Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du 10 décembre 2014 à 10h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin :

En effet ! Quoi qu'il en soit, merci, monsieur le président, pour cette excellente nouvelle qui réjouira les élus locaux.

Aux termes de la réforme territoriale de 2010 – qui, elle, avait été validée par le Conseil constitutionnel saisi par l'opposition de l'époque –, les sièges au sein des EPCI devaient être répartis soit à la représentation proportionnelle, soit par accord local dans la limite de 10 % du total des sièges.

La loi du 31 décembre 2012, qui est le résultat d'une première proposition de loi d'Alain Richard, est allée beaucoup plus loin en portant cette limite à 25 %. Elle avait été examinée le 19 décembre 2012, vers minuit ; j'avais d'ailleurs fait remarquer, en séance, que voter un tel texte à la va-vite n'était pas raisonnable et qu'il serait préférable d'adopter, sur la question de l'intercommunalité, une vision plus large. La loi a été promulguée sans que le Conseil constitutionnel ne se prononce. Mais une question prioritaire de constitutionnalité a été posée. Ces QPC, issues de la réforme de 2008, ébranlent notre sécurité juridique ; et même si le Conseil a posé des limites de temps, les choses vont parfois plus rapidement qu'on le croit, et c'est ce qui s'est produit dans l'affaire dite « commune de Salbris ».

Dans la décision n° 2014-405, le Conseil constitutionnel a donc jugé que la loi ne respectait pas le principe de proportionnalité : il y avait rupture d'égalité. Comprenant que cette décision pouvait bousculer un édifice déjà précaire, le Conseil avait prévu que cette décision ne s'appliquerait immédiatement que dans deux cas précis, dont le renouvellement partiel ou intégral du conseil municipal de l'une des communes concernées. Mais des cas de ce genre se sont produits plus vite qu'on ne le pensait, par exemple à la suite du décès d'un maire qui oblige à compléter le conseil municipal par une élection partielle et oblige à revoir, par voie de conséquence, la configuration de l'ensemble de l'organe délibérant de l'EPCI.

Ainsi, dans la Manche, des conseillers communautaires évincés après une nouvelle composition du conseil de la communauté de communes de l'agglomération saint-loise – qui doit passer, à la suite de cette décision et du renouvellement d'un conseil municipal, de 122 à 108 sièges – ont porté l'affaire devant le tribunal administratif, qui leur a donné raison, jugeant que la circulaire bricolée par le ministère de l'Intérieur ne tenait pas la route. Nous en sommes là, c'est-à-dire en grande difficulté. On ne peut pas encore parler de jurisprudence, puisque nous n'en sommes encore qu'au niveau du tribunal administratif, mais on voit que l'insécurité juridique est forte.

De bons équilibres locaux avaient été trouvés et faisaient l'unanimité. Le projet de l'agglomération était au centre des préoccupations ; la place de la ville centre, question délicate et légitime, était bien prise en considération, l'importance des villes alentour, souvent plus petites, reconnue. C'est tout cet équilibre, précaire, mais intelligent, qui a été mis à bas.

L'intérêt de cette proposition de loi est d'essayer de rétablir rapidement un cadre juridique stable et sûr – avant que les contentieux ne se multiplient et que les EPCI ne se trouvent totalement désorganisés : je peux vous assurer que certains ont su s'engouffrer dans la brèche pour essayer de regagner devant les tribunaux des présidences perdues devant les électeurs. Toutefois, cette proposition de loi ne présente pas, me semble-t-il, toutes les garanties constitutionnelles et juridiques nécessaires : j'examinerai avec attention les propositions du rapporteur.

Nous ne nous opposons donc pas frontalement à cette proposition de loi, qui va plutôt dans le bon sens, tant sur les équilibres dans les communautés de communes et les communautés d'agglomération que sur les pouvoirs de ces EPCI. Mais nous voulons être certains que le Conseil constitutionnel ne cassera pas à nouveau ce texte. Entre mars 2015 et le temps que la loi soit votée définitivement et promulguée, les nouveaux conseils ne seront pas opérationnels avant juin 2015 au mieux. Autrement dit, cela signifie une année d'instabilité. Veillons à réaliser collectivement un travail intelligent.

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