Intervention de Yves Barou

Réunion du 16 octobre 2014 à 11h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Yves Barou :

Pour que vous sachiez exactement d'où je parle, je vais compléter quelque peu votre présentation : je suis fondamentalement un homme d'entreprise et je vais m'exprimer en me situant du point de vue de l'entreprise, un lieu où s'est déroulé l'essentiel de ma carrière même si j'ai eu l'occasion de connaître d'autres univers. Chez Rhône-Poulenc – devenu Sanofi –, j'ai occupé des fonctions opérationnelles en France, aux États-Unis et au Maghreb pendant une quinzaine d'années ; chez Thomson-CSF – devenu Thales – où j'ai passé une dizaine d'années, j'ai notamment été directeur des ressources humaines et directeur général adjoint.

Si le point de vue de l'entreprise me semble être le seul qui vaille en la matière, les hasards de la vie m'ont conduit au ministère de l'économie et des finances, dit Rivoli à l'époque, durant les premières années de ma vie professionnelle. En 1978, avec le Plan et l'INSEE, j'ai fait la première grande étude sur la réduction du temps de travail, commandée par le ministre, qui a servi de matrice à toutes celles qui ont suivi.

En 1982-1983, j'ai été successivement conseiller technique de Jean Le Garrec, ministre chargé de l'emploi, et de Pierre Bérégovoy, ministre des affaires sociales et de la solidarité nationale. J'y étais plutôt spectateur qu'acteur des 39 heures dont je ne pense pas beaucoup de bien. En revanche, j'ai intégré le cabinet de Martine Aubry au moment de l'examen parlementaire de sa première loi sur la réduction du temps de travail, et j'ai été un acteur – bénéficiant d'une très forte délégation de la ministre – de la deuxième loi. J'ai aussi écrit quelques ouvrages sur le marché du travail, le temps de travail, etc.

Si j'ai été impliqué dans la rédaction de ces lois, je les ai surtout appliquées, notamment dans l'entreprise qui était alors la plus délinquante en matière de durée du travail : Thomson-CSF m'a recruté après avoir reçu 3 000 procès-verbaux de l'inspection du travail en une seule journée. Tout le monde m'attendait au tournant, curieux de savoir si j'allais transformer l'essai en appliquant les textes dans une grande entreprise française soumise à la concurrence internationale. Dans ce poste, j'ai pu me faire une idée du temps de travail à travers le monde puisque j'avais à gérer des équipes aux États-Unis, en Allemagne, en Angleterre, en Asie, etc. Mon opinion n'a pas varié d'un stade à l'autre d'une expérience professionnelle qui m'a conduit de l'étude pure à la mise en oeuvre concrète de la loi sur divers continents.

Ma première conviction est que le sujet est très mal abordé en France. Permettez-moi de vous livrer une anecdote pour illustrer mon propos. En 2005, après avoir réglé le problème de Thomson-CSF, j'étais le DRH du groupe Thales. Lors d'un déplacement aux États-Unis, le patron de la filiale californienne m'a expliqué qu'il avait du mal à recruter des ingénieurs et à les empêcher de passer ensuite à la concurrence, malgré la création d'une salle de sport, l'octroi de stocks-options et d'autres avantages. Au moment de ma visite, il venait de recevoir les résultats de l'étude qu'il avait commandée pour essayer de comprendre le phénomène : plutôt que d'avoir une augmentation de salaire l'année suivante, les ingénieurs voulaient ne pas travailler un vendredi sur deux. Il m'a annoncé cette nouvelle, un peu gêné, ignorant les étapes précédentes de mon parcours professionnel. Lorsque je l'ai questionné sur les risques qu'il y aurait à accéder à ces revendications, sur les conséquences possibles sur les clients et la compétitivité, le pragmatisme californien s'est manifesté et il m'a sorti tous les arguments que j'aurais pu invoquer à sa place : la meilleure utilisation des équipements, la contrepartie sous forme de faible hausse des salaires, etc.

