Intervention de Alain Vidalies

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Présentation

Alain Vidalies, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement :

L'abstention est, pour nous tous, le symptôme préoccupant d'une crise de sens, d'une perte de repères et de confiance dans les pouvoirs d'action du politique, notamment dans le contexte d'une situation économique dégradée. Ensemble, élus comme Gouvernement, toutes sensibilités confondues, prenons la mesure du chantier qui nous attend pour faire vivre la participation citoyenne aux élections.

Le ministre de l'intérieur aura d'ailleurs l'occasion de porter ce débat lors de la présentation de prochains projets de loi relatifs aux modes de scrutin tant locaux que nationaux. Bien sûr, on ne peut totalement se satisfaire de la présence du vote blanc, qui marque, quoi qu'il en soit, une insatisfaction par rapport à l'offre électorale proposée – ce qui, reconnaissons-le, relève de notre responsabilité collective. Cependant, sa comptabilisation en dehors des votes nuls va dans la bonne direction.

Un point sépare tout de même l'appréciation du Gouvernement et celle de l'auteur de la proposition de loi : la reconnaissance du vote blanc comme suffrage exprimé. Une telle disposition aurait des conséquences que le Gouvernement ne peut accepter et que je veux rappeler. Tout d'abord, je tiens à formuler une interrogation plus générale sur l'interprétation à donner au vote blanc. S'il était considéré comme un suffrage exprimé, la question de sa signification resterait néanmoins entière. Est-ce un vote contestataire ? Marque-t-il simplement une indécision, ou un vrai refus du choix politique proposé ? Sommes-nous plutôt dans une critique de la simple insuffisance de l'offre politique, notamment au second tour ? Comme on le voit, on touche ici aux limites de cette voie d'expression. Oui, il y a participation au suffrage mais, par définition, ce n'est pas une expression claire et définie. On aboutirait finalement à l'affaiblissement du candidat ou de la liste élue, c'est-à-dire à un effet absolument inverse de votre souhait de renforcer la légitimité du vote.

Monsieur le rapporteur, vous avez souligné à juste titre que le vote blanc et l'abstention ne se confondent pas, même s'ils se superposent parfois. Les travaux de sciences politiques révèlent l'imbrication de ces phénomènes. Sans être trop réducteur, on peut dire que, telles qu'elles ressortent de certaines études, l'indifférence et la contestation du système politique français motivent pour l'essentiel l'expression du vote blanc. Par ailleurs, le vote blanc et nul, longtemps compris entre 1 % et 2 % des inscrits, a tendance à augmenter dans des proportions importantes depuis la fin des années 1980, puisqu'il oscille désormais entre 4,4 % et 6,5 %, selon la nature des scrutins nationaux. Ce phénomène nouveau est analysé par les spécialistes comme une « abstention participative » ou une « abstention civique ».

Dans les faits, le vote blanc et nul peut s'expliquer par le refus de choisir, comme cela a été le cas dans le cadre des scrutins présidentiels de 1969, 1995 et 2002, où il y a eu des appels au vote blanc ou nul. Par ailleurs, les zones géographiques de forte abstention ne sont pas nécessairement celles où la proportion de bulletins blancs et nuls est élevée. Il semble bien que ce type de vote serve parfois de substitut à une expression protestataire.

Rien ne permet pour autant de conclure à un phénomène mécanique qui pourrait être jugulé de façon automatique et significative par une simple reconnaissance du vote blanc, ce qu'il me paraît sage de rappeler.

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