Merci de votre intervention et surtout de votre conclusion qui est aussi la mienne. Votre proximité avec les initiateurs du premier projet de loi Aubry m'incite à vous poser une question, même si vous ne souhaitez pas parler de cette période-là : Y a-t-il eu une étude d'impact sur la mise en place des 35 heures en 1997, juste après des élections législatives imprévues ? Vous faites la démonstration d'une impréparation, en expliquant que la deuxième loi avait permis d'intégrer toutes les remarques des entreprises sur l'annualisation et le forfait en jours. En réalité, l'étude d'impact a été faite après l'échec de la loi Aubry 1. Quel est votre avis ? Il ne s'agit pas de taper sur la tête de ceux qui étaient au pouvoir, notamment de Lionel Jospin dont les explications, lorsque nous l'avons auditionné, ne m'ont pas convaincu.
En 2007, grâce aux bonifications prévues dans la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (TEPA), la droite pensait que les entreprises allaient recourir davantage aux heures supplémentaires. La mesure a coûté 4,5 milliards d'euros par an mais, faute de croissance, elle n'a pas produit les effets escomptés. Mais depuis juillet 2007 puis août 2008, les 35 heures sont devenues le seuil à partir duquel sont calculées les heures supplémentaires, elles n'existent plus vraiment en tant que durée légale du temps de travail. Comme l'a rappelé M. Éric Heyer, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lors de l'audition précédente, 9,4 millions de personnes travaillent toujours trente-neuf heures, dont quatre heures supplémentaires.
Le couperet est tombé en 2002 : Lionel Jospin a été battu aux élections, essentiellement à cause des 35 heures. Ne pensez-vous pas que cette réforme, par la manière dont elle a été mise en place, a profité aux grandes entreprises et aux cadres ? En tant que cadre dirigeant, je travaillais quatre jours et demi, chose incroyable ! Cette réforme a profité à ceux qui étaient dans une bonne situation, mais pas aux petits artisans en difficulté qui ne l'ont d'ailleurs pas appliquée. N'est-ce pas un loupé ?
Est-il du ressort du législateur de fixer des règles pour des entreprises qui sont toutes différentes ? Même au sein d'une entreprise, les salariés ont des rythmes divers selon qu'ils travaillent sur la chaîne de production, dans les services commerciaux ou à la comptabilité. Est-ce bien sérieux d'imposer un même rythme par voie législative ? Non et, si c'était à refaire, il faudrait s'en abstenir, avez-vous déjà répondu.
Tout le monde tape sur les 35 heures qui nous font passer pour des imbéciles aux yeux des étrangers, mais la discussion porte désormais davantage sur le coût du travail que sur sa durée. Devant la Commission des finances, hier, j'ai cité des chiffres édifiants : la France compte 65 millions d'habitants, soit 1 % de la population mondiale ; son produit intérieur brut s'élève à 2 000 milliards d'euros, soit 4 % de la production mondiale ; mais ses dépenses sociales atteignent 650 milliards d'euros, soit 15 % de la dépense sociale mondiale.
Notre problème ne se situe-t-il pas plutôt au niveau du coût du travail que de son organisation ? Qu'on laisse les questions d'organisation aux entreprises. Dans le conservatoire de ma ville de Chartres, les professeurs de musique en ont certainement assez avec seize heures de travail hebdomadaire. Et, en tant que président des hôpitaux de ma ville depuis 2001, j'ai pu constater les dégâts causés par la réduction du temps de travail. Il n'était pas prévu que la réforme s'applique aux hôpitaux, dites-vous, mais à partir du moment où l'on décrète que la durée du travail baisse, tout le monde veut en profiter. Après, on mesure la casse.
La mise en place de la réforme a été un fiasco et on explique qu'il faut utiliser la flexibilité pour prendre en compte ceux qui sont restés sur le côté, les chômeurs, et contrer le travail à temps partiel. À cet égard, notez qu'en Allemagne, le partage du travail se fait à l'intérieur de l'entreprise plutôt qu'à l'échelle du pays.