Ce fut un immense plaisir que d'entendre des Californiens défendre la réduction du temps de travail en réponse à mes objections, dans une sorte de jeu de rôle très drôle. Nous en avons ensuite discuté autour d'un dîner et j'ai réalisé que, pour eux, ce sujet n'a rien d'idéologique : on l'aborde de la même manière que s'il s'agissait de gestion des stocks. En France, nous avons une grande propension à transformer en guerre idéologique des sujets qui pourraient très bien être consensuels. Quand on se place du point de vue de l'entreprise, on envisage les choses sous un angle pragmatique et non idéologique, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de sujets sociétaux. Même ceux-là peuvent être abordés avec le calme qui convient s'agissant de grandes tendances historiques qui nous dépassent tous.

Quelles sont les tendances lourdes ? J'ai oublié de vous apporter une gravure, parue dans L'Assiette au beurre au moment des inondations de 1910, qui m'amuse beaucoup : on y voit Jules Coutant, le maire d'Ivry-sur-Seine, brandir un drapeau rouge et arrêter l'inondation. En réalité, il n'arrête rien car c'est une tendance qui le dépasse.

Parmi ces tendances qui s'imposent à nous, qu'on les approuve ou non, on peut citer la montée du taux d'activité des femmes et la réduction du temps de travail. En Chine, pays qui détient le record mondial du nombre de grèves, la durée du travail est l'une des premières causes de revendication. Les pays émergents, qui arrivent au stade où nous étions au XIXe siècle, sont en train de passer à une durée du travail qui permette une vie à peu près normale.

Lors de mon passage chez Thales, j'avais établi une comparaison amusante du temps de travail des ingénieurs électroniciens : les Californiens travaillaient un vendredi sur deux ; les Anglais – qui s'opposent à la réduction du temps de travail – étaient injoignables le vendredi après-midi ; les Français travaillaient tard le soir mais ils accumulaient des journées de congé. Finalement, ils avaient à peu près tous la même durée annuelle de travail. Certains métiers sont peut-être en avance sur d'autres, mais je pense que des normes sociales mondiales sont en train d'émerger.

Venons-en au sport favori de ce pays : la comparaison avec l'Allemagne, un exercice compliqué par les problèmes de définition et de comptabilisation du temps partiel. Une fois tous les critères pris en comptes, sans manipulation de chiffres, on aboutit à la conclusion que les Allemands travaillent une heure de moins que les Français. Ce n'est pas forcément l'un des points forts de l'Allemagne contrairement au dialogue social, aux rapports entre petites et grandes entreprises, au positionnement stratégique du pays. Dans les comparaisons internationales, la France se situe donc entre des pays comme l'Allemagne et les pays nordiques où la durée de travail est plus faible et d'autres comme l'Angleterre, le Japon et les États-Unis où elle est plus élevée. Nous sommes donc confrontés à une tendance lourde, et la situation internationale n'est pas telle que l'on pourrait l'imaginer en écoutant les débats en France.

Autre caractéristique qui étonne beaucoup les étrangers : nous tuons régulièrement les 35 heures mais, comme le canard de Fernand Raynaud, elles sont toujours vivantes. En réalité, il s'agit d'une tendance lourde de l'organisation d'entreprises mondialisées, qui échappe aux déclarations et à l'action politiques.

En France, nous avons connu plusieurs épisodes de baisse du temps de travail, plus ou moins heureux. L'épisode de 1936 a été plutôt malheureux puisqu'il a conduit rapidement à remettre en cause l'appareil de production. En 1981-1982, les 39 heures – mesure sociale un peu à côté de la plaque– n'ont pas eu beaucoup d'effets. Pendant les années 1998-2000, j'étais en première ligne, au point d'être appelé « monsieur 35 heures ». Je vais donc me concentrer sur cet épisode-là.

Suite à une négociation ratée avec les partenaires sociaux, une première loi – décrite comme violente, volontariste et autoritaire – a été adoptée. L'immense vague de négociations qui a suivi a conduit à l'adoption d'un deuxième texte. Ces deux lois ont inauguré un changement de méthode qui, je l'espère, va perdurer d'une alternance à l'autre : une conférence sociale est annoncée ; les pouvoirs publics définissent une feuille de route ; des négociations se déroulent ; une loi est présentée et adoptée. C'est un processus intelligent.

