Intervention de Michel Godet

Réunion du 26 novembre 2014 à 14h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Michel Godet, économiste, membre de l'Académie des technologies :

Les statistiques sont évidemment toujours discutables, mais on a avancé dans ce domaine. Celles de l'OCDE semblent difficiles à interpréter, sauf sur les tendances de long terme.

Il faut bien sûr tenir compte de la structure d'âge dans les comparaisons. Avoir beaucoup d'enfants est un atout pour autant qu'on les éduque bien : or les résultats de PISA laissent à désirer. Personne n'établit de lien entre le fait qu'on ait 25 % de naissances d'origine immigrée et 25 % de jeunes au chômage : or ceux qui sont en échec scolaire sont plus souvent au chômage et issus de quartiers où l'on concentre les handicaps au lieu de les diluer. Il faut à cet égard un État fort avec des services publics qui ne soient pas à mi-temps !

Cela dit, je n'ai pas voulu dire que les fonctionnaires étaient à mi-temps en tant que tels ! Reste qu'une personne de ma famille, qui est médecin dans une agence régionale de santé (ARS), n'arrive pas, sur les quinze personnes qu'il dirige, à en avoir deux de permanence à la Toussaint, certains se mettant même en arrêt de travail. J'ai tous les jours des exemples de ce type, avec pour instruction de la hiérarchie de ne pas faire de vagues.

Si les crèches privées sont par exemple deux fois moins chères que les crèches publiques, c'est parce qu'elles ont moins d'absentéisme et que les secondes fonctionnent aux deux tiers de leur capacité.

Cela ne me dérange pas qu'il y ait un statut des fonctionnaires, mais à condition de pouvoir les manager. On pourrait tout à fait avoir à la place, comme en Suède, un contrat à durée indéterminée, au nom de l'égalité de traitement de tous les citoyens. Il y a trop de gens intouchables dans notre pays.

La Grande-Bretagne, qui a une population aussi jeune que la nôtre, avec un taux de 2,2 enfants par femme comme chez nous, a 4 millions de travailleurs occupés en plus et 2 points de taux de chômage en moins. Elle a d'ailleurs réduit de 500 000 le nombre de fonctionnaires.

Il y a donc sans doute du « gras » dans le mammouth, mais personne n'ose s'y attaquer et on ne peut réduire la dépense publique sans le faire. Dans les collectivités territoriales, le nombre de fonctionnaires est ainsi passé d'1 million à 1,8 million depuis 1980. Or seuls 20 % d'entre eux seraient dus, selon la Cour des comptes, au transfert de compétences de l'État – le reste étant lié au clientélisme.

Madame Le Callennec, on va attribuer le Grand prix des bonnes nouvelles à la communauté du pays de Vitré, qui a 5 % de chômeurs et 42 % d'emplois industriels. Notre pays est trop jacobin. Je l'ai dit à M. Ayrault : arrêtez d'imaginer d'en haut des choses qui ne marchent pas, comme les emplois d'avenir, sans avenir ! Des rapports de la DARES ont montré que ces emplois dans le public ne débouchaient pas sur l'acquisition d'une véritable compétence. D'ailleurs, plus on a de contrats d'avenir, plus les titulaires se permettent d'être absents puisqu'il y a des remplaçants.

À Dijon, le groupe ID'EES prend des personnes envoyées par Pôle emploi qui sont inemployables, pour 6 000 euros par personne, et il les remet en selle dans l'emploi marchand en neuf mois ; au bout d'un an, cela rapporte deux fois plus à la collectivité en termes de charges. Mais on n'a pas la modestie de regarder ce qui marche dans la France d'en bas et de le reproduire, plutôt que d'imposer d'en haut un système qui ne marche pas, comme les 35 heures.

De même, les hôpitaux et cliniques privés représentent 25 % de la capacité d'accueil, 40 % des personnes traitées et 17 % des coûts. Cela est encore une fois lié à l'absentéisme, qui est du simple au double entre le privé et le public. Il s'agit d'une question de motivation au travail et de management.

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