Monsieur Barou, je vous remercie pour cette intervention à la fois intéressante et inattendue. Pour ma part, je n'avais pas perçu tout ce que la qualité de la deuxième loi Aubry devait aux négociations qui avaient suivi l'adoption de la première : les partenaires sociaux ont pu discuter des adaptations possibles à leur situation. Mais comment articuler cette négociation au plus près de l'entreprise avec la prise en compte de tous les intérêts, notamment ceux des petites entreprises ?
Ce débat concerne davantage les entreprises et leurs dirigeants que les législateurs, dites-vous, en précisant qu'il ne s'agit pas là d'une provocation. L'entreprise joue un rôle essentiel, certes, mais le législateur se préoccupe aussi de ceux qui ne sont pas dans l'entreprise, notamment des chômeurs, et de ceux qui y sont mal représentés, notamment les femmes qui travaillent à temps partiel, sachant que ce sont souvent des hommes à temps plein qui négocient. Tenir compte de l'intelligence des acteurs de terrain ne dispense pas de se préoccuper des rapports de force qui existent dans l'entreprise et dans la société. Le rôle du législateur est aussi de veiller à ce que les plus faibles ne fassent pas trop les frais de ces rapports de force.
Vous voyez l'éclatement des temps de travail comme un phénomène souhaitable et inéluctable, mais il faut garder un minimum de protections, d'autant plus que se pose la question du choix. Certaines femmes optent pour le temps partiel parce qu'elles n'ont pas d'autre solution pour assumer les responsabilités qui pèsent sur elles de manière exclusive. Le travail est déjà réduit et partagé, mais il ne l'est pas forcément de façon juste ou optimale, comme vous le soulignez vous-même en citant l'exemple de l'Allemagne où l'homme travaille à temps plein et la femme à temps partiel avec un statut précaire.