Dans le cas des 35 heures, la feuille de route a été remplacée par une première loi, au motif qu'il fallait taper du poing sur la table pour dépasser les blocages constatés. Cela étant, dans le processus actuel, le Gouvernement peut être amené à prendre ses responsabilités si les partenaires sociaux ne parviennent pas à un accord. S'il est difficile de réécrire l'histoire, on peut néanmoins penser que le premier épisode des 35 heures a peut-être été inutilement violent, ce qui a braqué tout le monde et a rajouté une couche d'idéologie sur un sujet qui n'en avait pas besoin.

La première loi ne faisait rien d'autre que d'annoncer la date de l'abaissement de la durée du travail. Ensuite, il s'est passé un événement sans précédent dans ce pays : 100 000 syndicalistes ont participé à des négociations sur le temps de travail, ce qui a constitué une bouffée d'air pour le dialogue social, d'autant que les échanges furent subtils et intelligents.

Les entreprises sont soumises à une négociation annuelle obligatoire sur les salaires, ce qui est ridicule en période de faible inflation : tout le monde se trouve dans une situation inconfortable quand il n'y a pas grand-chose à négocier ; il faudrait passer à un rendez-vous tous les trois ans, comme dans nombre de pays. Reconnaissons que les échanges sont assez pauvres lors de cette négociation annuelle obligatoire : on se croirait au souk. Or la négociation n'est pas un marchandage, elle consiste à inventer ensemble des solutions originales, selon le principe du « gagnant-gagnant », chaque partie tenant compte des contraintes de l'autre.

Le dialogue social, dynamisé lors de cette période, a permis de tester les idées de certains négociateurs : le forfait en jours, l'annualisation. La seconde loi, très facile à faire, a consisté à débloquer certaines contraintes contenues dans le code du travail. Quand un accord est signé de manière majoritaire par les partenaires sociaux, le législateur n'a plus qu'à s'incliner. Si la direction et les syndicats d'une entreprise trouvent une solution intelligente, de quel droit viendrait-on s'en mêler de l'extérieur ?

Prenons l'exemple concret de l'entreprise Selmer qui fabrique des saxophones, instruments qui doivent être vendus dans les quatre mois suivant leur fabrication si l'on ne veut pas avoir à refaire tout une partie du travail de réglage. Comme il se vend beaucoup de saxophones pendant les fêtes de Noël, les salariés travaillent plus à l'automne et moins au printemps. Cela semble relever du bon sens élémentaire dans un pays qui a toujours fait de l'annualisation : mon grand-père paysan travaillait quatorze heures par jour pendant la moisson et il jouait à la pétanque avec ses copains l'hiver. Le passage à l'ère industrielle, avec ses sirènes qui rythment le temps de travail, a mis fin à tout cela et fait de l'annualisation un sujet bizarre, idéologique.

À l'époque, la situation des cadres était considérée comme un facteur de blocage. De fait, compte tenu du changement des modes de vie et de l'allongement des temps de transport, il ne sert à rien de réduire la durée journalière de travail d'une demi-heure. Le forfait en jours est la solution adaptée aux gens qui ne comptent pas en heures, qui exercent des responsabilités mais qui ont néanmoins besoin de temps de respiration. Si la première loi a pu être jugée autoritaire, la seconde a été une transcription des négociations. À l'époque, il y a eu des centaines de milliers de négociations par branche et par entreprise.

Sur ce point, la comparaison avec l'Allemagne est intéressante. Dans les grandes et moyennes entreprises, les négociations se déroulent par branche et par land en Allemagne et surtout par entreprise en France. Or dans le cas de Selmer, par exemple, la branche n'est pas le niveau de négociation pertinent. La France a ainsi trouvé des solutions beaucoup plus originales que l'Allemagne, en raison de sa culture plus créative mais aussi de la structure de négociation. Les négociations interprofessionnelles récentes ont appliqué le schéma passant par une feuille de route mais, lors du passage aux 35 heures, il y avait des centaines de milliers de négociations d'où se sont dégagées des tendances de fonds : une partie de la formation pourra se faire en dehors du temps de travail ; l'annualisation est nécessaire et pas forcément antisociale ; il faut veiller à la durée d'utilisation des équipements ; il faut financer les 35 heures. Nombre d'entreprises ont trouvé de bonnes solutions, ce qui explique leur réticence à revenir sur le sujet.

