Intervention de Michel Aymeric

Réunion du 25 novembre 2014 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Michel Aymeric, secrétaire général de la mer :

Oui, madame la présidente.

J'y suis prêt. Le Cluster maritime français rappelle également chaque année cette proposition. La question sera évoquée lors des assises de l'économie de la mer qui se tiendront à Nantes les 2 et 3 décembre prochains.

Quant à la cinquième proposition, elle visait à « prendre en compte les enjeux liés à la sûreté et à la sécurité maritime dans le futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale ». Le Livre blanc a été écrit. Un travail a été lancé au plan européen sur la stratégie de sécurité maritime de l'Union européenne (SSMUE), qui comprend la sécurité des approvisionnements – 90 % du commerce mondial emprunte la voie maritime –, la sécurité des approches, la sauvegarde, la sécurité du trafic maritime et des transits ou la lutte contre la piraterie. La France étant évidemment un des acteurs majeurs de la SSMUE, j'ai proposé au Premier ministre de bâtir une stratégie de sécurité maritime française – une « SSMF » : j'ai reçu un accord de principe de son cabinet pour travailler sur ce projet et le ministère de la Défense y est également favorable. Une première réunion doit se tenir le 15 décembre. Par exemple les Britanniques ont édité un document d'une cinquantaine de pages qui résume la stratégie de sécurité-maritime du Royaume-Uni : la France va lancer la rédaction d'un document similaire, l'action de l'État en mer ne constituant qu'une partie de la stratégie de sécurité maritime française.

S'agissant des missions de souveraineté, je tiens à préciser que le canal du Mozambique est une zone dans laquelle la France doit affirmer sa souveraineté. Si la situation maritime de la Nouvelle-Calédonie est satisfaisante, toutefois, des armements asiatiques viennent pêcher dans la zone sans licence. Lorsque, dans le cadre de la stratégie des grands fonds marins, nous développerons un programme de recherche de minerais sous la mer, il conviendra d'être présent et d'assurer la protection des zones concernées.

La sixième et dernière proposition visait à « créer une fonction de coordination de la politique maritime européenne » : ce serait d'autant plus utile qu'aucune organisation maritime d'un État membre n'est similaire à celle d'un autre État membre. Il n'existe non plus aucune unité d'organisation au plan européen puisque la question maritime est partagée entre plusieurs directions générales. La direction générale des affaires maritimes et de la pêche (DG Mare) est désormais englobée au sein d'une direction générale chargée de l'environnement, des affaires maritimes et de la pêche, qui s'occupe notamment de la politique maritime régionale – méditerranéenne, atlantique, baltique, adriatique – et des sujets transversaux, notamment environnementaux. La « DG Move » – mobilité et transports – s'occupe de la politique portuaire, notamment de la réforme des ports, de la sécurité du transport maritime et de la lutte contre la pollution. Quant à la DG Affaires intérieures – « DG Home » –, elle traite de l'immigration. Chaque direction générale a, de plus, son agence miroir : l'agence européenne de sécurité maritime de la DG Move est située à Lisbonne, l'agence européenne du contrôle des pêches, à Vigo, en Espagne et Frontex, à Varsovie. Il n'existe pas de grand patron « maritime » européen qui ferait le lien entre toutes ces politiques sectorielles.

Un forum annuel des garde-côtes européens a toutefois été mis en place : l'Italie, qui en assumait la présidence cette année, nous a invités à bord du Costa Serena. L'année prochaine, la Finlande l'organisera à Helsinki. Chaque année un État membre l'organise – l'an dernier, c'était la Grèce. Ce forum nous a permis de lancer des travaux communs et d'établir un répertoire des formations et un annuaire. Nous avons également décidé de créer un secrétariat central de la fonction garde-côtes, qui sera basé à Bruxelles : c'est une étape vers la constitution d'un noyau de la fonction garde-côtes au plan européen. À ce stade, toutefois, aucune décision politique de création d'une garde côtière européenne n'a encore été prise. Elle appartiendrait au Gouvernement et au Parlement.

Nous travaillons également sur le cadre juridique des interventions, notamment sur la dissociation, dans la répression du narcotrafic, qui offre, par exemple, la possibilité, lors d'une opération en mer, de détruire la cargaison sur place ou de confier, avec l'accord de la chancellerie, à un autre État les poursuites judiciaires contre les trafiquants. Les Britanniques et les Américains la pratiquent déjà. Nous travaillons également sur le problème des coques abandonnées et sans valeur vénale : lors d'une opération en mer, si la coque n'est pas saisie par la justice, celle-ci est conduite dans un port où elle est gardiennée aux frais de l'administration qui a pris en charge l'opération et se trouve ainsi pénalisée. Un décret sera bientôt publié sur le sujet. Les administrations concernées conduisent ce travail de conserve.

Madame la présidente, vous avez évoqué la loi dite « E2PM », qui autorise le recours à des entreprises privées de protection des navires contre la piraterie : les textes d'application devraient être publiés prochainement. Il est par ailleurs prévu que le Premier ministre se déplace à Nantes le 2 décembre : il fera, je pense, des annonces en matière de politique maritime, qu'il s'agisse de ses aspects régaliens, économiques ou environnementaux.

Quant au problème des délimitations maritimes, il n'est pas entièrement résolu – j'ai évoqué le canal du Mozambique. Je tiens à rappeler qu'il appartient au service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) de définir les lignes de base sur lesquelles les décrets sont pris pour déterminer la mer territoriale, la zone contiguë et la zone économique exclusive (ZEE). Or, tous les territoires ne sont pas délimités de manière définitive. Nous travaillons par ailleurs au programme d'extension du plateau continental (Extraplac) : la France a déposé des demandes devant une commission spécialisée des Nations unies pour différentes zones du monde – archipel des Crozet, Saint-Pierre-et-Miquelon, la Polynésie. Cette extension doit remplir des conditions géologiques précises, à savoir la continuité du plateau continental sous-marin. Les dossiers avancent.

S'agissant enfin de la recherche dans les grands fonds, nous sommes présents sur trois sites : un est situé dans la ZEE de Wallis et Futuna ; un autre, pour lequel nous disposons d'un permis depuis 2001 valable jusqu'en 2016, est situé dans la zone internationale qui s'étend entre Clarion et Clipperton ; quant au président-directeur général de l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer), il a signé avec le secrétaire général de l'Autorité internationale des fonds marins un permis de recherches d'amas sulfureux dans la zone médio-atlantique, entre le Sénégal et l'Amérique du Sud. Préparer ainsi l'avenir implique de conduire une action régalienne de souveraineté. En effet, l'économique et le régalien sont liés : par exemple, l'installation de fermes éoliennes en mer pose des problèmes de sécurité maritime et de régulation du trafic.

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