Intervention de Sergio Coronado

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSergio Coronado :

Ensuite, cette proposition est utile parce qu'elle permet de tenir compte du mécontentement face à l'offre politique. Or c'est là un phénomène électoral croissant et il serait irresponsable que la représentation nationale ne se penche pas sur cette désaffection. M. Urvoas a rappelé qu'il y avait une sorte de limite dans le suffrage, lequel vise plus à choisir un représentant qu'à permettre à l'électeur d'exprimer son opinion. De ce point de vue, en tant que représentants du peuple, nous pouvons partager ce sentiment d'insatisfaction.

Même l'élection présidentielle, qui demeure le rendez-vous électoral le plus couru, n'a pas été épargnée par les phénomènes de désaffection et de mécontentement conduisant à l'abstention. Le rapport souligne que le record de votes blancs et nuls à l'élection présidentielle a été atteint, pour un premier tour, lors de l'élection de 2002, avec 3,38 % des votants, et, pour un second tour, lors de l'élection de 1969 – à cet égard, vous avez eu raison de rappeler le mot fameux de Duclos : « C'est blanc bonnet et bonnet blanc ».

Je tenais aussi à dire que cette proposition de loi intéresse particulièrement les écologistes parce que, depuis très longtemps, nous avons intégré le vote blanc dans le décompte des suffrages en le comptabilisant à part et en le considérant comme un suffrage exprimé. Pour ce qui est de l'organisation du suffrage et de la prise en compte des votes, notre famille politique a d'ailleurs beaucoup expérimenté. Nous avons même décidé, il y a quelques années, d'essayer le tirage au sort pour le choix de nos candidats.

Le vote blanc, ce n'est pas une erreur, ce n'est pas un vote nul, mais l'expression d'un refus ou l'affirmation d'une inadéquation entre offre électorale et volonté politique.

Ce fut le cas lors de la présidentielle de 1969, que j'ai évoquée tout à l'heure, lorsque le parti communiste appela à refuser de choisir entre Georges Pompidou et Alain Poher, ce qui déboucha sur un taux de vote blanc et nul substantiellement différent au second tour.

Preuve que le vote blanc est un symptôme de la crise du politique, les niveaux records de vote blanc et nul coïncident, comme M. Sauvadet l'indique dans son rapport, avec des niveaux records d'abstention. Le vote blanc est un phénomène tout aussi significatif lors des élections législatives. Enfin, comme le rapporteur le souligne, c'est à l'occasion de référendums que les pics de vote blanc et nul sont les plus impressionnants.

L'assimilation entre vote blanc et vote nul est une règle juridique traditionnelle. Pourtant, un vote blanc n'est pas un vote nul. Il manifeste une démarche, une volonté, un refus. C'est un acte citoyen : l'électeur se déplace, dit à la fois l'insatisfaction devant une offre politique et son attachement à l'acte de voter.

Aujourd'hui, l'article L.66 du code électoral traite les bulletins blancs comme l'ensemble des bulletins nuls, lesquels « n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ». Sont ainsi tenus pour nuls et non décomptés comme suffrages exprimés une série de bulletins qui ont peu de relations entre eux.

Le code électoral ne traite pas non plus expressément de la seconde modalité du vote blanc, qui consiste à glisser dans l'urne une enveloppe vide. Nous avons déposé un amendement à ce sujet. Cette pratique est en effet considérée par le législateur comme un vote nul.

J'ignore si la prise en compte du vote blanc est un outil de mobilisation, un remède durable et solide contre l'abstention. Mais je sais qu'elle garantit à tous les citoyens la possibilité de manifester par ce vote qu'ils n'ont aucun représentant ou que leur volonté politique n'est pas présente dans l'offre électorale.

Le président de la commission des lois, auteur d'une proposition de loi à ce sujet, écrivait que « la reconnaissance du vote blanc [...] peut permettre une forme d'expression de défiance vis-à-vis de l'offre politique proposée, qu'il est utile et juste de prendre en considération ». Nous partageons ce point de vue.

La question que posait le présent texte était double, puisqu'il s'agissait à la fois de reconnaître le vote blanc par un décompte spécifique et de prendre en compte les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés. Si telle avait été la volonté du rapporteur, le groupe écologiste aurait voté cette proposition telle quelle.

Comme les débats en commission et l'intervention du président Urvoas à la tribune l'ont rappelé, il existe en effet un obstacle constitutionnel à la prise en compte du vote blanc dans les suffrages exprimés. En effet, selon l'article 7 de la Constitution, le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages exprimés. À moins de modifier l'article 7, il faut donc exclure les votes blancs des suffrages exprimés au second tour de l'élection présidentielle et lors des référendums. C'est le sens de l'amendement que nous avons déposé. Pour les autres élections, je ne crois pas que les problèmes soulevés soient d'une très grande gravité, même si j'entends l'argument sur l'affaiblissement de la représentation.

J'ai bien compris que le rapporteur était disposé à faire un petit pas, en intégrant les propositions aimablement suggérées par le groupe majoritaire dans cette assemblée. Je ne serai pas plus royaliste que le roi, et je joindrai ma voix à celles du groupe SRC pour que nous fassions ensemble un premier pas dans la reconnaissance du vote blanc. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

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