Tout d'abord, si l'on étendait le périmètre de la CSPE au gaz naturel ou au fioul domestique, on opérerait un transfert de charges vers des consommateurs qui sont souvent précaires. Selon nos calculs, la facture du chauffage électrique diminuerait de 56 euros par an, tandis que celle des consommateurs de gaz naturel – dont je rappelle qu'il représente 64 % du chauffage collectif dans le logement social – augmenterait de 111 euros, soit 10 %, et celle des consommateurs de fioul, qui est très utilisé dans le monde rural et par de nombreux foyers en situation de précarité, de 153 euros par an. Un élargissement de la CSPE – qui couvre une partie du prix de l'électricité produite par les EnR et destinée par définition aux consommateurs d'électricité – reviendrait à faire payer à des consommateurs un produit qu'ils n'utilisent pas. Or, chaque énergie doit payer ses coûts et non ceux des autres.
Un mot sur le gaz naturel. S'il s'agit d'une énergie fossile, n'oublions pas qu'il contribue à la transition énergétique. En effet, à l'échelle mondiale, la lutte contre le réchauffement climatique passe davantage par le transfert du charbon vers le gaz que par le développement des énergies renouvelables. Nous pensons, quant à nous, que les deux sources d'énergie sont nécessaires, d'autant qu'elles sont complémentaires, puisque l'utilisation de gaz pour la production d'électricité est très flexible, alors que certaines énergies renouvelables sont intermittentes. Encore une fois, dans de nombreux pays, le moyen le plus rapide et le plus efficace de limiter les émissions de gaz à effet de serre consiste à remplacer les équipements fonctionnant au charbon par des équipements fonctionnant au gaz. C'est du reste ce que GDF Suez est en train de faire dans des villes telles que Pékin, Shanghai et Chongqing.
Quant à la filière du biométhane, elle est en plein développement, puisqu'il existe 500 projets d'injection dans les réseaux de gaz naturel. On pense que la proportion de biométhane dans ces réseaux pourrait atteindre 5 % en 2020, sachant que l'objectif de 2030, que le Gouvernement n'a pas souhaité à ce stade inscrire dans la loi de transition énergétique, figurera probablement dans la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), devrait être de 10 %. Cela conduira à une augmentation de 4 % de la facture de gaz.
J'ajoute que le gaz est soumis à des taxes, notamment à une taxe carbone, la Taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), qui représentera progressivement 7 % du prix du gaz. C'est d'ailleurs la hausse de cette taxe au 1er janvier qui va entraîner l'augmentation du prix du gaz de 1,8 %, prix qui aurait baissé de 0,6 % si l'on avait tenu compte uniquement du coût de la molécule. En conséquence l'effort des consommateurs de gaz naturel en faveur du climat se traduira par une augmentation de 11 % des prix à l'horizon 2020, ce qui n'est pas négligeable.
Par ailleurs, élargir la CSPE reviendrait à envoyer un signal favorable au chauffage électrique, dont on sait qu'il sollicite des moyens de production fortement émetteurs de CO2. Ce serait, en outre, incohérent dans la mesure où un risque pèse sur la sécurité d'approvisionnement, qui a d'ailleurs été remarqué par le Réseau de transport d'électricité (RTE) – c'est également le cas en Belgique. Si tous les pays européens importent de l'électricité au même moment, il risque d'y avoir un problème. Il faut donc faire attention aux pointes de consommation d'électricité en hiver et tout faire pour éviter de les aggraver. J'ajoute que l'électricité que l'on importe, notamment d'Allemagne, est souvent produite à base de charbon. Rappelons également que le contenu en CO2 de l'électricité nécessaire pour couvrir de nouveaux besoins de chauffage est plus élevé que celui du chauffage au gaz naturel – nous tenons la démonstration à votre disposition.
Aujourd'hui, le prix de l'ARENH est à 42 eurosMWh, le prix de marché de l'électricité à 43 eurosMWh. La marge est donc extrêmement réduite : le jour où le premier dépassera le second, l'ensemble du dispositif perdra son intérêt. Qui, en effet, achètera à EDF une électricité qu'il peut se procurer à un prix moindre sur le marché ?
En résumé, les règles d'élaboration du prix de l'ARENH doivent respecter les objectifs de la loi NOME : rémunérer normalement l'opérateur et redistribuer l'avantage économique du parc nucléaire aux consommateurs, ce qui n'est pas tout à fait le cas aujourd'hui. Le développement des énergies renouvelables doit être maîtrisé. À cet égard, la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la réforme du mécanisme de soutien vont dans le bon sens. Ils garantissent une maîtrise des charges du service public et un prix optimal pour les consommateurs en envoyant les bons signaux économiques aux acteurs. L'élargissement du périmètre de la CSPE aux énergies fossiles serait non seulement anti-économique, mais aussi antisocial et anti-environnemental pour les raisons que je viens d'indiquer.
J'évoquerai, en conclusion, la fin des tarifs réglementés. En France, la situation est telle que la concurrence est très faible sur le marché de l'électricité et très élevée sur le marché du gaz. La France est en effet le seul pays d'Europe où, en matière de fourniture d'électricité, l'opérateur historique n'a pratiquement pas perdu de parts de marché ; EDF en détient toujours environ 90 %. Ce n'est évidemment pas le cas pour le gaz. En effet, si, pour les consommateurs individuels, notre part de marché est encore de 85 %, celle-ci est tombée à moins de 30 % sur le segment des plus gros consommateurs. Or, ce sont les tarifs réglementés du gaz que les pouvoirs publics ont décidé de supprimer en premier, d'abord pour les consommateurs industriels, puis, peu de temps après, pour les consommateurs professionnels. Dans ce cadre, nous avons été forcés de communiquer les informations que nous détenons sur la consommation de nos clients à tous nos concurrents, notamment à EDF, non seulement pour les consommateurs professionnels – on peut à la rigueur le comprendre, mais ils ne sont pas du tout contents – mais aussi pour les particuliers. Une telle différence de traitement me paraît anormale ; je ne comprends pas que l'on ouvre davantage encore le marché sur lequel la concurrence est la plus vive et que l'on continue à protéger l'autre.