Intervention de François Brottes

Réunion du 4 décembre 2014 à 8h00
Commission d'enquête relative aux tarifs de l'électricité

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Brottes :

Ma principale question portera sur le marché de capacité.

J'ai bien compris, monsieur Mestrallet, que vous préfériez percevoir la CSPE plutôt que la verser ; c'est humain. Cela dit, je ne sais pas si, sur le chauffage électrique, vous tiendriez le même discours en Belgique, car, dans une maison bien isolée, un chauffage d'appoint électrique n'est pas aussi pervers que vous le dites. Le modèle économique des énergies renouvelables convient à ceux qui en produisent, puisqu'ils bénéficient d'une obligation d'achat garantie sur une certaine durée. Mais ne pourrait-on pas les responsabiliser par rapport à l'intermittence, en intégrant dans ce modèle un peu de stockage, surtout si l'on produit de l'hydrogène décarboné que l'on injecte ensuite dans le réseau de gaz ? Vous êtes, à cet égard, l'entrepreneur le mieux à même de faire évoluer le modèle. Même les Allemands commencent à dire que nous allons dans le mur. Tout ne va pas bien ! Les coûts explosent et l'inconséquence domine, si bien qu'il va falloir moraliser le dispositif. Certes, de petits opérateurs, qui sont du reste de moins en moins nombreux, cherchent à gagner de l'argent rapidement sur ces marchés. Mais d'autres opérateurs sont sérieux et connaissent parfaitement toutes les énergies à travers le monde. C'est pourquoi on attendrait de vous, compte tenu de votre palette de compétences, que vous proposiez des innovations en ce qui concerne le modèle économique des renouvelables, notamment sur la question du stockage.

Par ailleurs, l'abandon, hier, du projet de gazoduc South Stream aura-t-il des conséquences ? À ce propos, on m'a toujours expliqué que les prix du gaz étaient liés au marché du pétrole. Or, force est de constater que c'est le cas quand les prix montent, non quand ils baissent. Cherchez l'erreur ! J'imagine que vous pourrez nous éclairer sur ce point.

J'étais hier, avec les membres du bureau de la commission les affaires économiques, à Berlin, où j'ai co-animé, avec mon homologue Peter Ramsauer, une réunion de la commission de l'économie et de l'énergie du Bundestag au cours de laquelle nous avons examiné les situations française et allemande dans le domaine de l'énergie. En ce qui concerne l'Allemagne, si la scission d'E.ON plaît à certains, notamment aux écologistes, elle déplaît fortement à d'autres – en l'espèce au secrétaire d'État qui était présent –, qui se demandent si un fonds de défaisance ne sera pas créé et toute une série d'actifs dévalorisés et abandonnés à bon compte. Par ailleurs, l'éolien fatal commence à leur poser problème. Et ils nous ont également prévenus qu'ils ne seraient pas au rendez-vous de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, car ils auront encore longtemps besoin de leurs centrales à charbon. Enfin, l'abandon du nucléaire fait l'unanimité.

J'en viens maintenant au marché de capacité. Hier, j'ai également rencontré des électro-intensifs allemands, dont je tairai le nom, avec lesquels j'ai pu recouper un certain nombre d'informations. Nos voisins allemands ont compris bien avant nous qu'il y avait là un problème, et ils ne se sont pas gênés pour créer des dispositifs adaptés. Ils se sont certes fait un peu gronder par la Commission, mais ils s'en tirent assez bien, puisque cette dernière a entériné, à peu de chose près, leur dispositif.

Ainsi les électro-intensifs allemands sont aidés de trois manières. Tout d'abord, le secrétaire d'État a indiqué que leur contribution au renouvelable allait être revue. Ensuite, ils sont exonérés du paiement de 90 % du transport d'électricité. Enfin, comme les Italiens et les Espagnols, les Allemands ont mis en place un mode de subventionnement assez judicieux qui est lié au marché de capacité ou à la question de la sécurisation des réseaux. En effet, ils lancent, auprès des entreprises qui acceptent de s'effacer en cas de pointe ou d'hyper-pointe, un appel d'offres qui permet de qualifier un certain nombre d'opérateurs. Ensuite, toutes les entreprises sélectionnées bénéficient, pour être présentes dans le dispositif, d'un forfait annuel assez élevé, qu'elles perçoivent même si l'effacement n'est pas appelé. C'est donc une façon un peu détournée de baisser significativement le prix de l'électricité pour les électro-intensifs. Conscients que l'Europe a du mal à maintenir son industrie, les Allemands ont décidé de défendre la leur, sous-entendant que ce n'était pas le cas de la France, où tout le monde paie la même chose. C'est tout de même un comble !

Quoi qu'il en soit, je tenais à apporter ce témoignage à la commission. En Allemagne, on a trouvé trois moyens de baisser significativement les tarifs pour les électro-intensifs. Certes, ces tarifs ne sont plus du tout, de ce fait, orientés vers les coûts, mais j'ai compris, monsieur Mestrallet, que vous acceptiez des exceptions en faveur des précaires et des électro-intensifs.

RTE a produit un rapport un peu angoissant, dans lequel il est expliqué que la situation sera compliquée l'hiver prochain. Or, GDF Suez est perçue à cet égard comme l'entreprise qui met en péril le dispositif, puisque ce sont les nombreuses centrales combinées gaz que vous avez décidé d'arrêter qui peuvent jouer un rôle de dépannage en cas de pointe de consommation. Certes, vous ne pouvez pas maintenir en activité, pour un coût très élevé, des centrales qui ne servent jamais. Je vous pose donc la question suivante. Si nous créons, pour le dépannage en urgence, un modèle financé par un forfait garanti, sera-t-il possible de placer les centrales sous un cocon opérationnel ? Aujourd'hui, en France, il n'y a de forfait ni pour l'effacement ni pour la capacité. On fonctionne au coup par coup, ce qui prive de visibilité les investisseurs ou les producteurs qui sont tenus d'entretenir des systèmes coûteux qui ne servent pas. Une rémunération de ce type pourrait-elle vous faire renoncer à désactiver les centrales combinées gaz ? Et quelle est votre vision du marché de capacité, qui se cherche en France comme en Allemagne ?

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