C'est un grand plaisir pour moi de me retrouver ce matin devant la Commission des affaires européennes. J'y avais été convié il y a quelques années en tant que ministre des affaires européennes.
Mais c'est aujourd'hui en ma qualité de président de la Banque européenne d'investissements que vous m'avez invité. Je suis venu accompagné du vice-président Philippe de Fontaine Vive, qui est notamment chargé de nos opérations en France et dans la région de la Méditerranée, ainsi que des prêts à l'innovation et aux nouvelles technologies.
Comme vous le savez, la BEI est la banque de l'Union européenne. Appartenant à ses vingt-sept États membres, elle joue un rôle fondamental dans le fonctionnement de l'économie européenne, en finançant aussi bien les infrastructures de transport ou d'énergie que les petites et moyennes entreprises ou les centres de recherche et de développement de l'Union. Un quart des efforts de la BEI vont au climat et à l'environnement.
Il est d'autant plus naturel de se tourner vers la BEI pour trouver des moyens de sortir l'Europe de la situation économique difficile dans laquelle elle se trouve, que la banque est prête à soutenir les projets qui contribueront de manière durable à la croissance, à l'emploi et à la cohésion régionale de l'Europe.
La BEI a été créée en 1958. Son siège a été installé à Luxembourg dix ans plus tard, en 1968. Depuis sa création en vertu du traité de Rome, la BEI a consenti plus de 500 milliards d'euros de prêts à l'Europe, dont plus de 200 milliards au cours des trois dernières années. Cette augmentation importante du volume de nos prêts est la conséquence directe de la crise financière qui a traversé l'Europe à la suite de l'effondrement de Lehman Brothers en 2008. Les banques étant affaiblies, c'est toute l'économie européenne qui s'est trouvée affectée par la diminution drastique des crédits et des investissements. La BEI est intervenue en soutenant les secteurs les plus durement touchés, comme l'industrie automobile et les PME. En France, cette action s'est traduite par une augmentation temporaire du volume de nos prêts qui ont atteint 6,3 milliards d'euros en 2009, avant de revenir à quelque 5 milliards d'euros en 2010 et 2011. Cette diminution du volume des activités est intervenue au moment où une action inverse, contra-cyclique, aurait dû être menée.
Je suis convaincu que la BEI a un rôle à jouer dans la relance de l'économie européenne. Nos actionnaires – les États membres – l'ont, semble-t-il, compris puisqu'ils nous ont demandé dans le cadre du Pacte de croissance adopté par le Conseil européen de juin dernier d'accroître le volume de nos prêts en faveur des projets créateurs d'emplois et de croissance.
À cette fin, ils ont décidé d'augmenter le capital de la BEI au travers d'une contribution financière de 10 milliards d'euros – 1,7 milliard d'euros pour la contribution de la France. Cette somme est impressionnante. En effet, si l'assise financière de la banque atteint 232 milliards d'euros, malheureusement, 11 milliards seulement sont vraiment payés. La décision du Conseil européen du mois de juin permettra donc de doubler le capital payé. C'est un pas remarquable, qui nous permettra de mener de nouveau notre mission contra-cyclique.
Grâce à cette augmentation de capital, nous pourrons accroître le volume de nos prêts sur trois ans de quelque 60 milliards d'euros, lesquels devraient engendrer sur la même période quelque 180 milliards d'euros d'investissements supplémentaires.
Notre activité en France devrait atteindre les 7 milliards par an au cours des prochaines années.
Pour pouvoir prêter de tels montants, la BEI doit être en mesure de se financer sur le marché des capitaux. L'année dernière nous avons emprunté 76 milliards d'euros auprès des investisseurs, dont près de la moitié n'étaient pas européens, ce qui fait de la BEI le plus gros émetteur non souverain au monde. Grâce à notre triple A, nous pouvons nous financer à des taux attractifs, que nous répercutons dans une large mesure sur nos emprunteurs.
Si la valeur ajoutée par la BEI est donc principalement financière – les taux d'intérêt et les maturités de nos prêts sont plus favorables que ceux des banques commerciales –, elle tient également à la qualité de l'expertise de nos équipes et aux excellentes relations que nous entretenons avec les autres institutions européennes ainsi qu'avec les institutions financières des États membres. Nous sommes en mesure de conseiller nos emprunteurs, de les aider à monter des projets rentables et de les accompagner dans leurs démarches afin d'obtenir des financements sur les fonds structurels auprès de la Commission européenne.
Les États membres nous ont également demandé de lancer en coopération avec la Commission européenne une phase pilote de financement de projets par émission d'obligations. Cette initiative, connue sous le nom project bonds initiative, a pour objectif d'attirer des investisseurs institutionnels, tels que les compagnies d'assurance ou les fonds de pension, afin qu'ils affectent une partie de leurs ressources à long terme au financement de projets d'infrastructures de grande dimension, dans le secteur des transports, de l'énergie et des réseaux à haut débit.
Je tiens à préciser qu'il ne s'agit en aucun cas d'eurobonds. Les project bonds ne sont pas des obligations communes émises par la Commission ou la BEI : ce sont des obligations émises par une société chargée de réaliser et d'exploiter un projet particulier et qui sont souscrites par des investisseurs institutionnels, du fait qu'elles bénéficient d'un rehaussement de crédit, une garantie fournie conjointement par la BEI et la Commission européenne.
La Commission a affecté à cette phase pilote une enveloppe de 230 millions d'euros, qui nous permettra d'émettre des garanties en faveur de projets prioritaires à hauteur de 4 milliards d'euros.
La France bénéficiera largement de cette initiative : plusieurs projets susceptibles d'être financés par les project bonds y ont déjà été identifiés.
La BEI est prête à jouer son rôle d'institution financière de l'Union européenne et à financer les secteurs de l'économie qui lui paraissent les plus susceptibles de créer les emplois de demain et de générer une croissance durable.
Elle ne saurait toutefois représenter la solution à tous les problèmes. Des réformes structurelles sont nécessaires pour améliorer la compétitivité de nos économies. Le sujet est d'actualité en France.
La discipline budgétaire et la maîtrise des dépenses publiques sont également indispensables pour remettre l'économie européenne sur les rails. Nous avons toutes les cartes en main : la BEI est un atout méconnu, qui ne demande qu'à être utilisé de manière astucieuse par nos dirigeants.