Pour répondre à votre remarque sur notre « corporatisme », je dirais que la raison d'être d'un syndicat professionnel est de défendre les intérêts de ses membres.
La hausse du coût de l'énergie et l'évolution du marché du bâtiment sont deux phénomènes différents, comme vous le soulignez à juste titre. Cela étant, leurs effets cumulés lourdement pénalisent nos entreprises.
La concurrence internationale peut engendrer des importations ou des délocalisations. La France importe entre 15 % et 20 % de sa consommation de ciment : soit de pays voisins comme la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne sous forme de produit fini arrivant essentiellement par voie terrestre ; soit de pays plus éloignés comme la Turquie, sous forme de clinker, un produit intermédiaire.
Dans le premier cas, la structure de coût est extrêmement importante. Le fait que le coût de l'énergie électrique soit inférieur de 30 % en Allemagne représente un handicap pour notre industrie, d'autant plus que l'énergie thermique pèse également très lourd dans la structure de coûts de l'industrie cimentière. Pour des raisons économiques et écologiques, notre industrie tend à remplacer les combustibles traditionnels que sont le charbon et le coke de pétrole par des substituts qui sont très souvent des déchets d'autres industries : ces derniers coûtent moins cher et ils offrent l'avantage de ne pas entraîner d'émissions directes de CO2. Les substituts représentent désormais 30 % des coûts énergétiques thermiques des cimenteries françaises mais ce ratio atteint 60 % en Allemagne, pays qui est en avance en termes de capacités, d'autorisations d'installations et aussi d'acceptation par les riverains. Car le fait que ces combustibles de substitution soient définis comme des déchets peut provoquer des réticences à proximité de nos usines. Quoi qu'il en soit, le coût de l'énergie est un élément qui nuit à la compétitivité de la France par rapport à certains pays limitrophes.
En matière de la délocalisation, nos groupes peuvent être tentés d'aller s'implanter dans des pays non soumis à des quotas de CO2, comme la Turquie qui représente déjà des flux assez significatifs d'importations de clinker sur le territoire français. Ce produit intermédiaire arrive par bateau et les ports s'adaptent : trois projets de centres d'importation de clinker sont en cours, deux au Havre et un autre à Fos-sur-Mer. Le clinker est broyé pour produire du ciment et il se substitue à la production nationale de nos groupes. Ces centres d'importation fonctionnent avec un effectif de vingt à trente personnes alors que nos usines emploient entre 130 et 150 salariés.
Nos entreprises sont confrontées à un double phénomène – des coûts d'énergie plus élevés en France, des délocalisations de la production et des émissions de CO2 hors territoire européen – donc leur capacité à maintenir les emplois sur notre territoire s'en trouve affectée. Une augmentation du coût de l'énergie électrique en France ne fera qu'accroître l'écart de compétitivité avec nos concurrents, donc les risques de délocalisations et d'importations.