Mme Bachelot en tout cas s'en souvient ! Cette tentative de fermeture d'un hôpital public aujourd'hui efficacement fusionné avec le CHU de Brest, s'inscrivait alors dans un funeste processus de désertification médicale et d'abandon du service public de santé.
Il ne se passe pas de semaine sans qu'un maire, un employeur qui chercher à embaucher, une famille qui pourrait s'installer, des retraités qui rentrent au pays natal ne viennent m'alerter sur cette dissuasive carence en médecins. Carence identifiée depuis bien longtemps par d'innombrables notes et rapports de l'ancienne DRASS ou de l'actuelle ARS.
Bref, le diagnostic est connu et partagé : certains de nos territoires ruraux sont véritablement malades de l'absence de médecins. Ils perdent de ce fait encore en attractivité et se vident peu à peu. La présence médicale devient alors un enjeu majeur d'aménagement du territoire. Ceci vaut en zone rurale, mais également, sous d'autres formes, en zones périurbaines ou dans certains quartiers.
Face au diagnostic, reste à élaborer l'ordonnance. Celle de notre collègue Philippe Vigier revient à diriger l'installation de nouveaux médecins. Pour faire simple, notre collègue libéral veut contraindre là où le Gouvernement et la majorité de gauche voudraient convaincre… Cet apparent paradoxe suffit à démontrer que nous partageons la même préoccupation et que seule diverge la méthode.
Ce texte veut imposer, le Gouvernement veut inciter. La proposition de loi organise le repeuplement forcé des déserts médicaux et prescrit des mesures contraignantes présentées comme un traitement efficace. La contrainte serait certes très tentante si elle rassemblait les prérequis de la réussite. Mais, hier comme aujourd'hui, c'est ainsi, ni le Gouvernement ni les médecins en formation ne veulent attenter à la sacro-sainte liberté d'installation.
Il faudrait sans doute la désacraliser ou l'aménager, par le dialogue bien sûr. J'ai moi-même, voici quelques semaines, cosigné avec onze collègues un amendement en ce sens, présenté par M. Bui.
Oui : parce que notre système universitaire public forme nos médecins, parce que notre système collectif de sécurité sociale finance et solvabilise l'exercice médical, pour au moins ces deux motifs il ne paraîtrait pas scandaleux – c'est un euphémisme – qu'une obligation de service public soit indissociable de l'exercice libéral, sous des formes à discuter.
Mais à quoi bon inscrire dans la loi des contraintes que les apprentis médecins refusent et que l'administration juge a priori inopérantes ? L'ordonnance Vigier ne tient pas, puisque l'on ne peut pas organiser la médecine contre les médecins. Il faudra décider avec eux des dispositions nécessaires aux besoins des populations.
Reste donc l'incitation, à laquelle le Gouvernement veut donner toutes ses chances dans une future loi d'organisation de l'offre de soins. Poudre aux yeux, diront les sceptiques ! Mais, puisque la voie de l'incitation vigoureuse, non exclusivement financière, doit être privilégiée, empruntons-la vite ! Explorons tous ses aspects, mais vite ! Car l'urgence est là.
Je ne cacherai pas, madame la ministre, notre inquiétude : combien de gouvernements, combien de ministres se sont risqués en la matière à combien de dispositifs placebo, sans effets ?
Pendant ce temps perdu, les SDIS voient constamment progresser leur activité pour pallier l'absence de médecins, ce qui faisait dire récemment à l'un de leurs présidents que les pompiers étaient les dromadaires des déserts médicaux… (Sourires.) Et aux frais des conseils généraux, ajouterai-je !