Intervention de Pascal Popelin

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Popelin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le principe consistant à accorder une place spécifique au vote blanc dans la présentation des résultats électoraux semble largement partagé dans cette assemblée, au-delà de nos différences politiques.

En effet, le vote blanc est en soi une forme d'expression. Il traduit la démarche réfléchie d'un citoyen qui manifeste sa volonté de participer au processus démocratique sans se reconnaître dans l'offre qui lui est proposée. En cela, le vote blanc se distingue de l'abstention, qui marque un refus et parfois une négligence ou une impossibilité de s'associer à l'exercice démocratique. Il se distingue aussi du vote nul, qui relève davantage de la maladresse fortuite ou d'une volonté plus délibérée de prendre ses distances avec le système institutionnel tel qu'il est prévu par la loi.

De ce point de vue, la situation actuelle du droit électoral est paradoxale. Lors du dépouillement, les scrutateurs et les membres des bureaux de vote sont astreints à une comptabilité de notaire pour détailler dans les procès-verbaux les différentes formes de vote nul et blanc. Ils doivent distinguer les enveloppes vides, celles qui contiennent un bulletin sans nom ou plusieurs bulletins de candidats différents, les bulletins comportant des ratures, des inscriptions, des signes de reconnaissance, les bulletins déchirés ou ornés de taches diverses. Après ce tri d'une précision méticuleuse, l'ensemble des bulletins sont regroupés sous la rubrique « blancs et nuls », qui assimile et mêle des motivations tout à fait différentes.

À ce jour, le législateur n'a pas souhaité corriger ce qui constitue, aux yeux de nombre d'entre nous, une forme d'anomalie. Ainsi, en écoutant, tout à l'heure, l'intervention de M Tardy – même si M. Geoffroy a exprimé une position différente, mais nous en avons l'habitude –, on peut comprendre pourquoi il n'y a pas eu de majorité pour légiférer dans ce domaine. Les tentatives ont pourtant été multiples, à l'initiative tantôt des uns, tantôt des autres. Je pense en particulier à la proposition présentée au cours de la xiie législature, en 2003, par Laurent Fabius. Cette proposition de loi était particulièrement novatrice, pour ne pas dire révolutionnaire – sans remonter jusqu'à l'an vi –, puisqu'elle proposait, en outre, de rendre le vote obligatoire. Au cours de la xiiie législature, en février dernier, c'est notre collègue Jean-Jacques Urvoas, désormais président de la commission des lois, qui a présenté – il a eu l'élégance de n'en point parler lors de son brillant rappel historique – un texte à vocation plus modeste, puisqu'il s'en tenait à un décompte distinct des votes blancs et des votes nuls. Lorsque j'emploie le terme « modeste », je ne fais que reprendre à la lettre les mots employés dans l'exposé des motifs de son texte, qui ne traduisent en rien un manque d'ambition, mais plutôt une forme de pragmatisme, lequel est souvent nécessaire lorsque l'on est animé d'une véritable volonté de faire évoluer certains modes de pensée et certaines traditions.

Il me semble en effet que, pour faire oeuvre utile en matière de reconnaissance du vote blanc aux élections, il nous faut emprunter la voie du pragmatisme et rechercher la simplicité, ce qui fait consensus. Nous sommes, je crois, tous d'accord pour mettre en oeuvre une méthode de décompte des voix qui opère une distinction entre les votes blancs et les votes nuls, et permette de faire apparaître clairement cette différence dans la publication des résultats des élections. Il s'agit là d'une étape utile. C'est un moyen simple de traduire de manière plus fine l'état de l'opinion et de répondre à la demande légitime des citoyens qui accomplissent leur devoir électoral en votant blanc et estiment que leur expression n'est pas prise en compte par le mode actuel de présentation des résultats.

Faut-il aller au-delà en intégrant les votes blancs dans le calcul des suffrages exprimés, comme le propose François Sauvadet dans la version initiale du texte dont il est tout à la fois l'auteur et le rapporteur ? Je ne le pense pas. L'amendement qu'il a déposé, semblable au nôtre, donne à croire que nous pourrons nous rejoindre sur ce point. En effet, comptabiliser les bulletins blancs parmi les suffrages exprimés nécessiterait, du point de vue juridique, de modifier la Constitution, s'agissant de l'élection présidentielle et des procédures référendaires. Du point de vue politique, en supposant que cet obstacle juridique soit levé ou contourné, comme le propose un amendement de nos collègues écologistes, je considère que nous irions à l'inverse de l'objectif recherché en affaiblissant la légitimité des candidats élus, ce qui revient, à mes yeux, à affaiblir notre démocratie, alors que nous entendons précisément la renforcer.

Favorables à la reconnaissance du vote blanc aux élections, nous voterons donc cette proposition de loi inscrite à l'ordre du jour à l'initiative du groupe Union des démocrates et indépendants et amendée par notre groupe dans un sens qui ne disconvient pas à son auteur, tout simplement parce qu'elle rejoint notre préoccupation. Cette petite avancée utile sera suivie d'autres initiatives d'ampleur, qui seront proposées à la représentation nationale au cours des prochains mois par le Gouvernement et par le groupe socialiste, républicain et citoyen, pour contribuer au renouveau démocratique de la République française. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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