Intervention de Jérôme Lambert

Réunion du 3 décembre 2014 à 9h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Lambert, rapporteur :

Bernard Deflesselles a déjà presque tout dit, comme à son habitude… Mais nous travaillons ensemble depuis longtemps en excellente harmonie. On ne peut malheureusement pas en dire autant des négociations sur le climat, qui ont toujours été difficiles. Toutefois, la communauté internationale a pour objectif de parvenir à Paris, en décembre 2015, à un accord universel crédible, engageant tous les pays du monde, alors que le protocole de Kyoto n'engageait que certains pays développés.

La conférence de Lima prépare le futur accord de Paris en se penchant sur ses diverses composantes. Il est convenu que cet accord devra définir des règles et fixer des points de rendez-vous pour réévaluer et corriger les trajectoires. À cette fin, les États présenteront pour la période qui débutera à compter de 2015 leur contribution nationale à la lutte contre le réchauffement climatique. L'objectif est de rassembler ces contributions avant la fin du premier semestre 2015 pour préparer dans de bonnes conditions la conférence de Paris.

Celle-ci devra établir un plan pour revenir à une élévation de la température de deux degrés Celsius. La trajectoire de ce plan, qui sera partagé par les gouvernements, les collectivités et les entreprises, fera l'objet de rendez-vous quinquennaux visant à s'assurer de son respect.

Sur le plan juridique, l'accord pourra prendre des formes très diverses, qui ne sont pas encore arrêtées. Il pourrait n'être contraignant que sur le plan des procédures, en imposant une obligation de présenter des résultats et de se plier à des mesures de vérification. Il marquerait ainsi une première étape vers la définition de nouveaux objectifs à l'horizon de 2050. Certaines idées émergent : les Brésiliens proposent de classer les pays en cercles concentriques correspondant à l'ampleur de leurs engagements. Dans le cercle intérieur seraient réunis les pays qui s'engagent clairement à réduire leurs émissions – c'est le cas des États membres de l'Union européenne. Le cercle le plus éloigné du centre comprendrait les États qui n'adoptent aucune mesure particulière contre le changement climatique. Au terme de l'accord, chaque pays devrait être incité à se rapprocher du centre : cette idée permet de concevoir la distinction binaire entre pays riches et pays pauvres dans une perspective qui tienne compte des réalités actuelles, qui sont appelées à évoluer.

Parallèlement, l'accord sino-américain semble ouvrir de nouvelles perspectives. La Chine et les États-Unis, qui sont les principaux émetteurs de gaz à effet de serre, sont parvenus le 12 novembre dernier à un accord visant à réduire leurs émissions – ils totalisent à eux deux 42 % de ces émissions. La Chine, qui est le plus gros émetteur du monde, s'est fixée pour objectif d'atteindre le pic de ses émissions autour de 2030, avec l'intention d'essayer d'y arriver plus tôt. C'est la première fois que ce pays prend un tel engagement. De leur côté, les États-Unis promettent une réduction de 26 % à 28 % de leurs émissions d'ici à 2025, mais en prenant pour référence l'année 2005 et non 1990 comme l'Union européenne. Les promesses des États-Unis sont donc beaucoup moins contraignantes qu'il y paraît : ramené à l'année 1990, l'effort de réduction ne dépassera pas 8 % à 10 %, contre 40 % pour l'Europe.

Le secrétaire général des Nations unies, M. Ban Ki-moon, a cependant salué cet accord comme une importante contribution au nouvel accord sur le climat qui doit être signé l'an prochain à Paris et a appelé toutes les grandes économies à suivre l'exemple de la Chine et des États-Unis.

Se pose enfin la question du contrôle et de la vérification des engagements pris. Lors de la conférence de Paris, il ne suffira pas de parvenir à un premier accord climatique mondial : encore faudra-t-il s'assurer du respect de leurs objectifs par les États. Je tiens en effet à rappeler que les seuls pays, ou presque, qui aient tenu les engagements qu'ils avaient signés à Kyoto sont les pays européens. Le Japon, le Canada ou l'Australie ont explosé les plafonds sur lesquels ils s'étaient engagés. C'est dire si la question du contrôle et de la vérification est essentielle.

