Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 9 décembre 2014 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Il me préoccupe que le projet de rapport ne reflète pas ce que nous avons entendu au cours des auditions. Je le confesse, c'est une grave défaillance de la procédure des commissions d'enquête parlementaires telles qu'elles sont définies par notre règlement.

Ce rapport est une sorte de petit livre rouge élevant les 35 heures en idéologie, et, quelles qu'elles soient, les idéologies sont dangereuses.

Il commence par ouvrir la polémique sur les créations d'emplois. Chacun sait que c'est la croissance dont a bénéficié la France dans les années 1997 à 2002 qui a été le facteur des créations d'emplois, pas les emplois aidés que vous saluez à plusieurs reprises dans votre rapport – vous avouez même que ce sont les 300 000 emplois-jeunes qui ont contribué à la baisse du chômage. C'est bien la croissance, l'activité, l'initiative d'entreprendre, de créer pour donner du travail, pour créer des richesses et les partager qui crée de l'emploi !

Il importe de revenir sur des éléments que ce rapport considère comme accessoires ou négligeables, telle la désorganisation du travail que chacun reconnaît et qui atteint son maximum à l'hôpital. M. Jospin lui-même l'a reconnu devant la Commission. L'hôpital français est dans une crise dont il ne se sort pas ; l'évolution de ses coûts n'est pas maîtrisée et posera de très graves problèmes, en grande partie en raison des 35 heures et de l'absence de réforme structurelle.

M. Jospin nous a également avoué le coût des 35 heures : 15 milliards d'euros par an, soit 225 milliards d'euros sur quinze ans ; cela représente 12 % de la dette souveraine. C'est considérable !

Aucun observateur sérieux n'écarte les 35 heures comme élément de la hausse du coût du travail. Même si le coût du travail n'est pas le seul facteur de la compétitivité d'une économie, il y participe fortement. Sinon, pourquoi y aurait-il des délocalisations dans bien des domaines de notre industrie ?

Les conditions de travail des cadres ont été évoquées assez rapidement. Pourtant, la modification du temps de travail a créé une pression qui empêche les cadres de travailler dans les meilleures conditions, et de consacrer toute leur ingéniosité à l'amélioration de la compétitivité de l'entreprise.

Enfin, il y a dans ce rapport une confusion absolue, une faute d'analyse profonde. Les lois Robien, sur lesquelles Mme Aubry s'est appuyée, étaient destinées à empêcher que des entreprises licencient et disparaissent. Qu'elles coûtent, c'était normal puisqu'elles permettaient d'éviter que des pans entiers de l'économie ne soient détruits et que des dizaines de milliers de chômeurs supplémentaires ne soient à déplorer. Vous faites l'amalgame avec les lois Aubry qui reposent seulement sur l'idéologie du partage du temps de travail comme moyen de diminuer le chômage. Or avec l'abaissement de l'âge de la retraite de soixante-cinq à soixante ans en 1982, la gauche a démontré que la réduction du temps de travail, au cours de la semaine, de l'année ou de la vie, n'était pas un facteur de réduction du chômage. Au contraire, elle a réduit les capacités, le savoir-faire, la compétitivité nationale, et a eu des conséquences catastrophiques sur la France. Cette confusion entre aménagement du temps de travail par la flexibilité ou la réduction horaire pour éviter qu'une entreprise ne disparaisse – que nombre de pays compétitifs pratiquent – et réduction automatique et systématique du temps de travail est une faute grave, purement idéologique. Au point que la fin du rapport part dans une sorte de délire, avec une invitation à passer aux 32 heures. Or vous-même reconnaissez, madame la rapporteure, que ce n'est pas possible parce que la croissance n'est pas au rendez-vous, admettant du même coup que c'est la croissance qui crée les emplois, et non la réduction du temps de travail.

Plus stupéfiant encore, le dernier paragraphe de votre conclusion nous plonge dans une idéologie tiers-mondiste prônant la décroissance, la diminution de la quantité de travail produite par chacun, la nécessaire régression dans l'usage des technologies et des énergies. Madame la rapporteure, malgré tout le respect que je vous porte, la page 188 de votre rapport résume l'idéologie dangereuse de ce rapport, à l'exact inverse de ce que nous avons entendu au cours des auditions s'agissant des effets catastrophiques des 35 heures sur la compétitivité, l'emploi et la situation économique et sociale de notre pays.

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