Intervention de Marc Dolez

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarc Dolez :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'abstention est incontestablement l'un des symptômes les plus caractéristiques de la profonde crise que traverse la représentation politique. L'exercice du droit de vote étant au coeur de la légitimité de nos institutions, l'abstention, désormais récurrente, constitue un véritable affaiblissement de notre démocratie.

Je veux le souligner, car cela est trop souvent oublié : l'abstention ne prend pas en compte les personnes qui, bien que réunissant les conditions, ne sont pas inscrites sur les listes électorales – de 3 à 4 millions de nos concitoyens, selon les estimations, soit près de 10 % du corps électoral.

L'abstention ne marque pas seulement un désintérêt, une indifférence à l'égard de la politique. Pour de nombreux électeurs, elle est une réponse électorale à part entière et peut exprimer un malaise à l'égard d'une offre politique jugée insatisfaisante, incapable de répondre à leurs attentes.

Elle peut aussi constituer une sanction à l'encontre des gouvernements sortants, pour la politique qu'ils ont menée ou les promesses qu'ils n'ont pas tenues.

Dans ces conditions, la reconnaissance du vote blanc peut constituer un élément de réponse, même si la crise de la représentation politique appelle bien sûr des réformes de fond.

Le déséquilibre du régime et le sentiment de défiance de nos concitoyens envers les institutions supposent en effet une véritable démocratisation de ces institutions. Nous l'appelons de nos voeux, dans le cadre d'une VIe République, parlementaire, sociale et participative, où serait mise en oeuvre la représentation proportionnelle, garante du pluralisme démocratique, d'une juste représentation de la diversité des sensibilités politiques, amplifiant la souveraineté directe du peuple.

Reconnaître le vote blanc est sans doute un moyen de lutter contre l'abstention, mais c'est seulement l'un des moyens. Ce serait surtout un indicateur de l'attente d'une autre offre politique.

La demande de reconnaissance du vote blanc n'est pas nouvelle. Depuis plusieurs années de nombreuses propositions de loi en ce sens ont été déposées sur le bureau de notre assemblée, sans qu'aucune d'entre elles n'aboutisse.

Aujourd'hui, le vote blanc, s'il est connu, n'est pas pour autant reconnu. Le nombre de votes blancs est en effet connu puisque, lors du dépouillement, les bulletins blancs et nuls sont comptabilisés et annexés au procès verbal ; mais ils n'apparaissent pas dans le résultat officiel puisque, conformément à l'article L. 66 du code électoral, les bulletins blancs, comme l'ensemble des bulletins nuls, « n'entrent pas en compte dans le résultat du dépouillement ».

Il est pourtant évident que le vote blanc se distingue à la fois de l'abstention et du vote nul. Il se différencie de l'abstention dans la mesure où il témoigne d'un intérêt pour la chose publique, tout en traduisant une insatisfaction à l'égard de l'offre. De même, le vote blanc se démarque nettement du vote nul, dans la mesure où ce dernier résulte soit de la maladresse de l'électeur, soit de sa volonté de ne pas se soumettre aux règles régissant le scrutin.

En somme, le vote blanc exprime le refus de l'électeur du choix qui lui est proposé ; il s'agit donc bien d'un acte citoyen, qui mérite d'être reconnu comme tel et comme un suffrage exprimé à part entière. Comme le souligne Olivier Durand, président de l'Association pour la reconnaissance du vote blanc, « si voter c'est désigner uniquement un vainqueur, cela constitue un appauvrissement de l'acte électoral ».

J'ajoute que les dispositions propres aux machines à voter confirment la spécificité du vote blanc et, même si le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ne sont pas de cet avis, il nous semble effectivement, comme le souligne à juste titre notre rapporteur, que « l'assimilation du vote blanc à un vote nul occasionne bel et bien une rupture d'égalité dans l'information des citoyens sur les résultats électoraux, selon que le vote se déroule dans un bureau doté d'une machine à voter – qui permet d'afficher le nombre exact de votes blancs – ou dans un bureau de vote classique, dans lequel sont indistinctement mêlés votes blancs et bulletins nuls ».

Pour notre part, nous sommes donc favorables à la reconnaissance juridique du vote blanc. Non seulement nous considérons normal, justifié, de décompter séparément les votes blancs et les votes nuls, mais nous estimons, aussi et surtout, que les bulletins blancs devraient être pris en compte dans le calcul des suffrages exprimés. Reconnaître le vote blanc tout en refusant d'en faire mention parmi les suffrages exprimés n'aurait en effet qu'une utilité limitée et ne constituerait qu'une mesure purement symbolique.

Certes, nous entendons les difficultés, rappelées ce matin, que pose cette reconnaissance juridique, principalement pour l'élection du Président de la République, élu, aux termes de l'article 7 de la Constitution, à la majorité des suffrages exprimés. Cette difficulté, notre rapporteur l'a rappelé, n'aurait pourtant rien d'insurmontable ; elle pourrait être levée lors d'une prochaine réforme constitutionnelle.

La difficulté concernant le référendum ne me semble pas de même nature. Je ne considère pas anormal que, pour que le oui l'emporte, il doive obtenir un score supérieur au total des non et des votes blancs, c'est-à-dire qu'il obtienne la majorité des votes.

En ce qui concerne la question des seuils, notamment pour les élections municipales, elle est certes pertinente mais, dans la mesure où l'on nous annonce la révision d'un certain nombre de modes de scrutin, sans doute pourrions-nous l'aborder dans ce cadre-là.

En conclusion, si nous considérons que la proposition de loi de nos collègues du groupe UDI n'apporte pas la solution à l'abstention, nous pensons cependant qu'elle est à même de dissuader certains électeurs de s'abstenir, la reconnaissance pleine et entière du vote blanc leur permettant d'exprimer leur désaccord sur le choix proposé et de signifier clairement que l'offre politique ne leur convient pas.

C'est la raison pour laquelle, vous l'avez compris, les députés du Front de gauche auraient voté cette proposition de loi dans sa version initiale. Mais j'ai cru comprendre qu'elle allait être amendée et que le texte qui sortirait de nos débats serait moins ambitieux. L'avancée proposée sera moins importante, le pas franchi plus petit. Mais ce pas plus petit, nous le franchirons avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

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