Intervention de Patrice Martin-Lalande

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 15h00
Égalité d'accès aux soins sur l'ensemble du territoire — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Martin-Lalande :

Le double défi de la désertification médicale et de l'allongement de la vie ainsi que le contexte budgétaire actuel, et probablement durable, nous imposent de faire évoluer le financement de notre système de santé.

La solution passe nécessairement par l'innovation non pour dépenser non pas plus, mais pour dépenser mieux. Malheureusement, certaines innovations exemplaires sont menacées d'asphyxie financière du fait des actuels circuits de financement : deux exemples vécus en Loir-et-Cher, madame la ministre, pas bien loin de chez vous, illustrent le besoin de repositionner les tuyaux de financement pour corriger à la source les causes de certains blocages budgétaires.

Ainsi, l'EHPAD de Châteauvieux, à côté de Saint-Aignan-sur-Cher, a réussi à économiser 850 000 euros chaque année depuis trois ans en hospitalisation et en médicaments, grâce à la présence permanente d'un médecin, épaulé par tout le personnel. Ce mode de prise en charge a aussi l'avantage de rendre pratiquement inutile le recours aux médecins généralistes locaux, qui deviennent donc plus disponibles pour la population.

Mais ces 850 000 euros annuels gagnés par le budget de la Sécurité sociale ne peuvent malheureusement pas servir, même en partie, à financer les moyens de pérenniser cette économie par des investissements. En effet, il n'y a pas de fongibilité des financements. Cette économie de 850 000 euros par an aurait disparu si je n'avais finalement obtenu de l'État une décision dérogatoire, par définition exceptionnelle.

Autre exemple d'innovation pour dépenser mieux dans le domaine de la santé : la plateforme alternative d'innovation en santé – la PAÏS, comme ils disent – qui fonctionne en vallée du Cher autour de Saint-Aignan-sur-Cher, Soings-en-Sologne et Saint-Georges-sur-Cher. La nouvelle organisation du travail des médecins généralistes avec partage des secrétariats et réduction des tâches administratives leur permet de récupérer chaque jour une heure à une heure et demie, qu'ils peuvent consacrer à une meilleure prise en charge des soins et de la prévention.

Cette nouvelle organisation du travail médical fait économiser plusieurs centaines de milliers d'euros par an. Jusqu'à présent, cette expérience était soutenue par un financement de 80 000 euros de l'Agence régionale de santé au titre d'une expérimentation sur trois ans, mais sa poursuite est menacée car elle risque de reposer dorénavant sur le seul financement des communautés de communes qui n'ont ni compétence ni moyens budgétaires dans ce domaine.

Afin de tirer tout le bénéfice de telles innovations pour faire face aux nouveaux besoins de soin, notamment en zone rurale, il nous faut, madame la ministre, innover dans le financement.

Il est nécessaire d'instituer une plus grande fongibilité des crédits du budget de la Sécurité sociale. Une première mesure a déjà été prise en ce sens : la création récente du fonds d'intervention régional marque un début de fongibilité, mais il faut aller plus loin. C'est pourquoi j'ai déposé, avec mes collègues et amis Gilles Carrez, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat, Maurice Leroy, président du conseil général du Loir-et-Cher, Bernard Perrut et Bérengère Poletti, une proposition de loi organique prévoyant, sous la forme d'objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie, une déclinaison régionale de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Cette proposition de loi organique distingue au sein de l'ONDAM une part nationale et une part régionale ; elle permettra au Parlement de voter chaque année, en loi de financement de la Sécurité sociale, les ORDAM, répartition régionale d'une partie des crédits de l'ONDAM. Le montant global des ORDAM s'imposera aux agences régionales de santé, tandis que la ventilation de ces ORDAM en sous-objectifs ne sera qu'indicative, pour laisser aux agences une marge de manoeuvre dans le pilotage des dépenses régionales de santé et garantir ainsi la fongibilité des crédits au niveau régional.

Je souhaite, madame la ministre, que cette proposition de loi organique puisse être inscrite prochainement à l'ordre du jour de notre assemblée et reçoive le soutien du Gouvernement et de l'ensemble des groupes parlementaires.

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