Vous constatez l'éclatement des temps de travail et un affaiblissement des normes : nous ne sommes plus au temps de la sirène, dites-vous. C'est une partie de la réalité mais un grand nombre de salariés restent encore dans un modèle classique même si leurs horaires ont pu évoluer dans le cadre de leur entreprise.
Parmi les autres formes de travail, vous avez cité les auto-entrepreneurs qui, pour la plupart, ne tirent pas leur épingle du jeu et réalisent des chiffres d'affaires extrêmement faibles. Dans nombre de cas, on peut se poser la question d'une éventuelle requalification de la nature juridique de leur relation avec leur donneur d'ordre pour la définir comme un contrat de travail. Souvenez-vous de la naissance des Paysans travailleurs : pour Bernard Lambert, la relation économique existant entre les coopératives et les paysans s'apparentait à un contrat de travail, compte tenu de l'importance de la dépendance et de la subordination. Je comprends que l'on critique la norme, mais elle pose aussi des limites à l'exploitation.
Votre comparaison entre l'Allemagne et la France est intéressante et inhabituelle : notre processus de négociation serait meilleur et plus créatif parce qu'il aurait pour cadre principal l'entreprise et non la branche. Dans le même temps, nous constatons un affaiblissement des syndicats qui perdent des adhérents, notamment en raison de la montée de la précarité. Or une bonne négociation suppose de bons interlocuteurs. Faut-il changer d'interlocuteurs et remplacer les syndicats par des institutions représentatives du personnel telles que les comités d'entreprise, comme certains le suggèrent ? Pensez-vous, au contraire, que le syndicat est le bon interlocuteur car il représente une culture particulière ? Pensez-vous que nous avons des interlocuteurs suffisamment nombreux, formés et puissants pour conduire les négociations en entreprise que vous préconisez ?