Merci pour votre présentation, qui était très claire.
Pour ma part, je vais aller dans le sens de mon collègue Sebaoun : nous allons finir par objectiver les effets négatifs non pas des 35 heures, mais de la manière dont une durée de travail unique a été appliquée au monde de l'entreprise dans un contexte mouvant et concurrentiel.
Tant qu'à faire le procès des 35 heures, il faut tenir un raisonnement global car seulement le tiers d'une journée de vingt-quatre heures se déroule dans l'entreprise. Les 35 heures ont aussi modifié le fonctionnement de la cité et permis de gérer les équipements publics – médiathèques, piscines, etc. – d'une manière différente. En qualité de maire qui revendique le cumul des mandats, je vois comment vit ma cité et ce que la réduction du temps de travail a apporté à son fonctionnement.
L'erreur a été de fixer arbitrairement, du jour au lendemain, une durée de travail pour toute la France et toutes les entreprises. Puis, les 35 heures sont devenues le seuil à partir duquel on calcule les heures supplémentaires.
Le problème n'est pas le nombre d'heures : dans mon école de musique, les professeurs travaillent seize heures et ils estiment que c'est assez ; quand je travaillais dans l'informatique, je n'étais pas « gavé » de travail au bout de 70 heures. À l'intérieur d'une entreprise, ceux qui sont à la production feront peut-être 32 heures réparties sur quatre jours parce que le travail est très dur, alors que ceux qui sont employés de bureau ou commerciaux feront 48 heures pour tirer toute l'activité de l'entreprise.
L'erreur fondamentale a été d'en débattre au Parlement. Pour faire un coup politique et gagner les élections de 1997 en reprenant une idée de 1981 qui n'était pas allée à son terme, les parlementaires nouvellement élus ont imposé les 35 heures en France, comme si le pays était isolé du reste du monde. François Mitterrand parlait des 35 heures dès 1981, en prévoyant des étapes, mais le mouvement s'est arrêté en 1983, à 39 heures. Le travail des parlementaires ne devrait consister à fixer qu'un cadre : pas plus de 48 heures par semaine, dix heures maximum par jour, etc.
Deux mondes vont s'opposer : celui de la compétitivité normale dans un contexte concurrentiel ; celui du cadre de vie pour ceux qui ont organisé leur temps. C'est un thème de campagne électorale. Ceux qui en ont parlé en 2002 et 2007 n'ont rien changé une fois élus, mais le sujet revient à la faveur des futures élections.
Comment en sortir ? Les gens sont responsables dans les entreprises. En Ardèche, où j'ai une petite maison, je constate qu'ils se sont organisés. Dans une entreprise située au milieu de la campagne, le patron et les employés peuvent tomber d'accord sur la bonne durée du travail : 60 heures en hiver pendant la saison des châtaignes mais moins en été pour dégager du temps en période touristique. Dans chaque entreprise, les gens sont suffisamment intelligents pour discuter avec leur patron et trouver la solution adaptée à l'activité et aux différents corps de métier, tout en tenant compte des évolutions du monde. En France, il y a des châtaigniers partout, mais on importe des châtaignes !
Ne faudrait-il pas redonner la liberté aux partenaires sociaux ? Les grands groupes ont tiré profit de l'annualisation du temps de travail et sont dans des situations satisfaisantes mais ce n'est pas le cas des petites entreprises. D'ailleurs 9,4 millions de personnes ont continué à travailler 39 heures, dont quatre heures supplémentaires. Si ces salariés avaient changé leurs habitudes de travail, les entreprises n'auraient pas pu satisfaire leur marché.
Pour ma part, je proposerai un texte de loi qui remette les parlementaires à leur place : à eux de fixer un nombre d'heures maximum de travail par jour, par semaine et par exemple sur six mois pour pouvoir intégrer des congés. Pour le reste, laissons à chaque entreprise la responsabilité de nouer ses accords sociaux – les gens décideront ensemble du temps nécessaire à la réalisation du volume de travail – qui pourront être remis en cause régulièrement. Dans une entreprise en difficulté, les employés sont souvent les premiers à faire des sacrifices et à proposer de la reprendre. Quand une entreprise va bien, il faut peut-être leur donner des avantages. Quel est votre avis sur tout cela ?