Intervention de Jean Leonetti

Séance en hémicycle du 4 décembre 2014 à 9h30
Lutte contre la gestation pour autrui — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Leonetti, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, mes chers collègues, qu’est-ce qu’une gestation pour autrui – GPA – ? Derrière ce vocable et cette formulation positive et teintée d’altruisme, se cachent en fait la location du ventre d’une femme, l’abandon d’un enfant et le fait de considérer un enfant comme un objet commandé et payé.

Parce que les corps ne sont pas à louer, parce que les enfants ne sont pas à vendre et parce que les personnes ne sont pas des choses, parce que cette pratique est contraire à la dignité de la personne et à l’indisponibilité du corps humain, elle doit être interdite et même empêchée.

Or notre droit, dans ce domaine, est devenu fragile.

Même avant la loi de bioéthique de 1994, l’interdiction était une constante du droit français. Cette position a été confirmée par le Conseil d’État et le Comité consultatif national d’éthique en 2010, par la loi de bioéthique de 2011 – nous avions eu un débat à l’époque pour savoir s’il fallait alourdir les sanctions, mais l’absence de transcription à l’état civil français des enfants nés à l’étranger nous avait alors semblé être un élément suffisamment dissuasif –, et par la Cour de cassation en 2013, qui a considéré que la GPA représentait un trouble à l’ordre public. Pourtant, des brèches ont fragilisé cet édifice juridique.

Il y a d’abord eu la circulaire Taubira, d’ailleurs citée sur les réseaux des mères porteuses ukrainiennes comme un élément positif permettant de faciliter la gestation pour autrui, puis l’arrêt « Mennesson contre France » rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme, qui permet la transcription des actes d’état civil d’enfants nés à l’étranger de GPA.

Nous avons eu un espoir lorsque le Premier ministre a déclaré qu’une telle pratique était intolérable car elle commercialisait des êtres humains et « marchandisait » le corps des femmes, mais il a été déçu en l’absence d’initiative de la part du Gouvernement. Pire, la France n’a pas fait appel de la décision de la Cour européenne. La transcription des actes étrangers sera donc automatique, puisque la décision de cette dernière est définitive depuis le 26 septembre 2014.

L’inquiétude face à cette situation est largement partagée puisque, dans une tribune publiée par le journal Libération, des personnalités comme Lionel Jospin ou Jacques Delors expliquent que, « si la France plie, si les filiations des enfants issus de contrats de mères porteuses faites à l’étranger sont inscrites à l’état civil français, alors le marché des bébés devient de fait efficace ». Il l’est de fait depuis le 26 septembre 2014 – parce que la France a plié.

Puisque notre droit civil est inefficace, reste le droit pénal. C’est la raison pour laquelle nous proposons aujourd’hui d’alourdir les sanctions et de les rendre plus efficaces.

Ainsi, l’article 1er durcit les peines encourues pour les délits de provocation à l’abandon d’enfant et d’entremise en vue d’une gestation pour le compte d’autrui, sanctionnant aussi bien les personnes que les agences pratiquant ce trafic.

Je rappelle à ceux qui l’ont peut-être oublié que notre proposition de loi n’a pas inventé les peines de prison et qu’elles existent déjà dans notre droit. Elles ne sont certes jamais appliquées.

À ceux qui reprochent de punir les parents sans penser aux enfants, je donnerai la réponse de M. le Premier ministre, Manuel Valls : « il est incohérent de désigner comme parents des personnes ayant eu recours à une technique clairement prohibée, tout en affirmant qu’ils sont responsables de l’éducation des enfants, c’est-à-dire chargés de la transmission de nos droits et de nos devoirs » – et de nos valeurs, ajouterai-je à titre personnel.

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