Quel a été le bilan macroéconomique de ces réformes ? La baisse du temps de travail induit mécaniquement un effet bénéfique sur l'emploi. Toute la question est de savoir si cet effet positif a ensuite été annulé par une perte de compétitivité ou une mauvaise utilisation des équipements. Le financement des 35 heures a été grosso modo assuré par la modération salariale observée pendant les deux ou trois années suivantes : il y a eu un arbitrage entre l'emploi et les salaires, comme dans mon exemple californien. Ce sont les embauches liées à la réduction du temps de travail qui ont coûté de l'argent aux entreprises, et non pas la baisse de la durée du travail en elle-même. La réforme a engendré entre 400 000 et 500 000 créations d'emplois.

Cette réforme a-t-elle affecté la compétitivité de l'économie française ? Le débat tourne autour de la capacité des entreprises à utiliser leur appareil de production. De ce point de vue, la méthode française, plus intelligente en général, a pu donner le meilleur ou le pire. Globalement, la France a été pionnière en matière de travail en équipe, une formule qui peut avoir des inconvénients pour la santé des salariés mais qui s'est répandue même dans des structures telles que l'AFPA. Quand elles avaient une bonne équipe de direction et un bon dialogue social, les entreprises ont trouvé de bonnes solutions. Dans le cas inverse, la réforme a pu tourner au délire intégral comme ce fut le cas dans les hôpitaux qui ont remporté, haut la main, la palme du « n'importe quoi ». Au départ, les hôpitaux n'étaient pas concernés, pas plus que les salariés postés travaillant moins de 35 heures par semaine. Selon moi, l'application de la réforme aux hôpitaux a été une erreur de management.

Parmi les entreprises, comme toujours et quel que soit le sujet, certaines ont été plus performantes et plus subtiles que d'autres. Quoi qu'il en soit, je préfère le sur-mesure à la française à la méthode allemande qui impose le même régime à tout le monde. En Allemagne, pour tout type de sujet, je négociais avec un syndicaliste extérieur à Thales, et il n'était pas très sensible à la compétitivité du groupe. Un salarié dont l'emploi est en jeu fera davantage preuve de solidarité et de patriotisme d'entreprise. La violence idéologique un peu inutile s'est exprimée plus à l'extérieur que dans les entreprises où les négociations se sont déroulées dans un climat assez apaisé : le sujet traînait depuis des années et, après de riches négociations, les solutions ont souvent donné satisfaction à tout le monde.

Cependant, les PME ont rencontré des difficultés spécifiques : l'organisation du travail est plus complexe dans une entreprise qui n'emploie que quelques salariés ; il est très compliqué de trouver des solutions originales ; les salaires sont plus bas et les durées de travail plus élevées. En Allemagne, où les négociations se font par branche, les écarts de salaires ne sont pas aussi grands qu'en France entre les grandes entreprises et les PME. Les grandes entreprises allemandes se préoccupent de leur tissu industriel alors que leurs homologues françaises – notamment les groupes de distribution – ne se soucient guère de la bonne santé de leurs sous-traitants. D'une manière générale, les grandes et moyennes entreprises ont mieux géré les problèmes d'utilisation d'équipements et de compétitivité que les petites. Pour les services, il faut parler d'horaires d'ouverture plus que d'utilisation d'équipements.

Personnellement, je pense que les débats sur les 35 heures ont gravement desservi la France, et je le dis sans aucune provocation. Notre pays pourrait être fier car le monde entier nous envie l'annualisation et le forfait en jours – aux États-Unis, beaucoup de cadres travaillent encore sous le régime des heures supplémentaires qui est d'une rigidité totale – mais notre attitude d'autodénigrement permanent finit par insinuer le doute. Pour son attractivité, la France aurait gagné à revendiquer ces innovations et les mécanismes liés à la formation, qui sont sources de souplesse pour les entreprises.

