Intervention de François Brottes

Séance en hémicycle du 22 novembre 2012 à 9h30
Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes, président de la commission des affaires économiques :

…c'était, de ma part, une forme de jeu politique, dont je conviens qu'il n'était pas très utile. Je suis donc prêt à ne pas réutiliser cet argument.

Analysons ce qui s'est passé au cours des dix dernières années.

Nous avons d'abord vécu la privatisation de GDF, vous vous en souvenez. Je me rappelle avoir dénoncé dans cet hémicycle le fait que le contrat de service public qui liait GDF à l'État annonçait clairement, dans une de ses clauses, que les tarifs réglementés du gaz devaient rejoindre au plus vite les prix du marché : c'est à peu près dans ces termes que le texte était rédigé. Cela signifie qu'on avait déjà l'intention d'abandonner toute idée de réglementation en matière tarifaire.

Mon deuxième souvenir, pour m'intéresser depuis longtemps à ces questions, c'est celui d'un ministre – probablement M. Gaymard – essayant de faire en sorte que le politique ne se mêle plus des tarifs. Comme les tarifs augmentent et qu'il est difficile pour le pouvoir politique d'assumer publiquement cette évolution, mieux vaut laisser faire les régulateurs : tel est le raisonnement qui a été fait à cette époque, et qui ne valait pas seulement pour le prix de l'énergie. Ce fut la deuxième séquence, celle qui correspond à la période précédant l'arrivée de l'actuelle majorité : petit à petit, les politiques ont décidé de ne plus se mêler de cette affaire, où il n'y avait que des coups à prendre.

Il y a eu, récemment, une sorte de retour de manivelle. En refusant certaines des augmentations qui étaient demandées, on a laissé sous le tapis, pour le gouvernement suivant, des factures assez importantes, que sont d'ailleurs en train de payer les consommateurs français. On voit ainsi que le rapport entre les pouvoirs publics, aussi bien le législateur que le Gouvernement, et la réglementation des tarifs – en particulier du gaz – est une liaison éminemment dangereuse, qui, en tout état de cause, ne s'est pas stabilisée.

C'est donc une très bonne chose qu'un ancien ministre, qui était chargé de ces questions, revienne avec une proposition de loi et nous invite à aborder ce sujet différemment. Ce débat a le mérite d'exister et nous avons intérêt à l'avoir, parce que personne n'a la solution magique, dans un contexte où, de fait, on ne sait pas aujourd'hui qui décide. On a un peu de mal à comprendre. Il s'agit parfois des tribunaux : c'est une solution, mais cela peut coûter extrêmement cher, et ce n'est pas la meilleure option. Cela veut dire que, quelque part, le législateur n'a pas bien fait son travail.

La deuxième question qui se pose est celle du calcul : qu'est ce qu'on calcule, et comment s'y prend-on ? Lorsqu'on décompose le prix du gaz – et cela vaut pour d'autres énergies –, on y trouve un certain nombre d'éléments, à savoir le transport, la production et la distribution. Mais en ce qui concerne l'approvisionnement – M. le ministre a évoqué cette question –, j'ai toujours été très curieux de savoir comment était calculé son coût pour le marché français. J'avoue que je reste extrêmement circonspect : j'aimerais que l'on puisse avoir une analyse transparente et précise de ce que représente, dans le prix du gaz, la part de l'approvisionnement, et que l'on compare la situation de la France avec celle d'autres pays d'Europe. Je parle de fournisseurs qui n'ont pas vocation à vendre du gaz sur le seul territoire français.

À ce sujet, j'ai pensé que la commission des affaires économiques, lorsqu'elle aura un peu plus de temps et de moyens, pourrait travailler à une expertise de la ventilation des coûts d'approvisionnement sur la plaque européenne. On a là un sujet d'une opacité totale. Or l'approvisionnement pèse tellement lourd dans le prix du gaz qu'on ne peut pas faire l'impasse sur cette réflexion.

Par ailleurs, et M. le ministre l'a aussi indiqué, nous vivons à une époque où, avec l'exploitation du gaz de schiste aux États-Unis et la modification du mix électrique en Allemagne, pour ne parler que de ce pays voisin, le gaz a une place qu'il n'avait pas forcément au moment où on a légiféré à ce sujet dans notre pays.

Encore une fois, je pense que ce débat est plutôt bienvenu. Je considère la proposition de loi qui nous est présentée comme une proposition d'appel, inscrite dans une réflexion globale. Le Gouvernement nous dit qu'il y réfléchit et je l'en remercie, parce que nous ne pouvons pas rester dans cet imbroglio et dans cette opacité pendant une période aussi longue que celle que nous avons déjà connue. À la sortie, nous nous retrouvons avec des factures très lourdes, et je pense que les opérateurs ne sont pas toujours en situation de paupérisation.

Merci, donc, d'avoir ouvert ce débat. Bien évidemment, la commission n'a pas adopté le texte. Je pense que tout le monde a bien compris qu'on ne peut pas traiter cette question au détour d'une simple proposition de loi. Mais les propositions de loi sont là aussi pour que nous puissions anticiper sur des débats ultérieurs, qui nous amèneront, je l'espère, à trouver des solutions durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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