Intervention de Jean-Jacques Urvoas

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois :

Je me retrouve donc dans l'analyse qu'avait faite dans les années 1960 Alain Lancelot, qui estimait que le vote blanc était un acte intentionnel posé par des « électeurs très politisés », capables « de distinguer les nuances d'un choix et d'en peser les implications ».

Évidemment, j'admets fort bien que cette vision ne soit qu'une interprétation, mais personne ne peut contester le fait que l'électeur choisissant le vote blanc soit un citoyen qui n'a pas trouvé son candidat. C'est en cela que, pour moi, le vote blanc est d'abord l'expression d'une opinion. Il ne témoigne pas d'une indifférence à l'égard de la politique, au contraire de l'abstention.

En effet, si les deux étaient liés, le niveau des votes blancs et nuls serait très important lors des élections européennes, scrutin où s'affirme justement l'abstention. Or il n'en est rien.

Faut-il à l'inverse estimer – et, en cela, je partage ce qu'ont dit le ministre et le rapporteur – que la prise en compte du vote blanc aura pour vertu d'attirer les électeurs vers les urnes ? C'est un argument qui a certes une cohérence, mais, malheureusement, je ne crois pas que ce sera le cas. Les études conduites depuis une dizaine d'années ont montré que l'abstentionnisme politique était une attitude électorale plus que marginale.

J'attends donc plus modestement du vote de votre texte la simple reconnaissance d'une insatisfaction citoyenne qui doit conduire les élus que nous sommes à s'interroger.

Mais, comme vous l'avez vu en commission, monsieur le rapporteur, pour que votre texte puisse être adopté, encore faut-il qu'il soit amendé. Vous avez dit en commission votre disponibilité et vous l'avez confirmée aujourd'hui. M. le ministre a pour sa part indiqué l'état d'esprit constructif du Gouvernement. Nous allons donc probablement reproduire ce que l'Assemblée et la commission des lois avaient fait en 2003, sur la proposition de celui qui avait à l'époque l'honneur de présider cette commission – je veux parler de Pascal Clément.

La difficulté politique qui découle de votre volonté d'intégrer les bulletins blancs dans les suffrages exprimés nous paraît insurmontable. Vous avez évoqué l'affaiblissement de la légitimité de certains scrutins qui en découlerait. M. le ministre délégué a rappelé à juste titre le cas du référendum sur le quinquennat du 24 septembre 2000 : si l'on procédait au recomptage avec le mécanisme proposé par le présent texte, on aboutirait à 16 % de votes blancs et nuls, ce qui aurait affaibli la victoire du oui.

Telles sont, monsieur le rapporteur, les raisons pour lesquelles nous notons avec intérêt votre souhait, confirmé par le dépôt d'un amendement, de faire évoluer votre texte. Le groupe majoritaire dans cet hémicycle a d'ailleurs déposé un amendement identique. Nous allons donc sans nul doute le voter.

Trente textes ont été déposés sur ce sujet en vingt ans. Un seul a été adopté, en 2003, mais la navette s'est interrompue au Sénat. Nous ne savons d'ailleurs pas si ce texte est toujours valable. À cet égard, la saisine du Conseil constitutionnel par le groupe UMP, suite à un vote intervenu au Sénat visant à reconnaître la date du 19 mars 1962, nous dira si un texte qui a été passé sous silence pendant une dizaine d'années peut connaître une résurrection.

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