Tout n'est pas parfait en France, dans les autres pays non plus : la question du vendredi après-midi n'est pas simple à gérer en Angleterre ; les normes allemandes peuvent se révéler lourdes, etc. Il est parfois difficile d'appliquer dans un pays une solution qui fonctionne dans un autre, et j'en ai fait l'expérience avec le forfait en jours, en raison de particularités héritées de l'histoire. En France, il existe une dichotomie entre les cadres et les non-cadres, depuis la création des régimes de retraite après-guerre. En Italie, on sépare, de manière tout aussi arbitraire, les dirigeants des non-dirigeants. Aux États-Unis, on distingue ceux qui ont droit aux heures supplémentaires de ceux qui n'y ont pas droit, ce qui est kafkaïen à gérer. Sur ce terrain, la France n'est pas si mal placée par rapport aux autres pays.

Regardons vers l'avenir. Dans les pays émergents, nous observons un mouvement historique pour sortir d'une durée du travail qui rend la vie inhumaine. Nous sommes clairement au-delà de cela, mais nous devons tenir compte de phénomènes tels que la montée du taux d'activité des femmes et de ses conséquences : l'homme ne peut plus rester jusqu'à onze heures du soir au travail, avant de rentrer à la maison où sa femme s'occupe des enfants et fait des petits plats. Ce changement induit une pression à la baisse de la durée du travail, mais il faut s'intéresser au seul indicateur pertinent et néanmoins négligé : le total des heures travaillées dans un pays. En partant de ce critère, comme je le fais dans des travaux avec Peter Hartz, on découvre des choses étonnantes : le nombre d'heures travaillées en Allemagne n'a pas bougé depuis dix ans. Comment est-ce possible puisque le taux de chômage baisse ? L'Allemagne a fait le choix de développer des emplois à temps très partiel et faiblement rémunérés.

Je ne pense pas que l'histoire sociale, en Europe et ailleurs, ira dans le sens d'une réduction de la durée légale du travail à trente heures ou trente-deux heures, comme certains le proposent. Dans les faits, nous constatons un grand éclatement des durées du travail, et les moyennes ne signifient plus grand-chose. Si le temps partiel est parfois subi, il peut aussi être voulu par des personnes qui revendiquent un autre mode de vie, et le droit de faire des arbitrages différents entre leurs vies professionnelle et personnelle. La sirène a vécu et, à l'ère électronique, il devient même difficile de mesurer le temps de travail, la présence physique du salarié n'étant plus le critère absolu. La création de statuts tels que celui d'auto-entrepreneur a contribué à faire voler la norme en éclats.

En France comme en Allemagne, nous sommes passés progressivement de quarante à trente-cinq heures, mais je ne crois pas que nous irons en deçà : les trente-deux heures sont un mirage. Le législateur peut être troublé par cette perspective d'un éclatement du temps de travail, mais son rôle est d'accompagner le mouvement. Les idées développées par Jacques Delors sur le temps choisi – à condition qu'il le soit vraiment – restent d'une brûlante actualité.

Assumons l'éclatement des normes et laissons chacun libre de ses choix, tout en conservant des législations protectrices. C'est l'entreprise, et non le législateur, qui aura à en assumer les conséquences : gérer un collectif de salariés aux horaires différents n'est pas simple. Cela étant, dans une équipe internationale, il faut bien trouver des solutions pour faire travailler ensemble des gens qui ne sont pas dans le même lieu aux mêmes heures. Cette pluralité souhaitable des formes de travail représente un défi pour les dirigeants car c'est un sujet de management. J'invite les législateurs que vous êtes à une certaine modération en la matière : laissez les entreprises trouver les bonnes solutions, vous pourrez jouer les voitures-balais pour prendre acte des évolutions sociétales ; le management est du ressort du dirigeant, pas de celui de la loi.

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