Intervention de Général Jean-François Parlanti

Réunion du 3 décembre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-François Parlanti, directeur du centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentations :

La doctrine de l'OTAN est pour nous une référence, car des réflexions de haut niveau et utiles y sont menées. Elle est aussi le produit d'un consensus entre les nations. Or celles-ci ne conduisent pas les mêmes opérations, ni n'ont toujours les mêmes intérêts concernant la gestion des crises. Elles ne possèdent pas non plus la même expérience et donc parfois le même niveau de connaissance et de maîtrise dans un certain nombre de domaines. Il peut donc y avoir des divergences. Il existe aussi des spécificités propres à chaque pays. C'est le cas pour la France : nous avons une organisation particulière très optimisée et « interarmisée », souvent très en avance en termes d'intégration des processus notamment sur le plan logistique. Nous avons aussi des spécificités en termes de droit, de type d'unité comme par exemple celle tenant à notre gendarmerie. Par ailleurs, nous veillons à la préservation de notre souveraineté, notamment en matière de renseignement afin de conserver notre liberté d'appréciation de situation et de décision. Ces particularismes justifient des compléments particuliers en matière de doctrine.

En termes d'influence, le colonel Peugnet ici présent, qui est le sous-directeur doctrines du CICDE, consacre beaucoup de temps avec ses équipes au sein des groupes de travail de l'OTAN à élaborer la doctrine de cette organisation et à faire valoir nos vues, de manière à bénéficier aussi d'une interopérabilité la plus compatible avec nos approches. À défaut, nous en restons à des compléments français que ses équipes rédigent avec les armées. En tout cas, nous exerçons, depuis notre retour dans le commandement intégré, une influence bien supérieure. Nous nous rendrons d'ailleurs la semaine prochaine aux États-Unis au sein du commandement de la transformation de l'Alliance actuellement sous les ordres du général Paloméros, pour confronter nos approches avec nos partenaires lors de la conférence annuelle sur la transformation. J'ajouterai que nous jouissons aujourd'hui d'une écoute et d'une capacité d'influence très solides grâce à notre crédibilité opérationnelle démontrée au quotidien, ce qui intéresse les nations ayant des moyens plus proches de notre échelle. S'agissant d'une doctrine civilo-militaire, nous avons un centre interarmées d'action civilo-militaire, qui a aussi une responsabilité en matière d'opérations d'information. Nous avons plusieurs doctrines permettant de lutter, non contre le terrorisme, mais contre les leviers qu'utilisent les organisations terroristes. Il convient de trouver un équilibre cohérent entre l'action « dynamique » comme les bombardements et les actions sur les perceptions. Par exemple, contrer Daech, nécessite aussi d'être en mesure d'agir sur les leviers utilisés par celui-ci, notamment pour diffuser sa propagande et renforcer sa capacité à recruter.

La cyberdéfense est évidemment un sujet important : nous avons un officier général, l'amiral Coustillière, chargé des actions du champ cybernétique en lien direct avec le CPCO, et le domaine est en pleine expansion dans nos armées et au sein du ministère. L'OTAN travaille surtout sur le volet défensif de la sécurité des systèmes d'information face aux cyberattaques. En effet, c'est un domaine, vous le savez, qui est particulièrement sensible, et l'approche adoptée pour en traiter les différents aspects reste encore naturellement prioritairement nationale. Pour ce qui concerne l'action sur les perceptions, nous avons récemment élaboré une doctrine interarmées pour le domaine des opérations d'information.

Concernant nos écoles de formation, nous prenons en compte l'ensemble de l'éventail des menaces potentielles et du spectre de nos missions. Comme je l'ai dit dans mon propos liminaire, les opérations en cours ne constituent pas la seule finalité de l'outil de défense. De même, il convient de ne pas oublier les méthodes propres aux engagements de plus grande voire de haute intensité. Il ne faut donc pas s'en tenir aux guerres asymétriques ou hybrides, car dans l'hybridité, il peut y avoir une part symétrique conventionnelle avec le déploiement de blindés lourds parallèlement à celui de forces spéciales ou légères.

On parle toujours d'asymétrie en notre défaveur, utilisée par nos adversaires pour contourner ou niveler notre supériorité grâce notamment aux technologies du marché allant des réseaux sociaux aux engins explosifs improvisés tout en n'hésitant pas à l'utilisation de la population environnante pour nous interdire l'usage de la force. Mais, nos adversaires sont donc aussi avant tout confrontés à une asymétrie technologique en notre faveur. Il nous faut donc conserver cette supériorité, notamment pour savoir, pour distribuer simultanément des effets contraignant loin de nos bases, pour discriminer les cibles, pour évaluer nos actions ou encore protéger nos forces lorsque celles-ci sont au contact, sans oublier pour être en mesure de commander. Revenant sur l'enseignement dans nos écoles, le temps y est précieux pour faire s'approprier par nos futurs chefs militaires leur culture, celle des opérations. À ce titre, le Retex y a toute sa place, car c'est souvent lui qui facilitera la compréhension de la doctrine à partir des exemples du terrain.

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