Intervention de Jean-Pierre Door

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door :

D'abord, il est vrai que le constat est clair s'agissant de la médecine de proximité, c'est-à-dire la médecine générale qui pose un problème sérieux. La médecine générale n'est plus sexy du tout : revenus moyens, relations difficiles avec les caisses, déconsidération des médias ou même des patients, contraintes multiples, qu'il serait long de décliner.

J'ai le souvenir de mon grand-père et de mon père, tous les deux médecins de campagne au bord de la Loire, durant quarante ans pour l'un et quarante-cinq ans pour l'autre. Ils aimaient leur métier et n'ont jamais eu de problèmes.

Comparé à cela, il est difficile de voir que de nombreux internes en médecine générale ne pratiquent plus la médecine générale car ils s'orientent vers l'urgence, la gériatrie, le salariat, la médecine à exercice particulier – de nombreux MEP existent et peuvent d'ailleurs poser problème, madame la ministre.

Passons aussi sur l'erreur d'avoir fixé un numerus clausus très bas dans les années 1990, au prétexte que moins il aurait de médecins, moins il y aurait de prescriptions et donc de dépenses de santé. Grossière erreur !

Ils étaient 60 000 en 2008 ; ils sont 56 000 en 2012. Il est vrai que l'attrait pour la médecine libérale est en cause et que le phénomène semble s'accentuer depuis la création des épreuves classantes nationales en 2002. Sur 12 000 postes ouverts en médecine générale entre 2004 et 2008, seulement 4 896 ont été qualifiés spécialistes en médecine générale : 1 352 d'entre eux sont installés en médecine libérale, soit moins de 11 % ; 1 750 sont praticiens hospitaliers ; 1 486 sont remplaçants, c'est-à-dire autant que d'installés ; et 348 sont salariés.

En 1997, le stage obligatoire de médecine générale pendant le deuxième cycle a été créé mais, dans les faits, seulement 49 % des étudiants réalisent ce stage. Sur les 36 000 unités de formations, les fameuses UFR, vingt-cinq ne permettent pas la réalisation de ce stage, ce qui est bien regrettable et devra être revu.

Le représentant de l'intersyndicale des internes que vous avez reçu, madame la ministre, expliquait : « L'exercice solitaire ne correspond plus aux aspirations des jeunes et futurs médecins qui veulent majoritairement un exercice groupé en maisons de santé ou en pôles de santé. » À raison, ils estiment que le risque encouru est surtout celui d'une pénurie de prétendants à la médecine générale et à l'installation à l'échelle nationale et non pas uniquement régionale.

Pour les représentants de l'Association nationale des étudiants en médecine de France que j'ai reçus, la question est de savoir comment encourager et non pas comment contraindre. C'est la question majeure qui est d'actualité depuis plusieurs années et à laquelle il faut répondre.

Après les engagements des ministres précédents, je constate que le Président de la République comme vous-même, madame la ministre, vous avez fait le choix de l'incitation plutôt que celui de la contrainte. Vous avez entièrement raison : c'est aussi notre choix, et je tiens à vous le confirmer.

Il est dommage de jeter de l'huile sur le feu à un moment où la quasi-majorité des étudiants, des internes, des chefs de clinique confirment leur ambition de ne pas se voir imposer un endroit où ils ne voudraient pas aller.

Les expériences d'installations contraintes en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Royaume-Uni et au Québec ont conduit à des échecs et à des effets pervers, à une désaffection pour ces études et à des orientations vers des spécialités plutôt que vers la médecine générale de ville.

Depuis un certain temps, nous avons mis en place des outils dont il faut attendre les résultats : les contrats d'engagement de service public, dont vous pourrez nous confirmer, madame la ministre, que 410 ont été signés ; les bourses mises en place par les conseils généraux, les conseils régionaux et les ARS ; les maisons de santé dont 310 ont été créées sur 750 proposées ; la société interprofessionnelle de soins ambulatoires dont les décrets ont été publiés ; le guichet unique enfin, indispensable pour informer les étudiants en amont.

Après examen attentif de vos propositions, monsieur Vigier, je constate que nous nous retrouvons sur certaines mesures comme la réforme de l'épreuve classante nationale, qu'il faudrait probablement décliner au niveau interrégional, ou le stage obligatoire de troisième cycle d'une année minimum en médecine générale.

Il faudra améliorer la filière universitaire de médecine générale qui compte environ 2 000 étudiants par an. Il faudrait augmenter le nombre de médecins enseignants qui sont environ 200 actuellement. En 2008, nous avions adopté une loi pour ces médecins enseignants et pour les maîtres de stage dont le nombre devrait être porté de 5 300 à 8 000 ou 8 500 au minimum. Il faudrait aussi penser à la reprise de retraités actifs, ce que nous avions proposé sous forme d'amendement lors du débat sur le PLFSS et que vous n'avez pas accepté. Le Sénat avait adopté la mesure mais malheureusement la commission mixte paritaire l'a jetée à la poubelle.

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