Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois :

Néanmoins, que l'opposition ne se réjouisse pas trop vite !

Non, monsieur le ministre, ce n'est pas l'une des premières fois que le Parlement débat puis adopte un texte sur le vote blanc ; c'est en cela que je vais vous contredire. En effet, il faut remonter bien avant 2003. Si j'ai évoqué l'histoire, c'est évidemment pour en appeler aux mânes des révolutionnaires. Le 18 ventôse an VI – ce qui, comme chacun le sait, correspond au 6 mars 1798 –, fut votée une loi autorisant le vote blanc, au moment même où le vote par bulletin était systématisé. Même si ce fut éphémère, on retrouve donc les premières traces de la reconnaissance du vote blanc en l'an VI.

Quelques années plus tard, sous le Premier empire, le Conseil d'État, qui était alors un corps institué, dont la vocation était de préparer les lois que Bonaparte souhaitait, donna un statut au vote blanc : un avis, rendu le 25 janvier 1807, reconnut que les bulletins blancs devaient être retranchés des votes émis.

On trouva par la suite des reformulations très diverses de cette question. Lors de certaines élections organisées sous la Restauration on considéra – je le dis à tous ceux qui sont dans l'opposition, car cela peut constituer une source de progrès – que l'on pouvait comptabiliser les bulletins blancs dans le calcul de la majorité. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Dans les périodes de basses eaux, cela peut être une solution, même si je ne la recommande pas !

À partir de 1815, l'obligation faite aux électeurs appartenant à un collège de voter conduisit certains à recourir au vote blanc, puisque, contraints d'aller voter, ils refusaient en même temps le choix qui leur était offert. Cela correspond parfaitement aux idées que nous évoquons ce matin. On a donc assisté, à partir de 1815, à la construction de l'idée selon laquelle on pouvait voter tout en refusant de choisir. Il est vrai que, à l'époque, la nature élitiste du collège électoral amenait à considérer avec bienveillance le sens de ce qui était bien une défection électorale.

En 1839, sous la monarchie de Juillet, la Chambre des députés décida de retirer au bulletin blanc toute valeur politique. C'est à partir de ce moment-là que l'on confondit les bulletins blancs et les bulletins nuls. Il s'agit donc d'un héritage de la monarchie de Juillet, qui n'est pas nécessairement une période dont chacun ici se revendique.

La législation actuelle est la reproduction d'un décret impérial pris le 2 février 1852 par celui que Victor Hugo appelait Napoléon-le-Petit.

Dès la IIIe République, des débats eurent lieu dans cet hémicycle sur des propositions qui traitaient de ce point. Vous avez cité à bon droit, monsieur le ministre, la première d'entre elles, qui visait à dissocier les votes nuls des votes blancs. Elle émanait de deux députés du Vaucluse, classés à l'époque à l'extrême gauche de cet hémicycle, tout simplement parce qu'ils étaient républicains.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion