Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, chers collègues, la proposition de loi dont nous débattons ce matin s'inscrit dans une longue tradition parlementaire, illustrée par de multiples propositions de loi visant à prendre en compte le vote blanc, comme l'a très justement rappelé Jean-Jacques Urvoas.

L'article 1er du texte pose un double principe. D'une part, il prévoit le décompte séparé des bulletins blancs. D'autre part, il dispose que les bulletins blancs seront pris en compte pour la détermination des suffrages exprimés.

Je souhaite vous faire partager trois idées.

D'abord, il est nécessaire de mieux prendre en compte le vote blanc.

Ensuite, sa prise en compte dans les suffrages exprimés poserait des problèmes qui ne sont pas que juridiques.

Enfin, l'exercice effectif de la citoyenneté ne se décrète pas, il se construit socialement et politiquement.

Chacun de nous a conscience que l'abstention porte atteinte à la légitimité des élections et des élus qui ont la charge de l'intérêt général, au nom des valeurs et des projets qu'ils portent.

L'abstention a atteint près de 44 % au second tour des élections législatives de juin 2012. C'est un chiffre record sous la Ve République.

Certaines études électorales ont mis en évidence un lien entre l'abstention et le vote blanc, une sorte de relation en creux où lorsque l'un augmente, l'autre recule. Reconnaître le vote blanc serait en permettre la reconnaissance positive, voire protestataire, au regard de l'offre politique. À ce titre, il est positif de l'isoler des votes nuls.

Faut-il aller au-delà et agréger les bulletins blancs avec les suffrages exprimés ?

En l'état, l'exclusion des votes blancs tend mécaniquement à gonfler les suffrages remportés par les différents candidats. En les agrégeant, on rétablirait en quelque sorte l'audience exacte des candidats et on ferait justice des intentions réelles des électeurs dans leur diversité.

Néanmoins, cette prise en compte n'est pas sans créer des difficultés et poser des questions.

Les risques significatifs ne sont pas ceux liés à la complication des dépouillements, à la multiplication des seconds tours, à la possible supériorité en nombre des suffrages blancs sur les suffrages exprimés et à la question de savoir s'il y aurait alors un élu.

Non, la prise en compte des votes blancs dans les suffrages exprimés pose un problème de légitimité qu'il ne faut pas sous-estimer. Des situations peuvent se produire où des candidats en nombre croissant pourraient être élus sans obtenir la majorité des suffrages exprimés. Des situations pourraient naître où le vote blanc serait majoritaire de façon absolue au premier tour ou relative au second tour. Il y aurait alors une fragilisation des élus comme il n'y en a jamais eu.

Une élection démocratique n'est pas une mesure de l'opinion ou un sondage. On n'y vote pas pour soi, on vote pour trancher et faire valoir un intérêt de la société. La finalité des élections demeure la désignation d'un ou de plusieurs représentants ou la réponse à une question.

Dans ces conditions, assimiler le vote blanc à un suffrage exprimé conduirait à dénaturer l'élection. La légitimité démocratique en pâtirait et une telle situation serait loin de votre intention originelle.

II y aurait un effet d'aubaine pour tous ceux qui, cherchant à détourner des scrutins, en dévaloriseraient systématiquement les résultats quand bien même rien ne permettrait de conclure quant à leur signification. Dans ces conditions, si reconnaître le vote blanc paraît utile, l'assimiler à un choix clair de dénonciation ou à un choix par défaut est téméraire.

J'en viens brièvement à ma dernière idée. L'exercice effectif de la citoyenneté ne se décrète pas. Il se construit socialement et politiquement. Le vote blanc est un thermomètre qui ne dit pas en quoi le corps électoral est malade. Il ne peut donc pas être assimilé à un suffrage exprimé. Il n'est pas non plus la thérapeutique qui fera revenir vers les urnes nos concitoyens qui en trop grand nombre se détournent du vote comme participation à la communauté nationale et civique et comme choix nous engageant tous.

C'est plutôt en faisant retrouver aux Français les liens qui devraient exister entre les choix politiques et les réalités économiques et sociales vécues que nous pouvons espérer les compter à nouveau plus nombreux aux élections. C'est en innovant par des pratiques politiques responsables et humaines, en faisant correspondre les actes de gestion aux discours et promesses de campagne et en luttant contre les inégalités qui créent un sentiment d'impuissance chez ceux qui en sont les victimes que nous retrouverons de l'engagement citoyen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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