Intervention de Werner Hoyer

Réunion du 7 novembre 2012 à 8h30
Commission des affaires européennes

Werner Hoyer, président de la Banque européenne d'investissement, BEI :

Avant d'entrer dans le détail de vos questions, je tiens à faire des remarques d'ordre général.

C'est au mois de décembre 2011, alors que je défendais au Bundestag le projet de budget du ministère des affaires étrangères, que j'ai appris ma nomination à la présidence de la BEI. Les députés m'ont alors félicité pour ma nomination à Londres, confondant la BEI avec la Banque européenne pour la reconstruction et le développement – BERD. C'est dire combien la BEI, qui a son siège à Luxembourg, est insuffisamment connue de la plupart des députés.

La BEI a été fondée en 1958, l'année de l'entrée en vigueur du traité de Rome, à l'initiative des ministères français et allemand des finances, en vue de développer un plan Marshall pour l'Italie. Son objet est d'assurer les financements à longs termes de projets importants mais difficiles à financer sur les marchés internationaux. Elle accompagne les objectifs de la construction européenne inscrits dans les différents traités européens, de celui de Rome à celui de Lisbonne. La banque a pour mission essentielle de permettre la convergence des économies européennes. La solidarité, qui est notre objectif premier, passe par la promotion des régions les plus faibles sur le plan économique.

Nous devons toutefois être prudents vis-à-vis de nos actionnaires. Nous ne sommes ni la banque de la zone euro ni celle des cinq pays qui définissent les programmes. Nous sommes la banque des vingt-sept pays membres de l'Union européenne. Pourquoi augmenter le capital de la BEI, m'a-t-on demandé à Stockholm ou à Londres, si c'est uniquement pour financer des projets à destination de la Grèce ou de l'Espagne ? Il faut trouver un équilibre. L'objectif de la convergence est d'aider les régions défavorisées en s'y montrant particulièrement actif, sans perdre de vue l'équilibre général, lequel est difficile à trouver. C'est pourquoi la réciprocité est une question délicate.

Il est indispensable, pour une banque qui est obligée de se refinancer sur les marchés des capitaux, de monter des projets dans chacun des pays européens, même si elle doit se pencher plus particulièrement sur les pays qui connaissent des faiblesses structurelles. Nous ne saurions donc nous laisser imposer des critères de quotas. Trop souvent, dans l'histoire de l'Union européenne, on a parlé de juste retour et de quotas. De tels critères nous interdiraient de répondre à notre objectif premier qui est la solidarité.

Si la BEI a pu augmenter son capital, c'est que les pays membres ont compris que la banque avait consenti des efforts considérables après l'effondrement de Lehman Brothers, grâce aux économies qu'elle avait thésaurisées.

Il faut savoir que la banque, sur décision imposée par le Conseil des gouverneurs, a dû diminuer au cours des deux dernières années le volume des crédits accordés, alors même qu'il eût été préférable de mener une action contra-cyclique en soutenant un plus grand nombre de projets après la faillite de Lehman Brothers et la crise des dettes souveraines. Malheureusement, à l'époque, la situation politique européenne ne le permettait pas. Sur les 232 milliards de capital de la banque, seulement 11 milliards étaient versés, auxquels s'ajoutaient les bénéfices des quinze dernières années d'activité, la BEI, qui ne distribue pas de dividendes, ayant accumulé des profits. Toutefois, cette base ne nous permettait pas d'élargir notre portefeuille. J'ajoute que 10 % de nos activités sont réalisées à l'extérieur de l'Union européenne, en vertu de notre politique de développement que le Parlement européen nous demande de ne pas négliger.

La question des agences de notation n'est pas fondamentale. Si je ne suis pas ravi du pouvoir qu'elles exercent en Europe et dans le monde, je suis toutefois frappé par la compétence et le sérieux de leurs responsables.

Plus importante est la question du regard jeté par nos investisseurs sur nos projets. L'augmentation du capital de la BEI lui permettra de réaliser dans les années à venir 20 milliards d'investissements supplémentaires sur la base de ses ressources propres, ce qui l'autorisera à prêter au cours des trois prochaines années 180 milliards supplémentaires, dont le refinancement sur le marché des capitaux dépendra de la confiance des investisseurs dans la BEI. Nous devons nous montrer très prudents, notamment dans les critères qui président au choix des projets.