Si le premier objectif est la conclusion d'un accord, le deuxième réside dans l'engagement des États à proposer un plan en faveur du climat pour 2025-2030 qui se décline en différentes politiques : politique climatique, fiscalité pour les États qui recourront à la taxe carbone, marché du carbone, transports publics, innovations technologiques. Pour chaque État seront pris en considération, d'une part, les engagements pris au regard de leurs pairs en matière de réduction des émissions, d'autre part, le corps des politiques déployées.

La conférence de Varsovie est parvenue à baliser le chemin vers la conférence de Paris : la route sera longue et difficile. De nombreuses questions restent encore sans réponse et appellent à un niveau élevé d'engagement politique. Les États sont tous convenus d'un calendrier pour élaborer et soumettre de nouveaux engagements de réduction des émissions, bien en amont de la conférence de Paris, à savoir dès le premier trimestre 2015 pour les parties qui seront prêtes.

Bien que vague, ce calendrier est important, car il envoie un signal fort. Les pays doivent commencer à préparer leur offre pour Paris. Le plus important est que les engagements arrivent suffisamment tôt pour pouvoir être évalués avant la conférence de Paris.

Après la conférence de Lima, se tiendra, en juin 2015, comme c'est l'habitude, une session de négociations à Bonn. De son côté l'ONU organisera en 2015 un sommet visant à déterminer les prochains objectifs du millénaire pour le développement (OMD).

Autre question cruciale, celle du financement de ces politiques. À Copenhague, puis à Cancun, les pays développés s'étaient engagés à verser une aide publique immédiate, dite fast start, de 30 milliards de dollars, de 2010 à 2012, puis à augmenter progressivement ce montant à 100 milliards annuels d'ici à 2020. La crise économique et ses effets ont conduit les pays développés, compte tenu de leurs contraintes budgétaires, à oublier cette promesse. Or les négociations de Varsovie ont montré à quel point le financement était une question essentielle : la première capitalisation du Fonds vert pour le climat devra « atteindre un niveau très significatif », a précisé le texte final adopté à Varsovie, toutefois sans préciser lequel. La réponse précise à cette question devrait être donnée à la conférence de Lima, où cette nouvelle institution décidée en 2009 à Copenhague remettra son premier rapport annuel.

La France a annoncé son intention de contribuer au Fonds vert à hauteur de 1 milliard de dollars sur quatre ans. Il en est de même de l'Allemagne. Plusieurs annonces de pays européens, notamment la Suisse, la Suède, la Norvège, la République tchèque ou encore la Corée du Sud, ont porté le montant global des engagements à quelque 3 milliards de dollars. Le 15 novembre dernier, le président des États-Unis a promis en marge du G20 de Brisbane une contribution de 3 milliards de dollars. De son côté le Japon en a annoncé une de 1,5 milliard. Le Royaume-Uni devrait faire de même. Le Canada en a également annoncé une, sans toutefois avancer de chiffre.

L'objectif annoncé d'obtenir 10 milliards de dollars avant la fin de l'année semble donc en passe d'être atteint. Reste qu'il faudra en trouver dix fois plus dans quelques années, et pas seulement du côté des seuls États ; les entreprises notamment devront contribuer au Fonds vert.

La protection du climat et la croissance économique peuvent aller de pair, comme l'a rappelé Bernard Deflesselles. La tentation est récurrente en effet de réduire les financements destinés à lutter contre le changement climatique en raison de la crise économique. Le dernier rapport de la Commission mondiale pour l'économie et le climat, intitulé « Une meilleure croissance, un meilleur climat », démontre qu'il est dès à présent possible de réduire les émissions de carbone tout en améliorant les performances économiques.

Bernard Deflesselles et moi-même suivons depuis six ans les différentes étapes des négociations sur le climat. Nous avons établi de nombreux contacts et rencontré des parlementaires et des membres de gouvernements du monde entier, de façon à comprendre autant les mécanismes qui permettent de réaliser des progrès que ceux qui bloquent les négociations. Notre rapport a pour but de vous informer de l'état d'avancement des enjeux. Nous nous rendrons à Lima la semaine prochaine.

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