Intervention de Pierre-Yves Le Borgn'

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Yves Le Borgn' :

Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, la reconnaissance du vote blanc en matière électorale fait partie des débats récurrents de la démocratie française. Nombre de propositions de loi ont été déposées à ce sujet au cours des vingt dernières années par l'ensemble des groupes. À gauche comme à droite, il est apparu important, en effet, dans un contexte de participation électorale déclinante, de distinguer le vote blanc du vote nul, et plus encore de l'abstention.

Le vote blanc constitue une expression démocratique, celle de la manifestation par l'électeur qui se déplace pour voter d'un refus de l'offre politique qui lui est présentée. Il se traduit par le dépôt dans l'urne d'une enveloppe vierge de tout bulletin ou contenant un bulletin blanc.

Le vote blanc doit à ce titre être distingué du vote nul. Il doit être comptabilisé et dûment présenté au moment de la proclamation des résultats du scrutin. Cette évolution de l'article L. 66 du code électoral est désormais d'autant plus nécessaire que la mise en service récente des machines électroniques de vote dans de nombreuses communes permet le vote blanc et exclut de facto le vote nul. Il en va de même du vote par internet, organisé dans le cadre de l'élection des députés des Français de l'étranger en juin dernier.

Le soutien à la proposition de loi qui nous est soumise par le groupe UDI et notre collègue François Sauvadet m'apparaît donc aller de soi dans ce contexte.

Faut-il que cette reconnaissance du vote blanc s'accompagne de sa comptabilisation dans les suffrages exprimés ? J'étais intuitivement porté à répondre favorablement à cette interrogation, jusqu'à ce que j'en mesure tout l'inconvénient : le risque, lourd en termes de légitimité démocratique, que ne soit pas atteinte la majorité des suffrages exprimés, centrale dans notre culture électorale et en tout état de cause exigée par l'article 7 de la Constitution pour l'élection présidentielle. L'introduction du vote blanc dans le calcul des suffrages exprimés aurait en effet conduit deux de nos présidents, Jacques Chirac en 1995 et François Hollande en 2012, à accéder au pouvoir suprême sans majorité absolue.

C'est ce souci de maintenir toute sa force symbolique à la majorité absolue qui explique la décision du groupe SRC de déposer un amendement en séance ce matin pour que le vote blanc ne soit pas pris en compte dans la détermination des suffrages exprimés. Nous sommes en cela fidèles aux propositions de loi présentées par Jean-Jacques Urvoas en février de cette année et par Laurent Fabius et le groupe socialiste en 2003. Nous sommes fidèles aussi à un vote initial de notre assemblée en 2002, en faveur de la reconnaissance du vote blanc sans prise en compte pour les suffrages exprimés ; cette proposition de loi, issue du groupe UDF, n'a malheureusement jamais été inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

Il est temps que la France rejoigne le groupe des pays reconnaissant le vote blanc selon des modalités diverses : la Suisse, l'Espagne, les Pays-Bas et la Suède pour l'Europe, mais aussi le Pérou, le Costa Rica, le Brésil et l'Uruguay en Amérique latine.

Aurons-nous, ce faisant, fait oeuvre utile dans la lutte contre l'abstention ? Je crains que non, et je défends de ce fait la nécessité de prolonger notre débat en matière électorale au-delà de la seule reconnaissance du vote blanc. Je pense notamment au vote obligatoire, que pratiquent en Europe l'Italie, la Grèce, la Belgique, le Luxembourg… et la France pour les élections sénatoriales.

La combinaison du vote obligatoire et de la reconnaissance du vote blanc peut avoir un sens. J'en vois les mérites, j'en vois aussi les limites, notamment lorsque l'électeur vit loin du bureau de vote. C'est le cas des électeurs français de l'étranger. Et c'est à ce titre que je crois plus que jamais utile une réflexion de notre assemblée sur le vote à distance, par internet ou par correspondance. Nous avons un premier retour d'expérience sur le vote par internet aux élections législatives à l'étranger : saisissons-le, tout en nous inspirant de nos amis allemands et espagnols et de leur organisation optimale, sécurisée, traçable, du vote par correspondance. En matière électorale, le droit comparé a beaucoup de vertus. C'est un exercice auquel je souhaite que nous puissions nous livrer tout au long de la législature.

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