donc faire face à des difficultés qui sont liées à la répartition des médecins sur notre territoire. Le constat est, là encore, sans appel : depuis cinq ans, ce sont deux millions de Français supplémentaires qui vivent dans des territoires dont la densité médicale est insuffisante.

Au sein même des régions, des différences existent alors que la situation va se dégrader très rapidement, du fait des départs à la retraite attendus au cours des prochaines années. Il ne s'agit donc pas d'attendre longtemps pour prendre des mesures. C'est maintenant que nous devons faire en sorte d'engager une contre-offensive.

Je voudrais par ailleurs rappeler que, contrairement aux idées reçues, les territoires ruraux ne sont pas les seuls concernés. Paris et le Val-de-Marne ont enregistré la plus forte baisse de médecins de famille au cours des dernières années, avec une diminution de 16 %. Les généralistes libéraux vieillissent et la relève n'est pas assurée.

Pour autant, monsieur le rapporteur, la méthode que vous proposez est-elle la bonne ? Je ne le pense pas. Je ne crois pas à la méthode coercitive, car elle renverrait à une double erreur.

D'abord, ce serait une façon injuste d'aborder les choses puisqu'elle ferait reposer sur les futurs médecins, sur les plus jeunes, le poids de la réorganisation de notre système de santé.

Ensuite, ne préconiser de mesures coercitives qu'à l'horizon 2020, c'est-à-dire au terme des études engagées aujourd'hui par les étudiants afin de ne pas rompre le contrat, empêcherait de répondre au défi qui nous est posé actuellement, car c'est aujourd'hui qu'il faut apporter des réponses vigoureuses dans nos départements et dans nos territoires.

Si, au contraire, nous proposons aux étudiants qui sont en train de terminer leurs études de s'engager dans la démarche que vous préconisez – sans attendre les générations nouvelles d'étudiants –, je ne vois pas, compte tenu du coût d'une installation, ces futurs médecins libéraux accepter de s'installer pour deux ou trois ans, avec la perspective d'évoluer ensuite. S'ils sont nombreux, aujourd'hui, à choisir d'être des remplaçants plutôt que de s'installer directement, c'est qu'au fond, ils ne se retrouvent pas dans les façons d'exercer qui leur sont proposées aujourd'hui.

C'est donc une politique incitative, au sens fort du terme, qu'il s'agit de mettre en place. Que souhaitent en effet ces jeunes médecins ? J'en ai encore rencontré tout un groupe ce matin. Tout en restant très impliqués, exerçant pour la plupart dans des territoires ruraux ou en situation difficile, ils me disaient qu'ils ne voulaient plus des horaires de travail surchargées qu'avaient connus les générations précédentes, ni devoir choisir entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Ils me disaient aussi qu'ils ne voulaient pas d'un exercice solitaire de la médecine, et qu'ils préféraient travailler en équipe, échanger et coopérer avec les paramédicaux, en particulier les infirmières.

Nous devons donc répondre à ces attentes pour faire en sorte que des jeunes internes et des chefs de cliniques d'aujourd'hui s'installent demain dans nos territoires ruraux ou urbains en difficulté. C'est donc une véritable mobilisation générale qu'il faut décréter pour lutter efficacement contre ce qu'il est désormais convenu d'appeler les « déserts médicaux » – même si nous sommes plusieurs ici à regretter que cette expression se soit imposée dans le vocabulaire courant.

Il faut, avec l'ensemble des partenaires, proposer des mesures innovantes et efficaces. Ma conviction, c'est que l'expertise des acteurs de terrain est irremplaçable. Il nous faut travailler avec les jeunes médecins, mais aussi avec l'ensemble des professionnels, les élus, bien évidemment, et les associations. C'est sur ce travail que je souhaite mobiliser les agences régionales de santé.

Il nous faut travailler avec les élus locaux, vous le savez mieux que quiconque. Ils ont une place déterminante pour répondre aux attentes des jeunes médecins qui s'installent dans nos territoires et dont les préoccupations ne sont pas différentes de celles des autres jeunes au début de leur parcours professionnel. Les élus doivent leur apporter des réponses concrètes en permettant le maintien de services publics locaux de qualité et un cadre de vie agréable, en répondant à des besoins de transport et de logement, en développant les crèches et les écoles.

Il nous faut également travailler en relation avec les médecins qui sont déjà installés et qui doivent davantage s'impliquer en accueillant des jeunes stagiaires. Nous savons que les stagiaires d'aujourd'hui sont souvent les médecins installés de demain. Les témoignages sont nombreux, qui indiquent la difficulté à laquelle sont aujourd'hui confrontés les étudiants pour trouver des maîtres de stage. C'est avec ces médecins installés que nous devons travailler pour leur permettre de trouver de nouveaux associés ou successeurs. C'est avec eux que nous devons jouer cette carte de l'avenir.

Votre proposition de loi, monsieur le député, me paraît donc inadaptée à la réalité des besoins de notre territoire. Il ne s'agit pas d'attendre qu'un médecin veuille bien s'installer là où nous en avons besoin ; il s'agit de faire en sorte que se crée une nouvelle organisation de notre système valorisant les professionnels prêts à s'engager dans des démarches nouvelles. Comme s'y est engagé le Président de la République, c'est dans le cadre d'une démarche d'incitation que la politique du Gouvernement se mettra en place.

Un premier temps de concertation prendra place du début du mois de décembre jusqu'à la fin du mois de janvier de l'année prochaine. Nous devons aller vite. Je présenterai dans peu de temps un ensemble de mesures que je soumettrai au débat avec la volonté qu'elles soient enrichies par l'ensemble des parties prenantes. Cette concertation sera menée dans les territoires avec les associations d'élus, les représentants des syndicats de médecins, les associations de patients et les autres professionnels de santé. Les organismes mutualistes et les fédérations hospitalières y seront évidemment étroitement associés.

Je souhaite qu'à cette concertation nationale s'ajoute un temps de déclinaison locale, car les agences régionales de santé doivent pouvoir définir de manière concertée des plans d'action précis sur chacun de nos territoires. Je souhaite d'ailleurs que l'élaboration de ces plans d'action marque un changement de l'approche qu'ont les agences régionales de santé des questions territoriales. Elles doivent passer de la mise en oeuvre de mesures administratives à un véritable pilotage politique afin de répondre aux besoins de santé, avec la volonté que chacun de nos concitoyens puisse bénéficier de la même qualité d'accès aux soins partout sur le territoire. Je m'y engagerai et j'y veillerai personnellement.

Nous devons aboutir avant la fin du mois de mai 2013 à des plans d'action élaborés pour chaque territoire afin que les premières mesures soient mises en oeuvre rapidement. Je pense en particulier à l'affectation de praticiens territoriaux de médecine générale dans les territoires dont nous débattons actuellement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

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