Intervention de Jean-Luc Drapeau

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Reconnaissance du vote blanc — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Drapeau :

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, sous chaque législature, est déposée sur le bureau de l'une de nos deux assemblées une proposition de loi visant à reconnaître le vote blanc aux élections. Ces textes, qu'ils soient issus de parlementaires de gauche ou de droite, n'ont jamais trouvé d'application effective. Mais, aujourd'hui, nous faisons face à une crise démocratique qui doit tous nous interpeller. En effet, le 6 mai dernier, le nombre des bulletins blancs et nuls glissés dans l'urne a dépassé 2 millions, soit plus de 5 % des votants, atteignant ainsi un niveau comparable à celui des élections de 1995 et 2002. Face à une telle situation, nous ne pouvons rester les bras ballants. À cet égard, la proposition de loi du groupe UDI a le mérite de prendre en compte un malaise qui touche aux fondements de notre démocratie.

Nous devons faire preuve de pédagogie et de clarté. Abstention, vote blanc, vote nul : ces trois termes recouvrent chez nombre de nos concitoyens la même réalité. Or il y a de réelles différences. En effet, si le vote nul correspond à une expression parfois difficile à analyser – maladresse, défiance, rejet, doute –, le vote blanc reflète la démarche d'un électeur peut-être plus impliqué, ou conscientisé, qui exprime clairement un doute ou une perplexité face à l'offre politique. Néanmoins, la frontière entre vote nul et vote blanc reste parfois très ténue ; il est à noter que, dans les deux cas, l'électeur s'est déplacé.

La comptabilisation spécifique des votes blancs, donc leur reconnaissance, me paraît très positive ; c'est pourquoi nous voterons en faveur d'une telle mesure. En revanche, j'estime que leur comptabilisation dans les suffrages exprimés, non seulement n'apporterait pas la solution adéquate, mais compliquerait davantage encore les choses et nuirait à la clarté et la lisibilité, pourtant si nécessaires à nos concitoyens. En outre, le Conseil constitutionnel a régulièrement fait part de ses réserves à ce sujet, car l'assimilation des bulletins blancs aux suffrages exprimés aurait des conséquences techniques indésirables, dans le cadre d'élections législatives, par exemple. Par ailleurs, il souligne « l'ambiguïté que présenterait le décompte officiel des bulletins blancs : mesurerait-on la neutralité ou l'hostilité de l'électeur à l'égard des options en présence ? »

Pour ma part, je ne suis pas insensible au vote blanc, car il est l'expression d'un choix ; il correspond à ce que l'on pourrait appeler une abstention civique. Voter blanc, c'est exprimer son mécontentement, sans pour autant s'abstenir. C'est pourquoi le groupe socialiste a déposé un amendement qui vise expressément à ne pas comptabiliser le vote blanc dans les suffrages exprimés.

Dans le rapport, il est indiqué que, dans le cas où les bulletins blancs représenteraient la majorité des suffrages, une nouvelle élection pourrait être organisée. Mais, lorsqu'on regarde les taux d'abstention records atteints lors de certaines consultations électorales ces dernières années, on peut se demander si rajouter des élections aux élections changerait quelque chose. Il faut, de toute façon, de la clarté dans les scrutins, quels qu'ils soient. L'actualité nous montre les dégâts que peuvent causer l'improvisation et le manque de clairvoyance dans l'élaboration de règles mal conçues ou mal appliquées.

Mes chers collègues, le projet politique de l'UDI est de comptabiliser le vote blanc dans les suffrages exprimés, comme s'il s'agissait d'une potion magique qui permettrait de mettre fin à des années de désintérêt des Français pour les élections, de redonner l'envie aux citoyens de prendre toute leur part dans les décisions et de réinstaurer de la confiance entre les citoyens et leurs dirigeants. La majorité souhaite agir. C'est tout le sens du rapport remis par Lionel Jospin au Président de la République, François Hollande, lequel a très clairement indiqué dans la lettre de mission que « le nouveau quinquennat qui vient de s'ouvrir [devait être] marqué par un nouvel élan donné à la démocratie et par un fonctionnement exemplaire des institutions publiques ». Certes, on peut déplorer l'absence de la reconnaissance du vote blanc parmi les recommandations du rapport. Mais nous souhaitons que des mesures fortes soient prises pour impliquer davantage nos concitoyens dans la vie publique. Cela passera par l'instauration d'un parrainage des candidats à l'élection présidentielle par les citoyens, par la création d'une autorité de déontologie de la vie publique ou par le renforcement du pluralisme à l'Assemblée nationale et de la parité. Nous sommes attendus sur tous ces sujets. La représentation nationale s'en emparera et je souhaite vivement que le texte qui sera prochainement présenté fasse l'unanimité dans cet hémicycle.

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