Intervention de Lionel Tardy

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLionel Tardy :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise ce matin vise à considérer le vote blanc comme un suffrage exprimé. J'y vois un affaiblissement de la démocratie et une dévaluation du rôle des citoyens dans les choix politiques. Je suis donc résolument contre cette proposition de loi.

Il faut tout d'abord rappeler que le système démocratique dans lequel nous vivons aujourd'hui n'est pas si ancien que cela : les isoloirs et le secret du vote n'ont qu'un siècle. Quand on regarde autour de nous, à travers le monde, il n'est pas besoin d'aller très loin pour constater que beaucoup de pays ne sont pas au même stade que nous, et je pense que certains oublient à quel point la démocratie est fragile – on en a bel exemple à l'UMP en ce moment (Sourires.) – et combien il suffit de pas grand-chose pour vicier un système. Les modalités du scrutin sont un de ces éléments clés qui, même dans une démocratie avancée, peuvent conduire à des dérapages s'ils ne fonctionnent pas bien.

À quoi sert le vote ? La question peut sembler superfétatoire, mais la réponse conditionne beaucoup de choses. Pour moi, le vote sert aux citoyens à exprimer leurs choix en matière d'orientation politique et à désigner les dirigeants qui auront à mettre en oeuvre ces choix politiques. Les électeurs participent par ce biais à un dispositif destiné à assurer une bonne gouvernance de la chose commune, de la res publica.

Dans beaucoup de scrutins, choix des personnes et des lignes politiques sont liés. En désignant les élus, on fait aussi un choix politique ; inversement, si on veut une direction politique bien précise, il faut prendre les candidats qui la portent, quand bien même ils ne nous inspirent pas une grande sympathie.

Voter, c'est choisir et c'est souvent frustrant, il faut bien le reconnaître. En effet, on est rarement pleinement en accord avec l'ensemble du programme proposé, et l'on peut éprouver des réticences vis-à-vis de la personnalité du candidat.

Le mouvement pour la reconnaissance du vote blanc refuse cette frustration et demande que l'on puisse refuser une offre politique qui ne nous conviendrait pas, en invalidant, ce faisant, l'élection. Je pense que c'est une déviance qu'il faut refuser, car elle traduit une dérive consumériste de la politique, dérive à laquelle malheureusement nous, élus, prêtons un peu trop le flanc.

Gérer la cité, ce n'est pas répondre à des demandes clientélistes ; c'est assurer la primauté de l'intérêt général pour le bien commun. L'élection n'est pas un supermarché où le client doit trouver le produit qui lui convient parfaitement sur le fond et sur la forme.

Au terme d'une élection, il faut que les choix politiques soient clairs et que les dirigeants désignés aient la légitimité suffisante pour les mettre en oeuvre. Cela implique que la liberté de choix des électeurs ne soit pas absolue. Ils participent à un processus complexe, dont ils ne sont ni les seuls ni les principaux acteurs. Le système électoral doit être centré sur l'intérêt général et sur la recherche d'une bonne gouvernance, pas uniquement sur la satisfaction des électeurs.

Pour moi, l'intérêt général doit primer sur les intérêts particuliers. Un système démocratique est un équilibre entre le pouvoir donné au peuple de participer activement aux choix politiques et une efficacité dans la gestion de la cité et de l'intérêt général.

Reconnaître le vote blanc comme suffrage exprimé créerait un déséquilibre et conduirait à des dérives, au premier rang desquelles une remise en cause de la légitimité des élus. En effet, si le vote blanc est reconnu comme exprimé, on aura des élus désignés avec des scores faibles, sans majorité absolue, ce qui les affaiblira grandement, car leur légitimité sera sans cesse remise en cause.

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