L'acceptation du Kurzarbeit est due au fait qu'une partie des salaires est remboursée sous forme d'allocations chômage, à hauteur des deux tiers. En 2008-2009, l'envolée des coûts des entreprises concernait d'ailleurs moins le Kurzarbeit que les frais fixes tels que les cotisations sociales ou l'électricité. Dans le souci de leur venir en aide, et sur l'insistance des syndicats, le gouvernement a amélioré le régime de façon à prendre également pris en charge certains coûts comme les cotisations sociales.
Si les salariés acceptent une baisse de leur salaire, c'est qu'ils voient la situation économique de leur entreprise, notamment quand ils appartiennent au secteur de la production. En outre, le Kurzarbeit doit être négocié avec le Betriebsrat en ce qui concerne l'étendue et le choix des personnes qui seront en chômage partiel. Cela permet d'arriver à un bon équilibre entre des intérêts divergents. La codétermination est donc un moyen de faire accepter des mesures graves et difficiles.
Quant à l'acceptation d'horaires dérogatoires, il faut savoir qu'elle est précédée d'une enquête conduite par le syndicat sur la situation économique de l'employeur. Les conclusions en sont rendues publiques, de telle sorte que les salariés peuvent décider de manière éclairée s'ils veulent maintenir la convention de branche, le cas échéant en courant le risque de licenciements de masse, ou s'ils préfèrent signer un accord avec l'employeur portant, par exemple, de 35 à 37 ou 38 heures la durée hebdomadaire du travail. Un accord de ce type prévoit naturellement que tout licenciement économique est exclu durant la période où les horaires de travail sont augmentés, et même au-delà.
De manière négative, l'acceptation naît aussi d'une sorte de chantage. Placés devant la menace de perdre tout à fait leur emploi, les salariés prennent la décision difficile de gagner moins pour éviter le chômage. Les négociations mettent d'ailleurs au jour des phénomènes paradoxaux d'un point de vue économique. Ainsi, les salariés tendent à accepter plus volontiers de travailler deux heures de plus par semaine sans être payés davantage que de perdre leur prime de Noël, alors que ces deux heures supplémentaires ont, en tant que telles, une valeur monétaire plus grande que la prime de Noël. De toute évidence, cela est dû à ce que les salariés évaluent la situation en privilégiant leur revenu par rapport à leur temps disponible.
La situation est légèrement différente dans les autres branches où IG Metall est présente, comme les métiers artisanaux. Les garagistes, par exemple, travaillent plus longtemps : entre 37 et 38 heures par semaine. Dans des métiers plus folkloriques, comme celui des fondeurs de cloche, qui sont seulement une centaine, la durée hebdomadaire du travail est fixée à 38 heures. Les 35 heures sont plus souvent appliquées dans l'industrie que dans les services, où la durée hebdomadaire moyenne du travail fixée par les conventions collectives s'établit à 37,7 heures. Encore faut-il souligner que tous les employeurs ne sont pas soumis à des conventions de branche.
Quant au niveau des salaires, il convient d'avoir en tête que le salaire mensuel est calculé sur la base d'une durée hebdomadaire de 35 heures. Chaque heure supplémentaire est, en tant que telle, susceptible de déclencher le versement d'une prime au salarié. Elle coûte plus cher à l'entreprise, mais est plus intéressante pour le salarié. En réalité, les comptes épargne-temps évitent cependant à l'employeur le paiement des heures supplémentaires, tandis que cette pratique entretient le salarié dans l'idée qu'il dispose d'une certaine liberté.
L'instauration du salaire minimum n'est pas si étonnante, dans la mesure où le gouvernement fédéral repose sur une grande coalition incluant la participation des sociaux-démocrates. Il joue un rôle moins important dans le secteur industriel que dans celui des services, où un nombre croissant de branches n'étaient plus couvertes par des conventions collectives, et où une telle disposition s'imposait donc. Il touche d'ailleurs indirectement le secteur industriel, dans la mesure où les travailleurs intérimaires sont également concernés. Auparavant, un travailleur temporaire gagnait 30 % à 40 % de moins qu'un salarié permanent dans la branche où il était employé, faisant naître ainsi des poches de précarité. L'introduction d'un salaire minimal a mis fin à ces évolutions qui pesaient par ailleurs de manière négative sur les caisses sociales.
La perception en Allemagne de la loi française sur les 35 heures est difficile à définir, dans la mesure où la question est peu suivie, l'opinion publique peinant à comprendre le système. Que la réduction du temps de travail ait fait l'objet d'une loi paraît néanmoins étrange aux yeux des Allemands, qui se souviennent des conflits collectifs importants des années 1980 et de l'objectif de réduction du chômage avancé comme motif des revendications, objectif dont il apparaît maintenant avec évidence qu'il n'a pas été atteint. La réduction du temps de travail ayant stimulé la productivité horaire, les entreprises n'ont en effet pas eu besoin de salariés supplémentaires.
Pour prendre un exemple simple, produire des casseroles bas de gamme ne semble plus possible ni en France ni en Allemagne, car ces casseroles ne seraient pas compétitives sur le marché mondial. La question qui habite les esprits est plutôt : quel produit innovant justifierait un prix de marché permettant de maintenir l'emploi ? Rappelons que, dans la sidérurgie, la masse salariale ne représente que 7 % des coûts de production. Dans le secteur automobile, elle en représente 15 % à 20 %.