Intervention de Général Jean-François Parlanti

Réunion du 3 décembre 2014 à 9h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général Jean-François Parlanti, directeur du centre interarmées de concepts, de doctrines et d'expérimentations :

Il est évident que nous avons pris en compte l'expérience afghane dans les opérations menées au Mali. L'Afghanistan nous a replacés face à une réalité et un adversaire redoutables : nous avons en conséquence intégré le Retex, notamment en matière d'entraînement et d'équipement, et nous continuons de le faire, sachant que les opérations en Afrique comportent aussi quelques différences. Il convient aussi de nous adapter à toute évolution des formes de menace.

Ce que font nos partenaires nous sert également. Comme je l'ai dit, nous recevons beaucoup de délégations étrangères. Monsieur Guilloteau, tous les jours, le colonel Le Bouil ici présent et en charge du pilotage du Retex, tient compte des opérations en cours. Mais il faut aussi faire preuve du recul suffisant et mettre les informations en perspective. Le CICDE est connecté aux systèmes d'information reliés aux CPCO et aux opérations, et nous avons nos entrées partout, et notamment à la DRM.

S'agissant du lien avec la logistique, nous avons fait d'énormes progrès. L'empreinte logistique est toujours synonyme de volumes, de stocks, souvent donc de zones où entreposer le matériel, les vivres, l'eau ou les rechanges, d'infrastructures, de vecteurs pour assurer les flux au sein de convois. Pour incontournable qu'elle soit dès lors qu'il y a force au sol (terrestre, aérienne notamment), elle est donc souvent redoutée pour sa potentialité de pesanteur, de lenteur et de prévisibilité. Or, il s'agit désormais de faire effort sur la surprise, sur la capacité à reconfigurer rapidement une force pour l'adapter à une mission nouvelle donnée en cours de déploiement ou de mandat, sur la recherche de souplesse et la faculté de réversibilité. Nous travaillons sur ces points grâce notamment aux expériences d'Afghanistan et du Mali. L'analyse des enseignements a permis une révision de la doctrine et de l'organisation logistique. Je peux citer le regroupement des deux entités interarmées en charge de la logistique et des déploiements en un seul commandement du soutien des opérations et des acheminements (CSOA) permettant d'optimiser et de fluidifier les flux, la mise en place du groupement de soutien interarmées de théâtre (GSIAT) pour organiser les fonctions logistiques de manière plus souple, ou encore l'approche rénovée en matière de sauvetage au combat des blessés par le service de santé des armées (SSA). Notre désengagement en Afghanistan, qui s'est effectué efficacement et proprement en un peu plus d'un an, a également été source d'enseignements. Je rappelle à cet égard que pour un engagement d'un volume semblable au Mali, cela ne prit que trois à quatre semaines.

Il est important pour nos forces de disposer de matériels homogènes entre les forces pré positionnées et celles de métropole. Le concept RECAMP visant à faciliter l'appropriation par les Africains des enjeux de sécurité sur leur continent et à favoriser leur participation aux opérations de maintien de la paix, comme les moyens pré-positionnés qui y sont consacrés, conservent toute leur pertinence. Toutefois, afin de nous adapter aux nouvelles réalités financières, sécuritaires et organisationnelles d'une part, et pour répondre aux véritables besoins de nos partenaires, d'autre part, une réorganisation du concept et des parcs devrait intervenir d'ici début 2016. Par ailleurs, l'Europe s'est approprié ces problématiques via le concept EURORECAMP de partenariat entre l'UE et l'UA, au travers des cycles d'entraînement AMANI AFRICA.

J'ai rappelé dans mon propos la nécessité de coordonner et de compléter les actions militaire et civile : on peut travailler longtemps à la sécurisation, mais s'il n'y a pas de normalisation avec le retour à l'État de droit et à la confiance, cela reste vain. Le Livre blanc a fait des recommandations nationales en matière d'approche globale et de gestion de crise. Nous nous efforçons de coordonner nos actions, qui relèvent du volet « sécurité » de l'approche globale, avec celles des volets « développement » et « gouvernance », qui sont du ressort d'acteurs civils. Cela passe essentiellement par la fonction de coopération civilo-militaire, et par les relais que constituent nos ambassades.

S'agissant de Daech, nous sommes face à une menace asymétrique mais qui cherche à terme une certaine symétrie, puisqu'il veut s'étatiser. Cependant, actuellement avec les bombardements, nos adversaires cultivent l'asymétrie en cherchant notamment à se confondre avec la population civile ou les milices opposées. Il n'est donc pas si simple de vouloir détruire cette « armée » dans un combat frontal. Il faut analyser leurs leviers, qui ne sont pas seulement militaires, mais sur lesquels les militaires peuvent néanmoins peser. Daech n'aura de succès que s'il convainc la population qu'il est meilleur sur le plan du développement économique et social que le gouvernement précédent. Je rappelle que les flux dont il a besoin ne sont pas simplement constitués de combattants, mais aussi de « matière grise » afin de conduire des actions d'influence lors de la phase de stabilisationretour à la normale.

La situation est plus compliquée s'agissant de la bande sahélo-saharienne, car on y trouve plusieurs entités différentes, avec des objectifs plus diffus.

S'agissant des centrales nucléaires, qui présentent déjà par conception un excellent niveau de robustesse technique, des mesures de protection particulière ont déjà été décidées par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, en charge de cette question, et la réflexion se poursuit en urgence s'agissant des meilleures parades à mettre en oeuvre. Les armées contribuent actuellement aux mesures par un dispositif d'alerte avec des radiogoniomètres et des patrouilles d'hélicoptères.

Quant aux cas de sabotage ou d'attaque terroriste sur les centrales, ils relèvent en premier chef de la responsabilité du ministère de l'Intérieur et de celle de l'exploitant, même s'il peut y avoir un appoint militaire – la règle étant que, sur le territoire national, le moyen militaire vient, lorsque la nécessité est avérée, suppléer le moyen civil lorsque celui-ci fait défaut. Cela n'empêche pas de mener des réflexions dans un cadre interministériel, notamment s'agissant des contributions possibles des armées pour la protection des populations.

La cybernétique est, comme la dissuasion nucléaire ou le renseignement, un sujet sensible relevant de la souveraineté nationale. L'OTAN est en train d'élaborer une doctrine, axée sur l'aspect défensif. La France, notamment sa défense, est en avance en la matière.

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