Intervention de Gil Arias

Réunion du 18 novembre 2014 à 17h00
Commission des affaires européennes

Gil Arias, directeur exécutif de Frontex :

Nous ne pouvons pas véritablement tirer d'enseignements de Mare nostrum, pour deux raisons. La première est que l'opération n'est pas terminée : elle a été rationalisée mais elle se poursuit, et les Italiens sont toujours actifs en Méditerranée dans ce cadre. La seconde est que Mare nostrum est menée par la marine italienne, sans lien ni coordination d'aucune sorte avec les opérations Aeneas et Hermes de Frontex qui ont été fusionnées au sein de Triton. Mare nostrum a incontestablement permis de sauver de très nombreuses vies. Mais il est également vrai que, la marine italienne conduisant ses opérations à proximité des côtes libyennes, les passeurs ont mis en danger beaucoup plus de vies. Dès le lancement de Mare nostrum, en novembre 2013, après la tragédie de Lampedusa, les flux migratoires ont commencé d'augmenter et, au même rythme, le nombre de victimes. On a dénombré 3 000 morts par noyade depuis le lancement de Mare nostrum et en dépit de cette opération, alors que moins de 50 personnes avaient péri en mer en cherchant à émigrer de janvier à octobre 2013, avant que ne se produise le drame de Lampedusa. D'évidence, davantage de migrants ont pris la mer, et les risques se sont multipliés, à la fois parce que les embarcations dans lesquelles ils sont entassés ne sont pas sûres et parce que, sachant qu'ils seraient secourus par la marine italienne à quelques milles marins de la côte libyenne, les passeurs ont trouvé le moyen de profits supplémentaires en s'abstenant de dépenser ce qu'il convenait de leur laisser en eau, vivres et combustible. Voilà qui explique la tragédie, car on sait le sort qui attend malheureusement les migrants s'ils ne sont pas secourus à temps.

J'ignore si M. Dimitris Avramopoulos, nouveau commissaire européen aux affaires intérieures, a parlé de Mare nostrum et, si oui, en quels termes. En revanche, Mme Cecilia Malmström, qui l'a précédé dans cette fonction, a souligné comme je l'ai fait devant vous que Triton ne remplacerait jamais Mare nostrum. Le périmètre des deux opérations diffère. Si sauver des vies est une priorité lorsque Frontex mène des opérations conjointes et si nos opérations se transforment en sauvetages parce que, lorsqu'on nous signale des périls en mer, nous intervenons immédiatement pour sauver les migrants, l'Agence n'est pas chargée des recherches et du sauvetage en mer, mais de la gestion des frontières. Il n'existe malheureusement pas d'organisme européen chargé des recherches et du sauvetage en mer. Ces opérations relèvent de la responsabilité des États membres, et ils doivent l'exercer. Avec tout le respect que je dois aux autorités, pour des raisons de politique intérieure, M. Alfano a dû expliquer qu'à partir de maintenant Mare nostrum ne coûterait pas un euro supplémentaire aux contribuables italiens ; mais, bien sûr, des Italiens sont encore actifs dans le dispositif, et toutes les autorités nationales doivent faire ce qui leur incombe pour éviter des morts en Méditerranée.

L'Italie estime à 9 millions d'euros le coût mensuel de Mare nostrum ; l'opération Triton coûte moins de 3 millions d'euros par mois.

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