Intervention de Jean-Charles Taugourdeau

Réunion du 9 décembre 2014 à 9h00
Commission d'enquête relative à l'impact sociétal, social, économique et financier de la réduction progressive du temps de travail

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Charles Taugourdeau :

Même si je n'ai pas pu être facilement présent aux réunions de la Commission, je qualifierai ce projet de rapport de sérieux. Il présente une bonne synthèse de la question dont j'ai eu à traiter dans d'autres cadres que celui-ci. Je regrette néanmoins les certitudes de Mme la rapporteure, dont les conclusions sont très orientées. Et ce n'est pas parce que nos avis divergent que l'ambiance devrait être malsaine. Nous pouvons discuter de façon très sereine. Du reste, la pensée unique n'est en rien la garantie d'une bonne ambiance.

Notre collègue Jacqueline Fraysse nous invite à ne pas faire des 35 heures un bouc émissaire. Je suis totalement d'accord : le problème de la compétitivité de la France ne s'y résume pas et nous allons d'ailleurs bientôt savoir si M. Macron s'est posé les bonnes questions. Il convient, en effet, de prendre en compte tous les codes, toutes les normes, les directives européennes. Et quand vous nous demandez de prendre en considération les évolutions, madame Fraysse, je suis, là aussi, entièrement d'accord avec vous puisque nous ne cessons de rappeler que la France n'est pas un pays isolé.

Dans vos conclusions, madame la rapporteure, vous affirmez que le temps d'utilisation des machines est passé de 50 à 55 heures grâce à la mise en place des 35 heures sans qu'on ait eu à dépenser un euro supplémentaire. Il ne faut pas confondre dépenses de fonctionnement et dépenses d'investissements – un bon investissement a un coût mais il rapporte. Le passage de 50 à 55 heures d'utilisation des machines engendre de toute façon des frais supplémentaires, ne serait-ce qu'à travers le surcroît d'heures supplémentaires.

On montre souvent les échecs des autres pour atténuer la portée des siens propres. Quand j'avais une mauvaise note, enfant, et que je faisais valoir que d'autres en avaient obtenu une moins bonne, mon père me répondait que seuls ceux qui avaient de meilleurs résultats l'intéressaient. Ainsi évoquiez-vous l'Italie. J'ignore si c'est un bon exemple mais ce ne l'est en tout cas pas en matière de constance dans le respect des règles – j'en ai fait à plusieurs reprises l'expérience dans l'exercice de ma profession. Vous avez par ailleurs imputé la réussite de l'Allemagne au mark fort grâce auquel elle a pu baisser le coût du travail. Or si le mark fort favorisait l'Allemagne, pourquoi l'euro fort ne favoriserait-il pas la France ? Certes, on sait très bien que l'euro fort handicape nos exportations. Il convient de préciser surtout que l'Allemagne n'a pas le même code du travail que nous, ni les mêmes normes puisqu'elle transpose les normes européennes a minima alors que la France les transpose à l'excès.

Ensuite, quand nous affirmons que la valeur travail s'est perdue en France, cela ne signifie pas que chacun n'est pas attaché à son travail. Consacrer du temps à sa famille, c'est bien ; mais il faut admettre que les RTT profitent davantage au cadre et à l'agent de maîtrise, qui ont des salaires honorables, qu'à l'ouvrier qui, avec 1 200 euros par mois, aura bien du mal à faire vivre sa famille et ses quatre enfants. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si ce dernier profitera de ses RTT pour faire un petit boulot ici ou là. La réduction du temps de travail, c'est bien, encore faut-il que le salarié soit correctement rémunéré pour qu'il en soit satisfait.

J'y insiste : on a perdu la valeur travail. On cherche souvent un emploi avant de chercher un travail. Or il est beaucoup plus facile de trouver un travail qui sera parfois à temps partiel, au début, mais qui permettra de montrer ce que l'on sait faire. On a perdu de vue ce schéma. C'est dommage. Nous avons eu des discussions sur les groupements d'employeurs : c'est bien le travail qui crée l'emploi – et non l'inverse – et c'est bien, parfois, la juxtaposition de plusieurs « morceaux » de travail qui permet d'obtenir un CDI au sein d'un groupement d'employeurs.

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