Le Conseil européen de juin dernier ayant contraint les pays membres et les banques à se soucier de la croissance et de l'emploi, il nous appartient de développer des actions en ce sens. Nous devons également contribuer à la réalisation des engagements de l'Union européenne dans le cadre des objectifs du millénaire en matière de lutte contre le réchauffement climatique. Ces objectifs, qui sont prioritaires, représentent quelque 25 % de nos programmes.

S'agissant de l'emploi et de la croissance, il est important de préserver un équilibre entre le court et le long termes. Si une réaction rapide du marché de l'emploi est nécessaire, elle doit également être durable. La capacité des pays de l'Union européenne en matière d'innovation est de ce point de vue essentielle : elle doit être accrue pour augmenter notre crédibilité sur les marchés économiques dans les années à venir. Il convient donc de soutenir la recherche et le développement et d'accompagner les entreprises dans les domaines innovants.

Les PME représentent un quart de l'activité de la BEI, laquelle en a soutenu, l'an dernier, quelque 120 000 dans toute l'Europe, ce qui est à la fois peu et beaucoup. La BEI travaille avec les banques nationales privées ou publiques pour aider, par exemple, les Pme du sud-est de l'Europe à exporter leurs produits sur le marché international. Notre tâche n'est pas de choisir entre les banques privées ou publiques et nous n'intervenons que lorsque le financement local est insuffisant. C'est le cas notamment des projets d'infrastructures à long terme, comme les grands réseaux de transports transfrontaliers, les réseaux de transport énergétique ou les réseaux à large bande, d'autant que les banques doivent désormais respecter les critères de Bâle III, ce qui est très difficile pour elles. Aussi la BEI est-elle particulièrement adaptée pour soutenir de tels projets.

La BEI a développé avec le Conseil, la Commission et le Parlement européens de nouveaux instruments pour assurer un meilleur écoulement des fonds structurels. Elle a également mis au point des instruments supplémentaires pour financer les grands projets d'infrastructures européens, comme les project bonds, qui reposent sur une volonté politique forte au service de l'Union européenne. Ils devront évidemment faire leurs preuves sur les marchés financiers : ils devront être acceptés par les investisseurs. Ces obligations sont émises par les acteurs de projets et la garantie est apportée par la Commission européenne et la BEI. Nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour que les project bonds fonctionnent, ce qui n'ira pas de soi car cet instrument subira la concurrence d'autres moyens de financement, comme les obligations classiques. Nous devrons donc persuader les investisseurs tant européens que non européens qu'il s'agit d'un instrument complémentaire de qualité. La BEI ira lever 80 milliards d'euros l'an prochain sur les marchés de capitaux. Comme il nous faut toucher un nouveau groupe d'investisseurs, la qualité de nos projets doit être exceptionnelle. Nous ne pouvons nous permettre aucun échec.

Je regrette que l'argument de la sécurité ait été à ce point mis en avant au cours de la première phase. Lorsque j'ai expliqué à différents chefs de gouvernements les projets de la Commission européenne en matière de project bonds, ils ont été déçus, notamment Mme Merkel ou M. Monti, qui souhaitaient que les project bonds aillent financer des projets transfrontaliers et les pays les plus en difficulté. Cela ne sera possible au cours de phase pilote que de façon limitée parce que la Commission européenne veut d'abord s'assurer du bon fonctionnement de ce nouvel instrument avant de le développer.

Je ne ferai aucun pronostic sur le nouveau cadre financier dont l'Union européenne a besoin pour monter de grands investissements. La situation est en effet si difficile qu'il ne faut s'attendre à aucune conclusion en la matière au Conseil européen de novembre. Nous allons rester quelque temps dans l'incertitude. Toutefois, il faut le savoir, faute d'accord, il sera impossible de s'attaquer à de grands projets, car, lors de l'adoption du budget, la question du financement de la croissance et de l'innovation se posera chaque année de la même façon. Vos collègues du Parlement européen vous le confirmeront, la situation est bloquée. La concurrence est très vive entre les réseaux de transports, les réseaux énergétiques et les réseaux à large bande et aucune décision n'a encore été prise. N'ayant aucune réponse à vous apporter, je me vois réduit à hisser le drapeau blanc.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion